Multiplier des oignons pour des semenciers
Produire des oignons de multiplication demande un travail pointu et des investissements importants. Pourtant le jeu en vaut la chandelle. Mieux rémunérée, cette production permet de diversifier ses revenus. Reportage chez Julien Boyer dans le Gâtinais, terre de l’oignon.
Produire des oignons de multiplication demande un travail pointu et des investissements importants. Pourtant le jeu en vaut la chandelle. Mieux rémunérée, cette production permet de diversifier ses revenus. Reportage chez Julien Boyer dans le Gâtinais, terre de l’oignon.
Quand Pascal Boyer a su qu’un semencier hollandais cherchait des producteurs de bulbes d’oignon dans le Gâtinais, cet agriculteur a tout de suite saisi l’opportunité d’en produire. Une belle aubaine pour diversifier son exploitation. C’était en 2004. Depuis, c’est son fils Julien, qui se consacre à cette culture. Et il n’a pas le temps de s’ennuyer puisque de 3 hectares, la production est passée en dix ans à 92 hectares. « Et ça nous passionne », s’enthousiasme Julien Boyer. En 2012, il s’installe sur l’exploitation familiale après avoir travaillé chez un agriculteur producteur d’oignons de multiplication de la région. Il veut développer la production d’oignons de consommation, à qui il consacre 37 hectares, en plus des 55 hectares pour la multiplication. « Grâce à mon expérience professionnelle, j’avais un carnet d’adresses bien fourni, explique Julien Boyer. Ça n’a pas été très compliqué de trouver des clients. Nous avons aussi choisi de développer la multiplication puisque j’avais acquis une expérience technique pour ce type de production. » La rotation étant de cinq ans et les surfaces de l’exploitation pas assez importantes pour pouvoir tout produire, le jeune agriculteur choisit de louer des parcelles avoisinantes, à quinze kilomètres autour de l’exploitation. « Cela nous permet de limiter les risques liés à la météo », déclare-t-il.
Un travail exigeant qui demande de la précision
En 2013, Julien Boyer, son père Pascal et son oncle Damien Snoeck créent la SARL Terre du Gâtinais. Depuis Romy Boyer, l’épouse de Julien, a rejoint l’aventure familiale. Pour cultiver ces surfaces, la SARL emploie deux salariés à temps plein, et trois saisonniers supplémentaires au moment de la récolte. « Ce besoin de main-d’œuvre peut être un frein pour se lancer puisqu’il n’est pas facile de trouver des saisonniers, explique Julien Boyer. D’autant plus que cultiver des oignons pour la multiplication, c’est un travail exigeant. Il faut faire des lots, conditionner dans des palox différents, trier, calibrer etc. Cela demande de la précision. » Plus de 200 variétés sont cultivées. Sur les 55 hectares, 8 sont consacrés à la création variétale et récoltés manuellement. 6 hectares servent à la sélection et le reste, soit 45 hectares, sont destinés à la multiplication. « Pour notre part, nous produisons les bulbes d’oignon, explique Julien Boyer. Ils sont ensuite plantés par d’autres multiplicateurs qui récolteront les graines l’année suivante. » La SARL travaille avec six semenciers différents, le principal étant le Hollandais De Groot En Slot, à qui 25 hectares sont dédiés.
Des contrats annuels et des prestations de services
Chaque année, les multiplicateurs proposent un contrat de production de bulbes à Julien Boyer. « Ils peuvent porter sur un tonnage ou une surface », précise-t-il. Le prix, variable et tenu secret, dépend du travail que fournit l’agriculteur. « On peut nous demander de produire le bulbe uniquement, mais on peut aussi aller jusqu’au calibrage et au tri, poursuit-il. On peut voir cela comme de la prestation de services pour les semenciers. » Comme l’affirme Julien Boyer, « la multiplication nous rémunère davantage mais ce débouché est très exigeant. Tous les ans, la poursuite des contrats est remise en question. Nous ne sommes jamais certains des surfaces qui vont nous être allouées ». Pas facile donc de réaliser des investissements.
