Aller au contenu principal

DOSSIER
Lisser son revenu, stratégie de gestion de l'exloitation

Ces trois dernières années, les revenus en grandes cultures sont en progression constante, mais la baisse des prix des grains de cette récolte 2013 sonne la fin de la partie. Est-on en train de revivre le scénario de 2009 ? Le retournement ne devrait pas être de la même ampleur car les prix n’ont pas plongé aussi vite et aussi fort. Pour autant, ce démarrage de campagne confirme que les grandes cultures connaissent désormais une évolution cyclique du fait de la connexion des prix intérieurs aux marchés mondiaux. « Nous sommes actuellement sur un cycle de trois ou quatre ans », constate Nicolas Roche, du service analyse de Cerfrance Alliance Centre.

 

Changement de modèle économique

 

Après plusieurs décennies de prix garantis, puis de prix d’intervention qui assuraient une régularité de revenu, il s’agit d’un changement de modèle économique qui oblige à revoir sa stratégie. « Depuis la baisse de revenu de 1993 liée à la première grande réforme de la PAC, les revenus en grandes cultures ont augmenté progressivement dans les années 90, puis se sont stabilisés au début des années 2000. On a ensuite constaté que le ciseau produit-charges ne cessait de se refermer jusqu’en 2006 », explique l’analyste. Puis la situation s’est brutalement inversée en 2007, avec la flambée des prix des matières premières agricoles. « Depuis cette date, les revenus sont irréguliers du fait d’une fluctuation asynchrone du produit et des charges », poursuit-il. En 2007, le produit s’envole alors que les charges étaient encore sous influence de la période de stabilité précédente. En 2008, le produit est stable, et les charges augmentent. En 2009, brusque renversement de tendance avec un effondrement du produit alors que les charges sont au plus haut. L’année suivante, on se retrouve dans une situation similaire à celle de 2007. Puis 2011 et 2012 connaissent à la fois une hausse des coûts de production mais surtout une envolée du chiffre d’affaires, les revenus battant alors des records. Enfin, en 2013, le produit va être à la baisse alors que les charges restent élevées. « Sur toute cette période, on observe malgré tout une tendance à la réouverture du ciseau produit-charges, d’où une augmentation des revenus », souligne Nicolas Roche.

Côté produit, dans les années 90 et au début des années 2000, dans un contexte de faible amplitude des prix, la variation du revenu était en partie correlée à celle du rendement des céréales. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, l’élément moteur étant désormais le prix de vente des productions. Pour autant, si l’on compare sur une période donnée les résultats économiques des exploitations de grandes cultures françaises entre elles, le rendement reste un élément fondamental pour expliquer les écarts de revenus.

Côté charges, quelles sont celles qui ont le plus d’influence sur la fluctuation des revenus ? « Incontestablement, sur des tendances longues, ce sont les charges liées aux consommations intermédiaires qui ont le plus d’impact sur le revenu, notamment les engrais et l’énergie », assure Éliane Le Rey, du service de la statistique et de la prospective du ministère de l’Agriculture. « Ces charges connaissent une forte variation à la fois en raison des fluctuations de prix et de l’adaptation du comportement d’achat des agriculteurs en fonction de leur trésorerie ou bien des prix de ces biens. » Par exemple, en 2012, les céréaliers ont réduit leurs achats d’engrais de 14 % en volume afin de minimiser l’impact de la hausse des prix, mais les charges en engrais ont tout de même augmenté de 15 %.


Sur les tendances longues, les analystes ont fait d’autres observations. « On voit systématiquement une hausse des frais d’entretien du matériel l’année qui suit un bon revenu, mais surtout une croissance nette des investissement, illustre Nicolas Roche. Ce comportement est beaucoup plus marqué chez les céréaliers que chez les éleveurs. » « Un agriculteur fait une bonne année. L’année suivante, il achète du matériel pour se créer des charges et il se retrouve quelques années plus tard avec des plus-values dues à la revente, ce qui amplifie les dents de scie », explique Cyril Durand, conseiller de gestion à Cerfrance Alliance Centre. Ainsi, ce qui au départ est censé réduire la fiscalité et les charges sociales à court terme, a tendance au final à amplifier les fluctuations de revenus à moyen terme. « Dans cette nouvelle période, il est fondamental de se détacher de cette obsession fiscale », insiste-t-il.

