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Se prémunir des litiges à l’achat d’un matériel

Une signature peut avoir de lourdes conséquences. C’est le cas lors d’un achat de matériel. Entre le bon de commande, les contrats de garanties, le bon de livraison, l’acheteur peut oublier à quel point il s’engage. Voici quelques astuces pour éviter les différends.

Dans l’euphorie de l’achat d’un nouvel équipement, on peut en oublier l’essentiel : se préserver des litiges en cas de mauvaise surprise à la livraison. Il convient d’être pointilleux sur les documents à signer. Neuf ou d’occasion, lorsque l’achat est effectué par l’intermédiaire d’un concessionnaire, le bon de commande est le premier contrat. « Signé par les deux parties, il matérialise un accord commercial, précise Jean-Michel Sintive, expert automobile au cabinet Lemaire. Tout ce qui est négocié doit être écrit car en cas de litige, les précisions constitueront des preuves. » Le bon de commande se doit d’être précis, il faut donc décrire au mieux la machine qui arrivera dans la cour de ferme. « Le vendeur peut avoir tendance à remplacer le descriptif en faisant référence au document commercial, remarque Sylvain Deseau, conseiller agroéquipement à la chambre d’agriculture du Loiret. Toutefois, ces documents n’ont très souvent aucune valeur contractuelle. En cas de litige, cette référence sera alors caduque. » De manière générale, doivent apparaître les indications techniques sur le bon de commande, avec notamment le modèle, la marque, la version, les caractéristiques principales, les équipements et leur marque, leur fonctionnalité, les options retenues, les abonnements, le prix du matériel et les conditions de paiement. Le montant total de l’achat doit comprendre, lorsqu’il y a lieu, les frais de réparation, de livraison, de carburant et de carte grise. Un acompte ou des arrhes peuvent être demandés. Ces deux termes présentent des différences subtiles. Dans les deux cas, l’argent versé ne peut pas être récupéré mais avec l’acompte, l’acheteur ne peut pas se dédire. S’il s’agit d’arrhes, l’engagement d’achat peut être rompu dans certaines conditions.

« Il est important d’étudier les conditions générales de vente, même si c’est fastidieux », préconise par ailleurs le conseiller du Loiret. Sur le bon de commande, on doit également retrouver la date maximum de fabrication pour que l’acheteur ne se retrouve pas avec un matériel stocké depuis trop longtemps. Pour les matériels d’occasion, le jour de la première mise en service est à préciser. Les numéros du constructeur et d’immatriculation doivent être stipulés. Lorsque le matériel motorisé est neuf, l’acheteur doit s’assurer qu’il répond bien à des normes antipollution. Les modalités de reprise du matériel doivent être écrites également sur le bon de commande.

Deux garanties obligatoires

Le bon de commande prévoit également des garanties. Deux sont légales, les autres sont purement commerciales. La première, inscrite dans le Code civil, est la garantie contre les vices cachés. Ce peut être par exemple, un défaut de conception, un fonctionnement défectueux, une panne ou encore une usure trop rapide du matériel. En tant que professionnel, l’agriculteur doit apporter la preuve que le vice était indécelable. L’acquéreur du matériel a deux ans après la découverte du vice caché pour se retourner vers le vendeur. Autre garantie légale, celle de conformité. Elle se rapporte au code de consommation. Le vendeur est obligé de livrer un bien conforme au bon de commande. Si ce n’est pas le cas, la vente peut être remise en question. « D’où l’intérêt de rédiger un bon de commande le plus précis possible, rappelle Jean-Michel Sintive. Il y aura un problème de conformité, par exemple, si la densité d’une presse n’est pas respectée, que les balles produites sont trop lâches alors que la machine a été vendue dans le but de réduire les trajets entre le champ et le lieu de stockage. » Certains critères sont évidents, comme la marque du moteur, mais il est bon de s’en assurer. L’acheteur doit s’enquérir que le matériel respecte bien les prérogatives du Code du travail, du Code de l’environnement et du Code de la route si c’est un engin motorisé. « On ne peut pas livrer une remorque qui n’est pas homologuée pour être tractée sur la route », ajoute le spécialiste. Le vendeur doit également remettre des documents de conformité, notamment la carte grise et les protections telles que la ceinture de sécurité sur un tracteur. Il y a également une conformité à l’usage. Selon la loi, un matériel est conçu pour un certain usage. La vente de cet engin est donc en rapport avec l’utilisation pour laquelle il a été prévu.

Ce qui n’est pas exclu est garanti

Lors d’une vente, le vendeur propose souvent une garantie constructeur d’un an minimum. Elle concerne en particulier les pièces et la main-d’œuvre. Elle est contractuelle et n’est donc pas obligatoire. « L’acheteur doit bien s’assurer qu’il existe un contrat de garantie spécifique, explique Jean-Michel Sintive. Par accord, ce qui n’est pas clairement exclu du contrat est inclus dans les garanties. » D’où l’intérêt de vérifier ce à quoi se rattache ce contrat. « Juridiquement le vendeur aura du mal à prouver que la pièce n’est pas garantie, à moins que ce soit explicitement mentionné dans le contrat de garantie », ajoute l’expert.

