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Agriculture régénératrice : comment les filières alimentaires s’emparent du sujet

Depuis quelques années, l'agriculture régénératrice et la santé des sols suscite un intérêt grandissant. Dans les filières agricoles, de l’amont à l’aval, chacun a des raisons de s’emparer du sujet avec l'objectif de régéner les sols pour s'adapter au changement climatique et sécuriser les rendements.

La régénération des sols en agriculture doit permettre de concilier production et préservation du support des cultures qu'est le sol.
La régénération des sols en agriculture doit permettre de concilier production et préservation du support des cultures qu'est le sol.
© McCain/Earthwom

Adaptation des exploitations face au changement climatique, amélioration de la fertilité des sols, stockage du carbone… Plusieurs raisons poussent les maillons des filières agricoles à s’intéresser à la question de la santé des sols matérialisée autour de la notion d'agriculture régénératrice. Les agriculteurs, parce que c’est leur outil de travail et les industriels, parce qu’ils dépendent de la capacité des sols à leur fournir une production régulière. « Les sols sont la matrice centrale de la production agricole, considère Olivier Dauger, agriculteur et administrateur de la FNSEA, référent climat et énergie. Un sol en bonne santé est plus résilient, retient mieux l’eau, stocke du carbone et subit moins d’érosion. La résilience, c’est aussi avoir des plantes moins stressées qui résistent mieux aux maladies et aux ravageurs avec moins de produits phyto. »

Dans ce contexte, les acteurs des filières se découvrent une passion pour la vie des sols. « Cela fait vingt ans que je travaille sur le sujet, mais j’observe un point de bascule depuis une dizaine d’années où la thématique a commencé à prendre de plus en plus d’importance et à sortir de la sphère de quelques pionniers », constate Matthieu Archambeaud, fondateur d’Icosystème et agronome spécialisé dans la régénération des sols.

Les instituts de recherche, comme les agriculteurs, prennent peu à peu conscience que le sol est un écosystème capable de rendre de nombreux services à l’agriculture. « Cela fait longtemps qu’en agriculture on se penche sur la structure des sols mais pas sur sa vie biologique », note Diane Masure, agricultrice dans l’Aube et membre du réseau Apad (association pour une agriculture durable).

L’aval des filières se penche sur le sol

Preuve de cette bascule, on dénombre beaucoup de termes utilisés pour désigner les formes d’agriculture qui mettent l’amélioration de la santé des sols agricoles au cœur de leur projet. Agriculture de régénération, agriculture régénératrice ou régénérative ou encore agroécologie… Toutes s’appuient de manière plus ou moins poussée sur les trois principes de l’agriculture de conservation des sols (ACS) : la couverture des sols, la diversification des assolements et la limitation du travail du sol.

Ce mouvement se concrétise aujourd’hui par l’intérêt grandissant des entreprises de l’agroalimentaire pour la question des sols. Plusieurs géants du secteur se sont lancés dans des programmes d’agriculture régénératrice : McCain, Nestlé France ou encore Mondelez (Lu). Chacun ambitionne d’atteindre les 100 % d’approvisionnement engagé dans l’agriculture de régénération d’ici 2030. « Si on veut que nos usines soient encore là dans trente ans, avec des fermes pour les approvisionner, on doit aller vers des pratiques agricoles qui améliorent la résilience et la santé des sols », considère Charles Dezitter, en charge du programme agriculture régénérative chez McCain.

Dans un contexte de réchauffement climatique, ces entreprises cherchent à la fois à sécuriser leur approvisionnement (maintien des rendements) et aussi à respecter leur engagement pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. L’agriculture est un volet incontournable pour relever le défi puisque l’approvisionnement représente 70 % des émissions de ces industriels.

