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Piloter son exploitation au coût de revient

Dans un contexte d'instabilité des prix de vente des céréales, il est indispensable de se doter d'outils d'analyse adaptés. Calculer ses charges à l'hectare de culture n'est plus suffisant. Bien connaître son coût de revient, et par déduction son prix objectif, permet de se donner une ligne de conduite pour commercialiser ses grains.

Vendre à un bon prix est une notion très subjective. Cela veut dire quoi ? Mieux que la dernière fois ? Mieux que son voisin ? Mieux qu'en vendant à un autre collecteur ? Il s'agit, avant tout, de vendre à un prix qui permet de couvrir la totalité de ses charges, d'assurer un revenu au chef d'entreprise et de rémunérer le capital d'exploitation. Il faut pour cela connaître son prix de revient en évaluant ses coûts de production. « C'est à partir de 2009 que les agriculteurs se sont réellement intéressés à leur coût de revient, souligne Frédéric Ozanne, conseiller d'entreprise de Cerfrance Alliance-Centre basé à Phitiviers, dans le Loiret. Ce fut la première année que les exploitations céréalières étaient en déficit alors que les rendements étaient excellents, ce qui a provoqué une réelle prise de conscience. » C'est aussi le constat de Robert Bonhomme, directeur de l'association de gestion et de comptabilité Agri-Sud, regroupant 800 adhérents dans le Sud-Ouest. « Beaucoup d'agriculteurs garde en mémoire 'l'effet 2007'. Les bons résultats économiques de cette année-là ont engendré un renouvellement important du parc matériel, mais les deux années qui ont suivi, avec des résultats calamiteux, ont laissé des traces. Une troisième année consécutive aurait fait sombrer un grand nombre d'exploitations. »


La marge brute ne suffit plus


« Nous voyons nos clients agriculteurs passer en permanence d'un état de pessimisme profond à l'euphorie, souligne Pierre-Yves Lelong, économiste de Cerfrance Somme et membre de la cellule de veille économique de Cerfrance. Il faut désormais apprendre à piloter son exploitation dans un contexte instable et se doter des outils d'analyse adaptés. » Tant que les mécanismes de régulation des marchés sécurisaient le prix des céréales, il était suffisant de calculer sa marge brute par hectare car on avait l'assurance d'augmenter ses bénéfices en augmentant sa production. « La marge brute reste un outil majeur car elle permet, à travers les charges opérationnelles, de repérer d'éventuels problèmes technico-économiques, mais elle n'est plus suffisante, poursuit-il. L'intérêt du coût de production à la tonne est de mesurer sa compétitivité, de vérifier si l'on est dans le marché. »


Manque à gagner n'est pas perte


« Désormais, quand le grain est rentré dans le silo, l'agriculteur n'a fait que la moitié du travail, insiste Frédéric Ozanne. Il reste à le commercialiser. Or, l'agriculteur ne vend pas des hectares mais des tonnes. Il faut donc qu'il établisse ses propres références de coûts, exprimés en euros par tonne, afin de se donner une ligne de conduite en matière de commercialisation. » Pour Frédéric Ozanne, il est fondamental de faire la distinction entre un manque à gagner et une perte. « Si l'on a vendu à 180 euros la tonne et que le prix monte par la suite, cela fait mal au coeur, mais c'est moins grave que de vendre à un prix inférieur à son coût de revient. Les gens confondent souvent ces deux notions. » Pour autant, connaître ses coûts de production ne fait pas tout. La stratégie de vente reste à définir. « On rencontre des agriculteurs plutôt sécuritaires et d'autres plutôt spéculateurs, poursuit-il. Ces derniers sont d'ailleurs souvent sécuritaires pour leurs placements bancaires mais spéculateurs pour la vente de leur production. On peut spéculer, mais il faut savoir ce que l'on fait et jusqu'où on peut se le permettre. Le calcul du prix de revient est un outil de gestion du risque. »


Productions spécialisées


Si cette notion de coût de production et de prix de revient est relativement nouvelle en céréales, elle l'est beaucoup moins pour les productions spécialisées. « Dans le Gers, l'agriculture est très diversifiée. On trouve des systèmes céréales-vigne ou céréales-légumes ou fruits, mais aussi de la production de semences, souligne Robert Bonhomme d'Agri-Sud. Sur des productions spécifiques comme la vigne, les fruits et les légumes, les notions de qualité et de système de commercialisation ont davantage d'influence sur les résultats qu'en céréales, notamment dans le cas des circuits courts. La notion de coût de production prend toute son importance. » Du côté de la Somme, ce sont les pommes de terre, les endives ou les betteraves qui méritent une attention plus particulière. Dans de tels systèmes, il est judicieux d'affecter le matériel spécifique de ces cultures pour calculer les coûts de production de chacune d'elles. « Pour autant, il faut faire attention de garder une approche par système de production, met en garde Pierre-Yves Lelong. À trop vouloir chercher à faire une imputation rationnelle de chaque matériel à sa culture, on peut arriver à la conclusion aberrante qu'il faut en supprimer certaines, faute de rentabilité. Des productions peuvent parfois justifier une sur-mécanisation afin de se libérer du temps pour d'autres cultures plus rémunératrices. »


Des coûts qui s'envolent


La tendance de ces dernières années est à la hausse du prix de revient du fait d'une augmentation de certaines charges, notamment en engrais et en carburant, mais aussi les charges foncières du fait d'une progression de la demande. « Depuis cinq ans, nous avons vu passer les coûts de production du blé de 150 à 180-190 euros la tonne dans notre secteur », alerte Frédéric Ozanne. Des niveaux qu'il sera sans doute difficile à tenir en termes de prix certaines années. D'autant qu'il faut se préparer à une baisse des aides PAC qui représentent à elles seules 30 à 60 euros la tonne de blé, selon les régions. « Pour en faire prendre conscience aux agriculteurs, nous comparons son prix de revient actuel avec le cours hebdomadaire du blé rendu Rouen, auquel on a ajouté la base pour tenir compte des frais de transport, depuis les cinq dernières années. Nous leur montrons qu'étant donné leurs coûts de production, le prix du blé rendu Rouen les aurait conduit à une vente à perte dans, par exemple, 50 ou 60 % des semaines ! » Voilà de quoi faire réfléchir.

Au sommaire du dossier de Réussir Grandes Cultures de juillet-août, RCG n°271 p. 62 à 71 :

 

p. 66 -  Engrais et mécanisation pèsent lourd.

p. 67 -  Suivre son prix objectif en temps réel.

p. 68 -  Une approche connectée aux prix de vente.

p. 70 -  Face à des coûts élevés, jouer la valeur ajoutée.

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