La réforme de la dotation pour investissement (DPI) ne changera pas fondamentalement les choses selon Nicolas Roche, car les exploitations de moins de 250 000 euros de chiffre d’affaires sont exemptées de plus-values. « Dans un département comme le Loiret où les exploitations font 120 à 140 hectares en moyenne, une exploitation sur deux est concernée. Si un agriculteur vend un matériel 10 000 euros pour en acheter un 20 000 euros, il sort de sa trésorerie 10 000 euros mais passe 20 000 euros en charges, d’où un effet immédiat sur la fiscalité. C’est ainsi que l’on se retrouve avec un taux de renouvellement du matériel de 130 à 150 % dans le Loiret ! » Pour Cyril Durand, aucune leçon n’a été retenue de 2009. « En 2013, de nombreuses exploitations vont se retrouver avec une baisse de chiffre d’affaires d’au moins 50 000 euros. Une année comme cela, il faut l’anticiper grâce à une stratégie pluriannuelle. Mais c’est rarement le cas », regrette-t-il. Un signe : le taux d’engagement de vente des blés n’a été que de 10 % avant la fin juin 2013 alors qu’il était de 40 % les années précédentes parce que les agriculteurs n’ont pas voulu vendre en dessous du seuil psychologique de 200 euros la tonne de blé. Un objectif qui semble désormais bien loin.

Pour en savoir plus

Voir dossier de Réussir Grandes Cultures d'octobre 2013.

RGC n° 273, p. 22 à 32.

Les plus lus

<em class="placeholder">Alexandre Smessaert, agriculteur à Roy-Boissy dans l’Oise</em>
Semis de colza à la volée : « La technique m’a fait économiser en temps de travaux et carburant sur mon exploitation dans l'Oise, mais elle reste à améliorer »

Intéressé par les techniques innovantes, Alexandre Smessaert, agriculteur à Roy-Boissy dans l’Oise, a testé le semis de colza…

<em class="placeholder">Méthaniseur en injection de la coopérative EMC2 à Landres (54).</em>
Méthanisation agricole : des conditions tarifaires qui pourraient booster les projets

La politique de transition énergétique française ouvre de bonnes perspectives pour la production de biométhane. Mais échaudés…

<em class="placeholder">Georges Laigle, producteur de pommes de terre à Bihucourt (Pas-de-Calais),   
&quot;</em>
Mildiou de la pomme de terre : « Je profite de l’arsenal de produits à disposition pour alterner les solutions sur mes parcelles dans le Pas-de-Calais »

Producteur à Bihucourt (Pas-de-Calais), Georges Laigle utilise une dizaine de produits différents contre le mildiou sur…

<em class="placeholder">Agriculteur déchargeant un sac d&#039;engrais dans son épandeur à engrais.</em>
L’Europe valide la taxation des engrais russes jusqu'à 430 €/t en 2028

Ce 22 mai 2025, le Parlement européen a approuvé l’augmentation progressive, à partir du 1er juillet 2025, des taxes…

<em class="placeholder">Parcelle de blé tendre dans le nord de la France.</em>
Sécheresse dans la moitié Nord : les cultures d'hiver ont besoin de pluies pour atteindre des rendements « dans la moyenne »

Peu de maladies, des cultures d’hiver globalement belles, les récoltes s’annoncent dans la moyenne. Peut-être le temps…

<em class="placeholder">Antoine Prévost, exploitant agricole à Foucherolles, dans son champ de blé au printemps 2025.</em>
« La négociation de ma reprise de terres s’est faite en bonne intelligence avec le cédant »

Antoine Prévost, exploitant agricole à Foucherolles, a saisi l’opportunité de reprendre 35 hectares de terres en plus de son…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Grandes Cultures
Consultez les revues Réussir Grandes Cultures au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Grandes Cultures