Pas un cahier des charges supplémentaire

Les coopératives commencent, elles aussi, à se pencher sur la question. Noriap, qui rayonne dans le nord de la France, a justement signé un premier contrat de blé en agriculture régénérative avec Nestlé l’an dernier. Axeréal a lancé un projet autour de la production de légumineuses avec la start-up Intact. « Le projet repose sur une meilleure inclusion des légumineuses dans les rotations agricoles, une réduction du travail des sols, le développement de couverts végétaux… », indique les deux structures dans un communiqué. Dans l’ouest de la France, deux coopératives, Coop de Mansle (16) et La Tricherie (86), viennent de s’engager dans l’agriculture régénérative. Un collectif de 21 agriculteurs s’est mobilisé dans un appel à projets intitulé Solnovo, porté par le pôle de compétitivité Agri Sud-Ouest Innovation.

Quels que soient les secteurs géographiques et les systèmes, les exploitations de grandes cultures se retrouvent en première ligne pour massifier les pratiques agricoles à même de relever ces différents défis concernant les sols agricoles. C’est donc tout un travail d’accompagnement technique mais aussi financier qui doit se mettre en place. Les différentes structures l’assurent : il ne s’agit pas d’un énième cahier des charges. « C’est une démarche portée par l’agriculteur qui remet le sol au centre de son système agricole », avance Charles Dezitter.

Accompagner le changement de pratiques

Pour accompagner les agriculteurs, McCain et Nestlé ont noué un partenariat avec le collectif Sols vivants, piloté par la fondation Earthworm, qui travaille sur l’approvisionnement durable des entreprises. Un diagnostic est réalisé à l’échelle de l’exploitation afin de faire un état des lieux et engager une démarche de progrès. Pour ce qui est de la pomme de terre, l’industriel canadien rappelle en effet que la limitation du travail du sol reste difficile à mettre en œuvre et que les changements s’envisagent sur plusieurs années, en y allant pas à pas.

« Nous ne sommes pas dans une obligation de moyens, avec un cahier des charges à respecter, mais plutôt dans une obligation de résultats avec une logique d’amélioration continue », précise Gaétan Jestin, responsable du pôle technique du programme Sols vivants. Dans cette optique, les produits phyto sont un levier d’actions qui n’est pas exclu, même si les pratiques mises en œuvre sont censées permettre de réduire la voilure sur ce point. Par ailleurs, l’adhésion à ces démarches est volontaire.

L’évaluation des changements de pratiques s’appuie sur des indicateurs (les piliers de l’ACS complétés par des volets sur la biodiversité (IAE), les analyses de sol, le stockage du carbone…). « Ces indicateurs sont faits pour aider l’agriculteur à voir où il en est dans sa transition », explique Charles Dezitter.

L’importance de la formation

Sur le plan financier, McCain a développé un dispositif qui propose un contrat de six ans et une prime de 5 euros par hectare pour les agriculteurs engagés. Un an après le lancement du programme, une centaine a franchi le pas (sur les 800 qui livrent l’industriel). Nestlé propose aussi une prime à la tonne graduelle en fonction des pratiques régénératives mises en place. Le géant alimentaire annonce que 180 producteurs des coopératives et négoces avec lesquels il travaille sont entrés dans la démarche, soit l’équivalent de 70 000 tonnes de matière première végétale cultivées selon les principes de l’agriculture régénératrice (sur les 300 000 t utilisées par Nestlé pour les usines françaises). « Nous considérons que plus les impacts positifs de ces pratiques se verront, plus il sera facile de convaincre de nouveaux agriculteurs », avance Charles Leonardi, directeur général de la supply chain de Nestlé France.

Dans cette transition, qui comporte des aspects techniques parfois difficiles à mettre en œuvre, la formation des agriculteurs et des techniciens semble primordiale. « Un mouvement est en marche mais 80 % des agriculteurs ne sont pas encore dans ces démarches », constate Sébastien Roumegous, fondateur de Biosphère, structure de conseils et de formation en agroécologie. Il souligne aussi l’importance de former les conseillers des coopératives et négoces, ainsi que ceux des chambres d’agriculture aux pratiques favorables à l’écosystème des sols pour accompagner les agriculteurs. « Les mutations sont lentes mais les ingrédients du changement sont présents en France », assure-t-il.

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