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Semences certifiées ou fermières : faire le bon choix

À l’heure des semis, choisir entre des semences certifiées ou fermières peut s’avérer un vrai casse-tête, sachant que sur le plan économique, un différentiel de 30 % peut exister entre les deux. Éclairages.

Semences certifiées ou semences de ferme ? La question taraude bon nombre d’agriculteurs lors des semis du blé tendre. « La première raison pour laquelle les agriculteurs choisissent les semences de ferme, est économique », annonce Sylvain Ducroquet, président du syndicat des trieurs à façon français (Staff). Avec des semences fermières, l’agriculteur peut espérer économiser jusqu’à 30 % par rapport aux prix des semences certifiées (voir l’exemple ci-contre). Si cet écart est important, « c’est parce que la recherche variétale n’est pas financée de la même manière dans les deux systèmes », estime Thierry Momont, président de la section céréales du Gnis et directeur de KWS Momont. Selon le responsable, pour un agriculteur faisant un rendement moyen en blé de 80 quintaux/hectare, la contribution volontaire obligatoire (CVO) qui finance les droits des obtenteurs est de 0,7 euro par tonne de blé vendue, soit 5,60 euros/hectare. Ce même agriculteur opte pour des semences certifiées. Le prix d’achat intègre 7,70 euros/quintal redonnés aux obtenteurs sous forme de royalties. Par ailleurs l’agriculteur reçoit un retour de la CVO à hauteur de 2,80 euros par quintal de semences achetées. À l’hectare, le financement de la recherche varie entre 11 et 13 euros/hectare selon la densité de semis… soit à peu près le double de ce qui est versé en semences de ferme. Le surcoût lié aux semences certifiées comprend aussi le fait qu’elles sont livrées clé en main. « Le temps que l’agriculteur ne consacre pas aux semences de ferme peut alors servir à une autre tâche », remarque une conseillère de la chambre d’agriculture de Moselle.

Des traitements de semences sur mesure

Sur le plan technique, les semences fermières sont triées et traitées à la demande de l’agriculteur, ce qui peut réduire le coût du traitement des semences. Le président du Staff l’illustre en prenant l’exemple du blé et de la mouche grise qui se développe après une culture industrielle. « Quand nous arrivons dans les exploitations, nous demandons à l’agriculteur ses précédents culturaux, raconte Sylvain Ducroquet. Nous ajoutons au fongicide de base un insecticide contre la mouche grise uniquement si le besoin s’en fait sentir. » Cette prestation sur-mesure permet également aux trieurs à façon de proposer des traitements de semences avec des produits de biocontrôle. A contrario, les semenciers gèrent un risque collectif. Par précaution, ils utilisent de façon standard des traitements haut de gamme. « Nos garanties doivent être valables quelles que soient les pressions maladies ou ravageurs », explique Thierry Momont. Contrepartie de l’industrialisation des process, la germination et la bonne levée au champ sont garanties dans le cas des semences certifiées. « Celles-ci répondent à des normes de traçabilité afin qu’elles soient pures et qu’il n’y ait pas d’erreurs variétales, insiste Thierry Momont. C’est un véritable engagement du vendeur. » Ce qui n’est pas le cas pour les semences de ferme. « Nous ne pouvons pas assurer de telles garanties car ce n’est pas notre marchandise », précise de son côté le président du Staff.

Des mélanges plus faciles à personnaliser en semences de ferme

Quel que soit le type de semence, les opérations de tri sont essentielles. Dans le circuit de la semence certifiée, de plus en plus de stations de semences sont équipées de trieurs optiques afin d’éliminer les grains fusariés ou la présence d’ergot. Chez les trieurs à façon aussi, les outils se modernisent. Aujourd’hui, les prestataires sont capables de trier 10 à 15 tonnes de blé par heure. Ils sont équipés, par exemple, d’automates qui pompent le traitement de semence afin que l’agent ne soit pas au contact du produit. Les équipements et structures sont aussi responsables de la variation des prix. « Il est moins coûteux d’entretenir une petite station de semences mobile qu’un grand outil de triage et de traitement », estime ainsi Sylvain Ducroquet. Outre son coût, le tri à façon offre d’autres possibilités techniques, telles que le mélange de variétés au cas par cas. Pendant très longtemps, seuls les trieurs à façon étaient capables de répondre à ce type de demande, les agriculteurs pouvant semer leur propre mélange de variétés et le récolter ou bien mélanger entre elles post-récolte des variétés de leur choix. Cette longueur d’avance qu’avaient les trieurs à façon commence à être rattrapée par les semenciers : ceux-ci commercialisent certains mélanges de céréales tout faits depuis 2016. Mais Thierry Momont veut être clair, « un mélange de céréales certifiées se fait avec des variétés pures pour garder la logique de certification ».