Le débouché de la consommation pour équilibrer la production
Grâce aux oignons de consommation, l’agriculteur pallie les variations de surfaces. « Pour cette production, le but est de fournir des oignons le plus tôt possible pour être les premiers sur le marché et ainsi mieux les valoriser », précise l’agriculteur. Deux hectares sont donc destinés aux oignons dits « primeurs », semés en septembre et récoltés en juin. Sur six hectares, les bulbilles sont repiquées en février et récoltés en juillet. 20 hectares sont semés en mars et récoltés en septembre, des oignons jaunes, rouges conservés plus longtemps. Julien Boyer a tout récemment conclu un accord avec un agriculteur bio de la région afin de développer la production oignons bio. 8 hectares y sont consacrés.
Les oignons sont vendus à des grossistes au prix du marché libre du jour de la vente. « Ils peuvent partir à Rungis ou chez des reconditionneurs ou encore dans de plus petits débouchés comme des restaurateurs ou des collectivités », illustre Julien Boyer. Les prix varient selon la saison. Les premiers peuvent valoir jusqu’à 300 euros/tonne : « plus tôt nous récoltons, mieux c’est, résume l’agriculteur. Dans ce cas nous avons peu de charges de stockage. » En consommation, le rendement peut atteindre 70 t/ha tandis que pour les oignons de multiplication, il avoisine les 50 t/ha. Pour être rentables, les oignons doivent être vendus à un prix supérieur à 200 €/t car l’agriculteur estime ses charges à environ 9 000 €/ha. Début mai, les prix de l’oignon variaient entre 50 €/t pour les petits calibres à 180 €/t pour les plus gros. La SARL n’a pas encore investi dans des frigos, qui lui permettraient de conserver sa production jusqu’en février. Les agriculteurs ne profitent donc pas du marché qui redevient un peu plus florissant en fin de saison.
Malgré toutes les difficultés que présente la culture de l’oignon (voir encadré), Julien Boyer n’en reste pas moins passionné. Il y voit un challenge à relever. « Et grâce à la production d’oignons de multiplication, je rencontre beaucoup de semenciers, d’agriculteurs étrangers, reconnaît-il. C’est pour moi une ouverture aux autres qui m’est indispensable. »
Deux exploitations et une SARL
EARL Cottence de 290 ha dont 100 ha d’orges de printemps, 50 ha de blé dur, 20 ha de blé améliorant, 20 ha de colza, 35 ha de betteraves sucrières et 15 ha de pois porte-graines.
2 associés : Pascal Boyer et Damien Snoeck
EARL Boyer de 165 ha dont 72 ha de blé, 25 ha d’orge de printemps, 12 ha de colza, 15 ha de betteraves sucrières, 8 ha de luzerne, 8 ha de féveroles, 25 ha de pommes de terre de plants et de consommation.
2 associés : Julien Boyer et Florent Boyer
SARL Terre du Gâtinais composée de 4 associés : Julien Boyer, Romy Boyer, Pascal Boyer et Damien Snoeck.
2 salariés à temps plein et 3 saisonniers à la récolte.
Beaucoup d’interventions et d’investissements
De nombreuses charges pèsent sur les oignons, une culture délicate. D’abord, toutes les parcelles doivent être irrigables. « Les sols sont très filtrants dans notre région, explique Julien Boyer. C’est important que l’oignon ne manque pas d’eau. » C’est aussi une culture sensible au mildiou, même si la recherche avance et que des variétés résistantes existent désormais. Le désherbage est également crucial : six passages en microdoses sont nécessaires. Pour la production bio, la SARL a investi dans une bineuse autoguidée par caméra, utilisée aussi en conventionnel lorsque la culture n’est pas encore trop développée. L’oignon fait aussi face à des attaques de thrips, des insecticides existent mais les variétés deviennent résistantes. « Il y a une réelle attente dans la création variétale », note Julien Boyer. Niveau engrais, en plus de la fumure de fond en hiver, la culture demande environ 120 unités d’azote par hectare. La récolte se fait en plusieurs passages avec d’abord l’effeuilleuse, ensuite l’arracheuse et pour finir, une chargeuse de bennes.
Au tout début de la production d’oignons, les associés faisaient faire le travail à façon par un agriculteur voisin équipé. Puis au fil du temps, avec les augmentations des surfaces, la famille Boyer a investi dans du matériel spécialisé. « Il coûte cher, reconnaît Julien Boyer. Nous avons donc acheté le matériel de semis et de récolte petit à petit. Aujourd’hui nous avons tout ce qu’il faut. » La SARL a également investi dans un bâtiment isolé afin de mieux conserver des bulbes. Une chaîne de triage, calibrage et conditionnement est aussi obligatoire pour ce type de production.