Lors de la vente, une extension de garantie peut être proposée. Basée sur le même principe qu’une garantie contractuelle, tout ce qui n’est pas clairement exclu est garanti. Elle est souvent réalisée au nom des constructeurs par des assureurs. Toutefois, son utilisation a longtemps été conditionnée à l’entretien du matériel par le concessionnaire. Ce n’est plus le cas maintenant, elle est valable aussi lorsque le propriétaire du matériel l’entretient lui-même ou quel que soit le concessionnaire chez qui il va. « Cela laisse plus de liberté, mais attention tout de même à garder les preuves du bon entretien du matériel, avertit Jean-Michel Sintive. En cas de litige, l’utilisateur doit fournir des preuves à son fournisseur. Il convient donc de garder les factures des opérations d’entretien réalisées, avec leur descriptif bien précis. »

L’agriculteur est un professionnel

Juridiquement, lorsqu’un bon de commande est signé, l’acheteur a un droit de rétractation de quatorze jours. Toutefois, l’agriculteur est considéré comme un professionnel. Dans ce cas, la rétractation devient impossible. En effet, le tribunal estime que l’agriculteur connaît ses besoins et le matériel nécessaire à son exploitation. Autre conséquence, le vendeur n’a pas d’obligation de conseil. « Les compétences entre professionnels de la vente et agriculteurs sont considérées comme identiques, prévient le conseiller de la chambre. Leurs droits sont donc les mêmes et leur relation fonctionne d’égal à égal. »

Le bon de livraison a, lui aussi, son importance tant pour le vendeur que l’acheteur. Lorsque le matériel est déposé à l’endroit convenu sur le bon de commande, c’est le moment de faire une vérification des points visibles avant la mise en route du matériel. Sur la conformité certes, mais aussi sur les options commandées, le numéro de série et le nombre d’heures au compteur. En cas d’erreur, il est important d’émettre des réserves par écrit sur le bon de livraison. Si la mise en route en présence du concessionnaire ne suit pas la livraison, il faut alors mentionner sur le bon de livraison avant sa signature « sous réserve des vérifications du fonctionnement lors de la mise en route ». Dans ce cas, l’acheteur ne doit pas utiliser le matériel seul : une erreur de manipulation peut lui être reprochée. La mise en route permet de vérifier que le matériel est fonctionnel et répond à l’usage attendu. Pour le vendeur, la signature de l’acquéreur certifie que le bien a été livré mais aussi qu’il est à payer. « Lorsque le bon de livraison n’est pas signé, l’acquéreur n’a pas d’obligation de paiement du matériel, précise l’expert automobile. Toutefois, quand le matériel est livré, c’est une question d’honnêteté de le payer. » Pour l’acheteur, c’est une preuve que le matériel est bien conforme à la commande et aux lois prévues et que le livret d’utilisation est bien remis.

Il est important d’étudier les conditions générales de vente, même si c’est fastidieux.

Quand l’agriculteur se fait vendeur

Lors de la vente d’un matériel d’occasion, l’agriculteur prend la position de vendeur. Dès que l’annonce est publiée, les obligations commencent.

- Tout d’abord la photo et la description doivent correspondre au matériel à vendre.

- D’autre part, l’agriculteur est soumis à l’obligation d’information, il doit donc informer l’acheteur des caractéristiques du matériel (l’âge, le nombre d’heures…). Comme pour un matériel neuf, il est judicieux de rédiger un bon de commande précis.

- Si le matériel est vendu à un autre agriculteur, il doit être conforme aux normes de sécurité. Pour cela, il faut remettre à l’acheteur un certificat établi par le vendeur ou celui remis par le constructeur. Il est possible de se défaire de cette obligation en mentionnant sur le bon de commande ou sur la facture « matériel vendu en l’état » ou « matériel vendu pour destruction » ou encore « matériel vendu pour pièces ». Dans ce cas, le prix doit être cohérent. « Pour se séparer d’un matériel non conforme aux règles de sécurité, il est plus simple de le vendre à un concessionnaire », préconise Sylvain Deseau, conseiller agroéquipement à la chambre d’agriculture du Loiret.

- Si le matériel vendu ne respecte pas la réglementation routière et n’est donc pas homologué, il vaut mieux le préciser sur le bon de commande.

Les démarches en cas de litige

Livraison non conforme, vice apparent ou caché, matériel non conforme à l’usage, matériel non réparé… quel que soit le préjudice, il est bon de se questionner sur ses conséquences réelles du dysfonctionnement constaté, avant de se lancer dans des démarches. « Avant d’envisager une procédure judiciaire, la procédure à l’amiable est à privilégier, explique Jean-Michel Sintive, expert automobile au cabinet Lemaire. 80 % des litiges se résolvent de cette façon. » Pour figer la date du premier échange, il faut signaler le problème à la partie adverse par courrier recommandé avec accusé de réception. Une prise de rendez-vous pour essayer de trouver un terrain d’entente peut être envisagée. Si ce premier échange n’aboutit pas, la procédure à l’amiable peut se poursuivre avec un cadre plus juridique. Avant tout, il est bon de savoir qu’il faudra apporter des preuves de ce qu’on reproche et que tout ce qui n’a pas été écrit ne pourra pas être réclamé. Il peut être judicieux de contacter son assurance car l’agriculteur bénéficie peut-être d’une protection juridique, ce qui évite de prendre en charge les frais liés à cette démarche. Ensuite, chaque partie doit être représentée par un expert en matériel agricole habilité. Il va dans un premier temps faire l’état du préjudice ainsi que son origine. Afin de figer la situation, le propriétaire doit conserver le matériel en l’état. Si son usage est incontournable, l’expert peut demander le passage d’un huissier pour qu’il effectue un constat dès le démarrage de la procédure. Les deux experts et l’ensemble des parties se rencontrent ensuite pour tenter de trouver un accord amiable. À l’issue de cette réunion, un procès-verbal est rédigé et si un accord est trouvé, un protocole d’accord est établi. Au contraire, si aucun accord n’est trouvé, l’ensemble des parties devra se tourner vers le recours judiciaire avec un avocat.

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