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Sommet mondial de l´alimentation
Qui va nourrir le Sud ?

Un colloque de réflexion sur la sécurité alimentaire a été organisé par le Secrétariat d´État au commerce extérieur en avant-première du Sommet mondial de l´alimentation.


De nombreux experts ont participé à quatre tables rondes pour tenter de répondre à quelques questions de fond sur la sécurité alimentaire dans le monde et les stratégies à développer pour remédier aux problèmes actuels.
Quelles souverainetés alimentaires ?
« La souveraineté alimentaire est le droit pour chaque pays à déterminer sa propre politique alimentaire et sa capacité à nourrir sa population » a rappelé en introduction Sylvie Brunel, présidente d´Action contre la Faim (AICF).
Cependant de nombreux pays du Sud ne sont pas capables de se nourrir eux-mêmes et dépendent donc de l´extérieur. Une politique alimentaire pour un pays, c´est aussi organiser la distribution et l´accès physique de tous à l´alimentation. « L´Europe qui est le premier bailleur de fonds des pays du Sud doit essayer de renforcer leur sécurité alimentaire. Ceci renforcera du même coup notre propre sécurité. Mais pour parvenir à cet objectif, il faut mettre en place une politique interventionniste forte, afin de compenser le fonctionnement du marché qui sait produire mais ne sait pas répartir. » a ajouté Sylvie Brunel.
Selon Philippe Collomb, agronome et directeur de recherche à l´Ined(1) « Les pays en développement à forte croissance démographique devraient réaliser des importations massives. Or, hormis quelques pays, les producteurs de pétrole par exemple, cela est rarement le cas notamment dans les pays d´Afrique subsaharienne. Le monde assiste à un véritable transfert de la malnutrition vers cette partie du monde ».
Paysans africains ©DR

La houe permet au paysan africain de ne cultiver qu´une dizaine d´hectares

Que peut-on attendre de l´OMC ?
Échanges commerciaux... c´est à l´Organisation Mondiale du Commerce que l´on en parle. « Le système multilatéral de l´OMC constitue l´un des éléments d´une régulation mondiale contribuant au développement et à l´équité. Il est cependant nécessaire de faire bénéficier les pays en voie de développement de mesures particulières et de tenir compte de leurs spécificités », a déclaré Annemie Neyts-Utterbroeck, ministre déléguée aux Affaires étrangères et ministre chargée de l´Agriculture (Belgique). « Il faudra notamment veiller à préserver leurs systèmes agricoles qui pourraient être mis en danger par la concurrence. Et l´aide alimentaire ne doit pas constituer une aide à l´exportation des produits des pays excédentaires », a-t-elle ajouté.
Dominique Bodin-Rodier, auteur de « la guerre alimentaire a commencé » rappelle que « lorsque le Gatt a été institué après la deuxième guerre mondiale, il a été fait par et pour les Américains afin de relancer les échanges entre pays occidentaux. Au fil du temps, les États-Unis ont imposé à l´Europe agricole une « guerre » commerciale dont nous observons les répercussions dans le monde entier. Et de poursuivre : « Les États-Unis se sont toujours vus comme une puissance alimentaire supérieure aux autres. Avec les organismes génétiquement modifiés, ils semblent d´ailleurs vouloir créer aujourd´hui une véritable « géno-économie».
La notion de Nord et de Sud s´efface progressivement. La frontière actuelle sépare plutôt les pays ouverts aux nouvelles technologies et les autres. Des pays comme la Chine et l´Inde ont compris qu´ils devaient s´engager dans cette voie, que la génétique permettait de donner naissance à une nouvelle économie et de faire ainsi décoller leur économie globale ».
L´Europe peut-elle mieux aider le Sud ?
La Pac doit-elle prendre une autre inflexion et être davantage ouverte aux pays du Sud ? Georges-Pierre Malpel, directeur général du groupe Céréaliers de France a d´abord rappelé « qu´il ne faut pas confondre agriculture et produits alimentaires, alimentation et politique agricole. La politique agricole est là pour définir ce qui est nécessaire pour nourrir une population et pour aménager le territoire. »
Dans le monde, il y a forcément des échanges et ce sont surtout des produits transformés qui circulent.
« L´Europe est l´une des régions du monde qui importe le plus de produits alimentaires. Et elle a pris une décision importante en levant les barrières douanières qui pesaient sur les produits provenant du Sud (hormis les armes). Je pense qu´il faudrait, dans le cadre de l´OMC, permettre aux pays du Sud qui le souhaitent de protéger leur agriculture à l´aide d´un système similaire au système de préférence communautaire que nous avons connu en Europe. En contrepartie, poursuit Georges-Pierre Malpel, il faut aussi permettre aux pays du Nord de se protéger d´une concurrence qui pendrait la forme d´un dumping. Mais pour cela, il faudrait commercer par s´interroger sur les vraies subventions aux exportations... ».

Ined Institut national d´études démographiques

« La question de la sécurité alimentaire ne se réglera pas seulement grâce à la science »
Bertrand Hervieu, président de l´Inra « La France de l´après-guerre ne pouvait assurer seule sa subsistance alimentaire. L´Inra a été créé en 1946 avec l´espoir que la science résoudrait ce problème. La sécurité alimentaire s´est développée grâce à trois facteurs :
- la recherche scientifique ;
- un mouvement social en faveur de la modernisation de l´agriculture ;
- des politiques publiques volontaristes, rigoureuses et durablement dotées.
Ces trois éléments ont permis à la France de devenir la première puissance agricole européenne, puis la deuxième puissance exportatrice mondiale. Nous sommes donc bien placés pour ne pas oublier que la question de la sécurité alimentaire repose sur plusieurs facteurs et que la science seule ne pourra jamais régler ce problème. »
« Dans 12 ans, il faudra 330 millions de tonnes de céréales supplémentaires »
Jean-Paul Charlet, professeur de géographie économique à Paris X Nanterre :
« Nous sommes six milliards d´habitants sur terre pour une production céréalière mondiale de deux milliards de tonnes. Autrement dit, un terrien « moyen » consomme 330 kilos de céréales par an. Dans 12 ou 13 ans, selon les démographes, il y aura un milliard d´habitants de plus sur terre. Pour maintenir le niveau actuel de consommation de céréales, il faudra donc produire 330 millions de tonnes de céréales supplémentaires, soit la production annuelle actuelle des États-Unis. »

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