Des capacités germinatives qui peuvent être testées

Garantir une qualité peut s’avérer difficile lorsque les grains sont maigres. La valeur refuge est alors la semence certifiée, à l’image de la récolte 2016 où certains agriculteurs ont préféré acheter la totalité de leurs semences. Les conseillers de chambres d’agriculture s’accordent pour dire que lorsque le grain est de mauvaise qualité, « il faut savoir renoncer aux semences de ferme ». Mais selon Sylvain Ducroquet, « gros ou petits grains, les capacités germinatives sont les mêmes. Bien sûr le taux de déchet est plus important lorsque le grain est petit puisqu’il peut aller jusqu’à 25 %, contre 5 à 10 % d’habitude ». Il est donc important d’effectuer un test de germination, qui indique le pourcentage de germination des grains. Il peut être fait chez soi. Il est conseillé de le réaliser juste après la récolte, après avoir stocké les grains à l’abri de l’humidité. « Il suffit de lever la dormance en passant les graines au réfrigérateur et d’en semer une centaine dans une jardinière, explique Vincent Moulin, conseiller à la FDgeda du cher. Quelques jours plus tard, l’agriculteur compte le nombre de grains germés. » Pour s’assurer d’un bon taux de germination, il faut que 80 % des grains aient germés.

Lorsque le grain est de mauvaise qualité, il faut savoir renoncer aux semences de ferme

Un choix aussi idéologique

Pour Thierry Momont, président de la section céréales du Gnis et directeur de KWS Momont, le secteur semencier est comparable à celui de la musique : l’achat de semence certifiée est donc plus un engagement moral qu’un choix économique. Sylvain Ducroquet, président du syndicat des trieurs à façon français (Staff), estime de son côté que les modèles changent et les propriétés intellectuelles sont en passe de disparaître. Et certains agriculteurs choisissent des semences fermières pour se sentir plus indépendants face aux entreprises semencières et phytosanitaires. « Opter pour la semence de ferme, c’est un état d’esprit », résume-t-il.

Des techniques culturales inchangées

Selon le type de semences, les agriculteurs ont tendance à modifier les densités de semis. Pour la chambre d’agriculture de la Moselle, si les semences fermières sont bien triées et que le taux de germination est élevé, il n’y a pas de raison de modifier les doses de semis. Côté rendements, selon Thierry Momont, « on peut remarquer un léger avantage pour les semences certifiées mais il est difficile d’en trouver la cause. Est-ce le choix d’implanter des semences certifiées dans des sols à fort potentiel ? ». Les conseillers techniques sont en tout cas unanimes : les grains sont les mêmes, donc il n’y a pas de raison que les techniques culturales diffèrent. Ils conseillent tout de même de renouveler régulièrement les semences afin de profiter des progrès génétiques et d’éviter l’ergot ou encore la carie.

Une économie de 30 % avec les semences fermières

Clémence Lasemence est agricultrice en Lorraine. Elle cultive 100 ha de blé tendre et son rendement moyen est de 75 q/h. Elle sème à une densité de 180 kg/ha. Elle hésite entre acheter des semences certifiées et produire ses semences elle-même. Elle fait donc ses calculs (1) :

Pour ses semences fermières, elle fait appel à un trieur à façon. Il effectue un tri pour 5 €/q et applique un traitement de semences basique pour 6 €/q. Elle évalue son propre temps de main-d’œuvre pour manipuler les semences à 4 h en travaillant à deux. À un tarif de 50 €/h, cela lui coûte donc 2,50 €/q. Elle ne paie pas de CVO sur la quantité de blé utilisée pour les semences puisque les grains ne sont pas commercialisés. Elle paie toutefois la contribution à la livraison de sa récolte (0,07 €/q).

Cette année, l’organisme stockeur qui lui vend les semences certifiées et à qui elle livre toute sa récolte, lui propose une ristourne sur son éventuel achat : 4 €/t de blé livré. Cela revient à 30 €/ha (750 t x 4 € sur 100 ha). Sachant qu’elle sème à 180 kg/ha, la ristourne rapportée au quintal de semences est de 16,66 euros (30 €/1,8). Clémence Lasemence obtient également un retour sur CVO à 2,80 €/q.

Calculs faits, les semences de ferme sont 10,20 euros moins chères que les semences certifiées.

(1) Exemple réalisé avec la chambre d’agriculture de Moselle.

Pour comparer vos chiffres, le site du Gnis met en ligne un comparateur :

www.reseau-semences-certifiees.fr

/applications/comparateur-de-prix

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