Produits phytosanitaires : la fin de la séparation de la vente et du conseil en attente de textes
Parmi les dossiers posés sur la table de la ministre de l’Agriculture figure la fin de la séparation de la vente et du conseil de produits phytosanitaires, actée par la loi Duplomb. La séparation avait mis plus de deux ans à se mettre en place. Combien de temps faudra-t-il, cette fois, pour la défaire ?
Parmi les dossiers posés sur la table de la ministre de l’Agriculture figure la fin de la séparation de la vente et du conseil de produits phytosanitaires, actée par la loi Duplomb. La séparation avait mis plus de deux ans à se mettre en place. Combien de temps faudra-t-il, cette fois, pour la défaire ?
Si la loi Duplomb a acté la fin de la séparation de la vente et du conseil de produits phytosanitaires, sur le terrain ce sont toujours les dispositions inscrites dans la loi Égalim du 30 octobre 2018 qui s’appliquent. Carole Hernandez Zakine, consultante en droit de l’environnement, rappelle que vente et conseil ont été séparés « pour garantir l’indépendance du conseil et prévenir les conflits d’intérêts. »
Depuis janvier 2021, après deux ans de travail pour sortir une ordonnance, deux décrets d’application et trois arrêtés ministériels, cette mesure a instauré la nécessité de disposer d’un agrément de conseil spécifique pour conseiller sur l’utilisation de produits phytosanitaires, non cumulable avec l’agrément de vente des distributeurs et fabricants de produits. Néanmoins, Carole Hernandez Zakine rappelle, que « le code rural impose aux vendeurs une obligation d’information, concernant la cible, la dose, et les conditions d’application ». Cette forme de contradiction a créé un certain flou dans le dispositif.
Un échec de la séparation vente/conseil constaté sur le terrain
Le changement introduit par la loi Duplomb fait suite au rapport de la mission parlementaire chargée d’évaluer la loi sur la séparation de la vente et du conseil, publié en juillet 2023, qui faisait état d’une situation d’échec, après deux ans d’application. « La mise en œuvre de la réforme, en particulier la séparation capitalistique, a produit de nombreux effets contreproductifs », souligne le député Stéphane Travert, qui était par ailleurs ministre de l’Agriculture en 2018 lors des débats sur Égalim.
Pour une très large majorité de coopératives et de négoces, c’est la vente qui a été choisie. Pourtant, comme le souligne le député Dominique Potier, « de nombreux vendeurs continuent, malgré l’interdiction, de pratiquer un conseil de façon informelle, en raison des liens établis de longue date entre ces structures et les agriculteurs. Or ces comportements peuvent conduire à des usages ne favorisant pas la diminution des produits phytopharmaceutiques. » Les deux rapporteurs recommandent alors une adaptation du dispositif.
Un recouplage vente et conseil de produits phytosanitaires qui prendra du temps
La loi Duplomb, promulguée le 12 août 2025, modifie le code rural et acte la fin d’une « certaine séparation de la vente et du conseil », indique Carole Hernandez Zakine. « Le conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques » réservé aux conseillers indépendants dans la loi Égalim, est désormais autorisé pour les coopératives et les négoces qui vendent, mais reste interdit aux fabricants. « L’obligation d’information » des vendeurs, est maintenue dans la loi Duplomb, mais allégée : elle ne porte plus sur la cible ni sur la dose recommandée.
La loi Duplomb a été adoptée, mais Carole Hernandez Zakine, explique que « le conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques », qui doit être, « écrit, facturé, traçable et délivré par des structures agréées conseil, coopératives et négoces inclus », nécessite une modification du décret existant afin d’en préciser les modalités (forme écrite, facturation distincte, traçabilité). « Le conseil et la vente relèvent d’agréments et de conditions de certifications différents qui devront être modifiés pour permettre aux vendeurs d’obtenir un double agrément compatible. Tant que les décrets d’application ne sont pas publiés et que les distributeurs n’auront pas obtenu le double agrément, c’est toujours la loi Égalim de 2018 qui s’applique. »
Deux années de travail intense avaient été nécessaires pour poser les bases de la séparation. Combien de temps faudra-t-il pour la défaire, puis reconstruire un couplage de la vente et du conseil, s’interroge la juriste.