Aller au contenu principal

Luzerne déshydratée : pourquoi les prix ont chuté de 40 % en un an ?

La filière de la luzerne déshydratée subit une passe difficile avec une forte baisse des cours en 2024 à cause d’une concurrence exacerbée sur les marchés. LCA-France Luzerne met en avant les progrès en matière de décarbonation et les atouts agronomiques de la légumineuse.

<em class="placeholder">Engin de récolte de luzerne après fauchage dans un champ</em>
En 2024, la production de luzerne déshydratée a pâti des conditions de forte humidité. Elle a reculé de 6,3 % par rapport à 2023 pour s’établir à 775 000 tonnes en France.
© C. Gloria

La filière de la luzerne déshydratée traverse une crise qu’elle espère temporaire. La culture pour le débouché de la déshydratation représentait 68 000 hectares en 2024 selon l’interprofession Luzerne de France, dont un peu plus de 50 000 hectares en Champagne-Ardenne. « Avec les prix bas actuels, nous prévoyons une érosion de 5 % des surfaces en 2025 et probablement le double pour 2026 dans notre secteur, estime Pierre Bégoc, directeur général de Désialis, filiale commerciale de France Luzerne qui réunit cinq coopératives dans la région Grand Est. Le manque d’attractivité de la luzerne va amener les producteurs à revoir la voilure. »

Concurrence des productions américaine et espagnole sur le marché de la luzerne déshydratée

Pourquoi une telle situation compliquée pour la luzerne déshydratée ? « Nous traversons un trou d’air actuellement à cause d’une baisse de 40 % de la valeur en 2024 avec 185 €/t pour les pellets de luzerne départ Marne à la fin de l’année contre 305 €/t un an auparavant. Il y a une compétition exacerbée sur les marchés avec le retour très net des Etats-Unis et de l’Espagne », relate Pierre Bégoc. En cause, la conjonction de plusieurs phénomènes : une baisse substantielle des importations chinoises de luzerne au départ des Etats-Unis (premier producteur mondial). La production américaine s’est alors reportée sur d’autres marchés (Moyen Orient, Afrique du Nord) en compétition avec les producteurs européens (Espagne, Italie, France). La production espagnole a été plus élevée qu’annoncée dans un premier temps et a concurrencé la luzerne française sur notre propre territoire. S’ajoutent à cela, la très bonne production d’herbe en France en 2024 qui réduit les besoins de luzerne déshydratée, les prix peu élevés du soja et du blé qui peuvent concurrencer la luzerne…

Une filière de la luzerne déshydratée structurée en quatre organisations de producteurs

« Nous partons sur un cycle de deux ans un peu chahuté, estime Pierre Bégoc. La production de luzerne déshydratée risque de tomber et être du niveau de celle de 2021 voire de 2020 où elle fut très mauvaise. Il faut garder suffisamment de surface pour la pérennité de notre outil industriel. » Il y a 24 usines en France (dont 18 en Champagne-Ardenne) et 6500 producteurs de luzerne déshydratée. La filière s’est structurée en quatre Organisations de producteurs (OP) en 2024 : France Luzerne (Champagne Ardennes), Déshyouest (Bretagne), UCDV (Normandie) et Déshy’21 (Bourgogne).

Un bon levier de décarbonation de l’alimentation animale

Elle met en avant les efforts réalisés en matière de décarbonation des outils de production. « En 2024, le taux de substitution des énergies fossiles vers la biomasse (plaquettes forestières surtout) a atteint 86 % en 2024 dans les usines », informe Yann Martinet, directeur de LCA-Luzerne de France. « Vis-à-vis de l’alimentation animale, la luzerne déshydratée affiche un bilan d’émission de 1,4 kg CO2eq/kg protéines en 2024 selon les données Ecoalim v9 contre 6,4 en 2005, soit une division par 4,6 de l’empreinte carbone, détaille Honoré Labanca, responsable de la recherche et développement à LCA-Luzerne de France. Ce bilan est meilleur que celui du soja ou du blé tendre. La luzerne devient intéressante pour des fabricants d’aliments qui doivent décarboner leur process de production. Mais c’est un atout que l’Idele (institut de l’élevage) tarde à prendre en compte dans son outil CAP’2er qui établit le bilan carbone des élevages. »

