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Agritech
Rapport critique de la Cour des comptes sur l’innovation en agriculture

La Cour des comptes vient de publier le rapport « L’innovation en matière agricole- Une contribution essentielle à la transition agroécologique », à l'occasion du salon de l'Agriculture 2025. Il montre notamment que les agriculteurs innovent mais que le déploiement des innovations nécessaires à la transition agroécologique n’est pas atteint.

station météo au bord d'un champ de vigne
Une station météo pour le suivi des vignes, mais la Cour des comptes constate que l’agriculture numérique est encore peu utilisée.
© Clara de Nadaillac

Dans son rapport sur l’innovation agricole qu’elle vient de publier, la Cour des comptes estime que pour la période 2018-2023, environ 6,7 milliards d'euros ont été engagés par l’État pour accélérer le déploiement des innovations en agriculture, soit plus de 1 milliard d'euros par an. En hausse de 30 %, les soutiens publics sont passés de 2,9 milliards d'euros à 3,8 Md€ entre 2018-2020 et 2021-2023.

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86 % des agriculteurs intègrent régulièrement des innovations

Pour mesurer l’appropriation des innovations par les agriculteurs, la Cour s’est appuyée sur un sondage réalisé auprès d’un échantillon statistiquement représentatif de 1 005  chefs d’exploitation. Les résultats montrent que 86 % des agriculteurs intègrent régulièrement des innovations et 53 % disent même en avoir adopté au moins trois par an.

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« L’agriculture numérique » est peu déployée

Les méthodes de substitution aux produits phytosanitaires sont les plus déployées, mais ne dépassent pas 50 % du total des répondants. La Cour constate que les innovations de l’Agritech se diffusent lentement, qu’il s’agisse des agroéquipements connectés ou des innovations qui touchent au génome et à la génétique. « L’informatique, l’usage d’internet et la dématérialisation sont certes introduits à tous les niveaux de la chaîne de valeur, mais l’agriculture numérique, qui s’appuie sur les nouvelles technologies de l’information (objets connectées, données massives, intelligence artificielle), est peu déployée et les innovations comme les capteurs ou le GPS sont sous-utilisées » note-t-elle.

 

 

Protection contre les aléas climatiques et les épizooties, réduction de la charge de travail : les attentes des agriculteurs en matière d’innovation

Selon la Cour des comptes, il n’existe pas de profil type d’agriculteur innovant. Le seul facteur commun est le nombre de conseils dont ils ont bénéficié, que ce soit en provenance de la sphère publique (chambres d’agriculture par exemple) ou privée (agro-fournisseurs ou consultants). Pour plus de 80 % des répondants, la protection contre les aléas climatiques, les épizooties et la réduction de la charge de travail arrivent en tête des attentes vis-à-vis de la politique publique d’innovation. La performance économique reste la motivation principale pour près des deux-tiers des agriculteurs.

" Plus une innovation s’écarte des standards, moins elle a de chance d’être adoptée"

Pour 71 % des exploitants sondés, les principaux freins au changement sont financiers. La Cour fait remarquer que les risques inhérents à l’innovation pèsent très largement sur l’exploitant, contrairement à d’autres secteurs économiques où ils sont mieux partagés. Le retour sur investissement est « long et incertain ». 

« Comme il n’existe pas suffisamment de références sur les impacts des nouveaux produits ou des nouveaux procédés, l’agriculteur doit s’appuyer sur son expérience et ses connaissances ou celles des pairs pour évaluer les risques. C’est pourquoi, plus une innovation s’écarte des standards, moins elle a de chance d’être adoptée » explique la Cour.

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Des freins à rechercher au niveau des filières

Elle ajoute que les freins à l’innovation sont davantage à rechercher au niveau des filières que des seuls agriculteurs. « En effet, l’adoption des innovations qui rompent avec les modèles productifs dominants se heurte aux stratégies économiques des acteurs des filières, dont dépendent les exploitants » précise-t-elle. La Cour estime que les agriculteurs réclament davantage d’aides financières directes, mais selon elle, les soutiens actuels sont mal ciblés et peu cohérents. Les agriculteurs peinent à accéder aux outils de la politique publique d'innovation, comme les crédits d'impôts ou le statut de « jeune entreprise innovante », toujours selon elle.

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Les nouveaux agriculteurs sont mieux formés que la génération précédente

Alors qu’elle constate que la formation continue des agriculteurs est moindre que celle de la population active, la Cour estime que si les nouveaux agriculteurs sont mieux formés que la génération précédente, la part croissante d’agriculteurs non issus du milieu agricole accroît l’hétérogénéité des besoins. « Les offres de formation doivent intégrer ces évolutions, y compris lors de l’évaluation des projets d’installation » souligne-t-elle.

 

Rôle positif des collectifs agricoles

La multitude des canaux d’information des agriculteurs améliore le potentiel de diffusion des innovations, pour autant la Cour note qu’ils peinent à « trouver des sources fiables sur les avancées les plus récentes ». Le sondage met en lumière le rôle positif des collectifs agricoles dans le partage d’informations. Selon la Cour, si la quasi-totalité des agriculteurs participe au moins à un collectif, moins de 10 % adhèrent à un collectif labellisé agroécologique.

Le taux de satisfaction des répondants vis-à-vis du conseil est proche de 90 % fait remarquer la Cour qui souligne qu’ils doivent toutefois être comparés au taux élevé de non-recours. « Ainsi, seuls 44 % des répondants ont fait appel aux conseils apportés par les chambres d’agriculture » souligne-t-elle.

 

Renforcer l’accès au conseil

Bien que les acteurs du conseil jouent un rôle essentiel dans le processus de diffusion de l’innovation, la politique publique n’incite pas assez les agriculteurs à y avoir recours, en particulier s’agissant du conseil stratégique global, c’est à dire couvrant toutes les dimensions de l’exploitation agricole estime la Cour. « Hors formation, la diffusion des innovations fait l’objet du Programme national de développement agricole et rural (PNDAR) dont l’objectif est d’accélérer cette diffusion. Il n’existe cependant pas de feuille de route spécifique pour organiser et renforcer l’accès au conseil ou aux dispositifs expérimentaux » constate-t-elle.

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Une centaine d’acteurs composent l’Agritech française

Avec un budget de 2,4 milliards d'euros, la Cour constate que d’importants financements ont été consentis par l’État pour aider l’Agritech française à rester une filière d’excellence, des financements en hausse de 83 % sur la période 2021-2023. L’Agritech française parvient à tenir son rang avec un système d’innovation désormais composé de plus d’une centaine d’acteurs de toute taille  bien identifié par les pouvoirs publics. « L’Agritech française résiste au niveau international mais, en dépit des efforts consentis, trop peu de nouvelles grandes entreprises émergent » regrette toutefois la Cour.

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