Lutte contre l’érosion : quels aménagements efficaces pour freiner l’arrachement du sol par le ruissellement
Avec des épisodes pluvieux de plus en plus violents, la lutte contre l’érosion des sols devient une nécessité dans divers territoires pour préserver la fertilité des parcelles agricoles. Exemples de moyens mis en œuvre en Ardennes et en Normandie.
L’érosion des sols est un phénomène naturel, mais il prend d’importantes proportions selon le type de sol, la pente et la taille de la parcelle, les modes de cultures… Le changement climatique avec des épisodes pluvieux de plus en plus violents augmente ce risque, avec parfois l’apparition de ravines. Des aménagements parcellaires permettent de s’en prémunir avec, comme objectif, d’empêcher l’eau de prendre trop de vitesse et d’arracher les particules de sol.
Sur les pentes les plus accentuées des parcelles, les fascines sont les ouvrages les plus appropriés pour freiner un ruissellement. « On enfonce deux rangées de pieux sur 50 cm de profondeur avec un décaissement de 20 à 30 cm entre les rangées que l’on remplit de fagots, décrit Nicolas Coufourier, conseiller érosion et biodiversité à la chambre d’agriculture de Normandie. Le ruissellement est freiné et les sédiments se déposent. » Ces fascines sont vivantes. Les pieux, du saule le plus souvent, prennent racine et produisent des branches qui nécessitent une taille tous les uns ou deux ans.
Les fascines empêchent la création de ravines en fond de vallée
« La fascine a l’avantage de présenter une efficacité immédiate après son installation, alors qu’une haie mettra plus de temps à agir contre l’érosion, le temps de bien se développer, remarque Adrien Demauljean, conseiller en aménagement du territoire à la chambre d’agriculture des Ardennes. Sur notre territoire, nous avons réussi à faire démocratiser la fascine, car elle a une emprise peu importante et demande peu d’entretien. »
Contrairement à des territoires où les sols limoneux très sensibles à l’érosion ont imposé depuis longtemps la mise en place d’ouvrages spécifiques (Seine-Maritime, Nord-Pas-de-Calais…), l'installation de fascines est un peu une nouveauté en Ardennes. Le département présente des parcelles en forte pente sur le territoire des Crêtes pré-ardennaises, à l’exemple des bassins-versants de Longwé et de Lametz (6 700 ha). Six agriculteurs ont signé un CPSE (contrat de prestation pour services environnementaux) sur cinq ans pour implanter 265 mètres linéaires de fascines, plus d’un kilomètre de haies et plus de 2 hectares de bandes enherbées. Ces ouvrages d’hydraulique douce ont été terminés en 2024. L’association Symbiose a contribué à la réalisation de ces projets.
Un financement de 120 à 140 euros HT par mètre
Idéalement, la fascine est implantée perpendiculairement au flux d’eau, en limite de parcelle ou à l’intérieur. « Un exploitant a par exemple installé trois fascines à 28 mètres d’intervalle, soit la largeur de son pulvérisateur, dans sa parcelle en pente située en haut d’un bassin-versant, décrit Adrien Demauljean. Les fascines sont localisées le plus en amont possible, de façon à freiner la dynamique de l’eau. »
La taille de la fascine dépend de la largeur du fond de vallon (thalweg) à protéger des ravines. Elle peut mesurer plusieurs dizaines de mètres de long et devra être suffisamment importante pour éviter son contournement par le flux d’eau. Au fil des années, une zone plane apparaît avec le dépôt de particules de sol sur une certaine épaisseur, ce qui peut nécessiter de prolonger l’ouvrage sur la largeur du thalweg.
L’investissement peut paraître important pour la constitution d’une fascine. « De 120 à 140 euros HT par mètre, précise Adrien Demauljean, avec la fourniture des pieux et fagots, l’équipement (mini-pelle…), le ligaturage, la main-d’œuvre nécessaire… » Des financements peuvent être obtenus auprès des agences de l’eau notamment, des régions avec des fonds européens (projets Feader)…
Une haie contre l’érosion avec une forte densité de ligneux
Les haies contribuent à limiter l’érosion des sols en créant un obstacle au ruissellement. « Le linéaire de haies capte le ruissellement diffus avec une ou deux rangées de ligneux et une à deux plantes par mètre sur le rang. Sur une pente accentuée de la parcelle, on pourra opter pour une haie « hydraulique » sur l’axe d’écoulement avec une densité de pieds importante », présente Nicolas Coufourier. Il conseille une double ligne de plantations avec deux à trois plantes par mètre sur chaque rang. Pour Adrien Demauljean, on peut aller jusqu’à 3 lignes de plantations avec des plants en quinconce à raison de trois pieds par mètre sur chaque ligne.
Dans la haie, les essences doivent avoir la faculté de drageonner, en produisant des pousses à partir de la base comme le cornouiller, le noisetier, le prunellier, les saules, la viorne… « Un recépage devra être réalisé en fin d’hiver une ou deux années après plantation pour générer une densité de tiges importantes repartant du sol », conseille Nicolas Coufourier.
Une bande de miscanthus peut être une alternative assez efficace aux haies contre l’érosion pour des agriculteurs qui n’ont pas envie d’avoir de tailles à réaliser et qui peuvent trouver un débouché. Elle peut être très dense et elle peut rester en place une vingtaine d’années en étant productive sans traitement phytosanitaire. Un traitement herbicide est néanmoins indispensable les deux premières années suivant la plantation. Le miscanthus peut constituer un refuge à l’avifaune locale.
Quant à une bande enherbée, peut-elle remplir un rôle contre l’érosion des sols ? « Elle produit un effet de frein du flux d’eau et de peigne avec la végétation herbacée qui retient les particules de sol. Elle sera généralement mise en complément d’une haie, voire d’une fascine pour diminuer la rapidité du flux d’eau. » Pour Adrien Demauljean, une bande constituée de graminées majoritairement assurera un bon rôle, « avec une bonne densité de pieds et des plantes fleuries en mélange pour favoriser la biodiversité. » En entretien, un broyage annuel suffit, en septembre ou en sortie d’hiver.