Des atouts agronomiques de la luzerne sur l’azote, le sol, les adventices, la biodiversité

En culture, la luzerne présente divers atouts. « C’est un décompacteur naturel des sols et une pompe à azote », décrit Olivier Morant, président de Luzerne de France et agriculteur dans la Marne. La culture de luzerne sur trois ans permet de mieux contrôler diverses adventices préjudiciables. Les cultures succédant à la luzerne dans la rotation en bénéficient, de même qu’elles tirent parti de son effet de restructuration des sols et de sa fourniture d’azote.

« La luzerne est valorisée aussi en gain pour la biodiversité, notamment avec une part des surfaces en bandes non fauchées pour servir de ressource aux insectes pollinisateurs, notamment les abeilles », mentionne Olivier Morant. La luzerne bénéficie de l’aide couplée aux légumineuses au travers des mesures de la PAC. En 2024, la production a reculé de 6,3 % par rapport à 2023 pour s’établir à 775 000 tonnes. Les conditions très humides n’ont pas permis d’exploiter pleinement la ressource.

Le Congrès mondial de la luzerne en France en novembre

Après la Chine, l’Argentine et les États-Unis, la France accueillera du 3 au 6 novembre 2025 le quatrième congrès mondial de la luzerne, organisé par l’association des déshydrateurs européens (CIDE). L’occasion de valoriser l’excellence agronomique et industrielle de la filière française et européenne.

Les plus lus

<em class="placeholder">Laurent Bourgeois, céréalier à Chapelle-Vallon dans l’Aube</em>
Aube : « Grâce à mon budget de trésorerie, je peux me projeter et connaître ma capacité à investir 6 à 8 mois à l’avance »

Laurent Bourgeois est céréalier à Chapelle-Vallon dans l’Aube. Il a mis en place un budget de trésorerie dans un tableau pour…

<em class="placeholder">Maxime Duchène, agriculteur dans l&#039;Oise à Choisy-la-Victoire</em>
Rotation des cultures : « Sur mon exploitation dans l’Oise, je privilégie le rendement de la betterave tout en obtenant de bonnes performances pour la céréale suivante »

Maxime Duchène cultive 100 ha de betterave dans l’Oise. Il n’hésite pas à repousser au maximum l’arrachage de ses…

<em class="placeholder">Alexis Brisset, agriculteur à Beauvois, dans le Pas de Calais, devant la haie qu&#039;il a implanté en 2022 sur son exploitation de grandes cultures</em>
Entretien des haies : « Je compte obtenir une haie basse et dense pour lutter contre l’érosion dans le Pas-de-Calais »
Alexis Brisset, exploitant à Beauvois dans le Pas-de-Calais, a implanté huit kilomètres de haies en 2022 et en 2024 : son…
<em class="placeholder">Jean-Luc Marraud, agriculteur à Chantillac en Charente.</em>
« L’assolement en commun nous a permis de maintenir des grandes cultures sur nos exploitations des deux Charentes »

Jean-Luc Marraud est agriculteur et membre de la SEP Alliance du Sud, qui regroupe des soles de grandes cultures en…

<em class="placeholder">Stockage en big bag des engrais azotés, permettant une longue conservation.  Sac d&#039;ammonitrate. Fertilisation des cultures. Marché des fertilisants.</em>
Prix des engrais et compensation carbone : la menace d’une forte hausse en 2026

L’Association générale des producteurs de blé (AGPB) sonne l’alerte sur le prix des engrais. La mise en place au 1er …

<em class="placeholder">Julien Hérault, gérant de l’entreprise Conseils agroéquipements.</em>
Assolement en commun : « Il faut saturer les outils pour réduire les charges de mécanisation »

Julien Hérault, gérant de l’entreprise Conseils agroéquipements, met en garde contre le risque de suréquipement dans un…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Grandes Cultures
Consultez les revues Réussir Grandes Cultures au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Grandes Cultures