REVENU
S'armer face aux fluctuations
Les exploitations ont connu des revirements de situation économique violents, qui ont mis à l’épreuve à la fois la trésorerie et le revenu. Au-delà des premières mesures d’urgence, une réflexion s’impose sur son système d’exploitation et les outils de lissage du revenu.
Le bon vieux temps des filets de sécurité sur les marchés des céréales est bel et bien révolu. Le peu d’outils de gestion de marché qui restent n’est pas suffisant pour jouer un rôle stabilisateur des prix. Pour les producteurs de grandes cultures français, le changement de paradigme a été brutal. Après l’euphorie de 2007 et 2008, c’est la « gueule de bois » de 2009 et, vraisemblablement de 2010.
La première étape est de reconstituer sa trésorerie. Les producteurs de grandes cultures ont réagi sainement en faisant massivement appel au plan d’urgence en faveur de l’agriculture mis en place fin 2009 par le gouvernement, alors qu’il était conçu, au départ, pour répondre aux besoins des producteurs laitiers, les premiers touchés par des problèmes de trésorerie. L’obligation pour les pouvoirs publics de multiplier par deux l’enveloppe consacrée à des prêts de reconstitution de fonds de roulement en dit long sur la situation économique des exploitations agricoles. Aucune production n’est épargnée, c’est ce qui caractérise l’année 2009, comme le soulignent certains conseillers de gestion.
SUCCÈS DU PLAN D’URGENCE
Le plan d’urgence en faveur de l’agriculture mis en place fin 2009 par le gouvernement a été très utilisé. « Les banques ont bâti le plan de soutien aux exploitations avec les pouvoirs publics en réponse à la situation des exploitations laitières, puis des autres secteurs d’élevage. En fait, les céréaliers y ont fait massivement appel car ces derniers ont anticipé la dégradation de leur situation à venir », souligne Caroline Halfen, responsable affaires agricoles à la direction Agriculture et Agroalimentaire du Crédit Agricole. « Le prêt de reconstitution de fonds de roulement à un taux maximum de 1,5 % a été le plus sollicité en raison de sa souplesse », considère Alain Renard adjoint de direction du centre de gestion AS Cefiga dans la Sarthe,. L’enveloppe destinée à ce type de prêt, prévue au départ à 500 millions d’euros, va en fait atteindre le double. En revanche, le prêt bonifié de consolidation des annuités 2010 a été boudé. Selon le Crédit Agricole, c’est surtout après le printemps 2010 que les exploitations céréalières risquent d’être confrontées à des problèmes de trésorerie.
Par ailleurs, même si elles ne sont pas surendettées, toujours selon la banque verte, les charges de mécanisation ont fortement augmenté entre 2005 et 2007, ce qui pénalise directement l’excédent brut d’exploitation. Au-delà des premières mesures d’urgence sur la trésorerie, il sera parfois nécessaire de remettre à plat son système d’exploitation dans sa globalité. Le réseau CER France préconise de « rendre variables des charges fixes » en faisant en sorte de constituer une ou plusieurs alliances afin d’éviter de supporter seul les charges liées aux matériels. À l’image des artisans: aujourd’hui les maçons préfèrent louer à des entreprises de location leurs échafaudages plutôt que d’en acquérir eux-mêmes.
Rendre son exploitation plus flexible, c’est travailler en Cuma, en assolement en commun, dans le cadre d’un réseau d’entraide, avoir recours à des prestataires de services ou devenir prestataire soimême. On sent bien que cette tendance est déjà en marche dans le secteur des grandes cultures et devrait s’accélérer dans les années à venir. Par ailleurs, les outils de gestion des risques, notamment l’assurance récolte, et le lissage du revenu, comme la dotation pour aléas (DPA) nouvelle formule et la déduction pour investissement (DPI), méritent une attention particulière pour gagner en sérénité dans les années à venir.
SITUATION FINANCIÈRE
Des chutes de revenu conséquentes
En 2009, à la baisse des prix des produits, s’est cumulée une hausse des charges opérationnelles mais aussi des impôts et des cotisations MSA. « Il y a eu un effet de ciseaux particulièrement violent », commente Claude Renard, de la FDSEA Conseil dans la Marne. « En céréales, on s’attend à une baisse de revenu de 300 euros par hectare dans les exploitations céréalières. Aucune production n’est épargnée, c’est ce qui caractérise l’année 2009 », souligne Joël Lorillou, d’Aide 37 en Indre-et-Loire. La betterave échappe à cette règle. « Dans la zone betteravière, les revenus tournent autour de 150 euros par hectare, contre 50 euros en zones périphériques, et les revenus sont négatifs en Haute-Marne », décrit Claude Renard de la FDSEA Conseil dans la Marne. Tous s’accordent à dire que la majorité des exploitations de grandes cultures peuvent supporter une année difficile, mais une seconde à suivre risque de faire très mal.