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Pommes de terre
Levée de microbarrages entre les buttes

Pointés du doigt parce qu’ils favoriseraient l’érosion du sol, les producteurs de pommes de terre mettent en place des techniques pour la limiter. Témoignages dans le Pays de Caux et le Nord-Pas-de-Calais, secteurs à risques élevés.

Les micro-barrages entre les buttes retiennent l'eau pour des pluies allant jusqu'à 40 mm.
© M. Martin/Arvalis

Des plants de pomme de terre retrouvés dans les champs en aval des parcelles de production, voire chez les particuliers ! C’est ce qu’a pu constater Patrick Lecarpentier à plusieurs reprises, suite à de forts orages. Agriculteur à Saint-Jouin-Bruneval (Seine-Maritime), entre Étretat et la pointe du Havre, il sait que ses sols sont très érosifs avec leur faible taux d’argile (8,5 %). « Ils se retrouvent facilement en fond de talweg », constate-t-il.

Il y a déjà plusieurs années, le producteur, ex-président de l’association régionale des pommes de terre de Haute-Normandie, a eu l’idée d’une machine prototype pour limiter l’érosion. Il a équipé sa planteuse de sortes de pelles créant des microbarrages de terre d’une dizaine de centimètres entre les buttes. Les Établissements Dormy, puis Cottard, ont amélioré et développé le système sous le nom de Barbuttes. Les microdiguettes peuvent contenir l’eau d’un orage jusqu’à 40 mm, selon l’association Areas (1). L’eau s’infiltre ensuite lentement.

Plusieurs systèmes pour faire des microbarrages ou des microdiguettes

« Aujourd’hui presque tous les constructeurs proposent des dispositifs créant des microdiguettes, constate Michel Martin, spécialiste pommes de terre à Arvalis. Le système Dyker de Grimme diffère un peu. Des étoiles auto-entraînées creusent, à l’aide de leurs branches biaisées, des petits trous très rapprochés dans le sol. Le relief créé autour de ces puits d’infiltration forme des petits monticules et constitue des cloisonnements interbuttes. » Ce système ne nécessite pas d’efface-diguettes car les monticules étant plus petits, le simple passage du tracteur les écrase. Mais il faut éviter que le fond de butte soit compact. « Ces dispositifs de microbarrages de lutte contre le ruissellement deviennent parfois obligatoires pour pouvoir utiliser certains désherbants », remarque l’expert.

« Dans le Nord-Pas-de-Calais, les microbarrages se développent, constate François Derancourt, expert agronomie érosion ruissellement à la chambre d’agriculture. Ils sont même obligatoires en Belgique dans la région des monts des Flandres où l’érosion est galopante ».

Mais la technique des microbarrages apparaît inadaptée pour les producteurs de plants, qui doivent passer pour épurer. « De plus, avec des orages violents, comme ce printemps, avec 110 mm sur une journée, elle est insuffisante », selon Olivier Tassel, agriculteur à Bertheauville dans le Pays de Caux (Seine-Maritime). Avec une quinzaine d’agriculteurs, Olivier Tassel a créé une association, Sol-en-Caux. « Nous souhaitons produire des pommes de terre avec l’agriculture de conservation, en bousculant le moins possible les horizons du sol », résume-t-il.

Pas de tamisage pour la préparation du sol

Explication : « Nous avons augmenté les taux de matières organiques pour avoir un sol plus cohérent qui se tienne mieux. Nous avons réalisé du semis direct pour les céréales. Nous implantons des couverts végétaux de plusieurs espèces systématiquement, même entre les pommes de terre et le blé. Ils ont un effet parapluie contre l’érosion ; ils retiennent les particules dans le sol et ils participent à l’augmentation de sa porosité. Nous raisonnons mieux les intrants, diminuons certains fongicides néfastes pour les champignons du sol. Maintenant je ne tamise plus mais j’utilise une fraise. Très rapidement, en quelques années, j’estime avoir résolu 90 % des problèmes d’érosion. » L’agriculteur a, en outre, diminué la taille de ses parcelles (autour de 7 hectares) et il alterne cultures de printemps et d’hiver. Il reconnaît que changer de système n’est pas simple. Les rendements du blé ont baissé mais aussi les charges de mécanisation et de fuel. Quant aux pommes de terre, leur potentiel a été préservé.

François Derancourt expose d’autres techniques pour limiter l’érosion. « Certains Geda (2) expérimentent la préparation des plantations en automne, quand le sol est sec. Les producteurs buttent sans planter et sèment un couvert végétal avec un système racinaire touffu (avoine, trèfle, moutarde…). Celui-ci maintient le sol et améliore la structure. Après sa destruction chimique, ils plantent dans la butte au printemps sans faire de travail du sol. Cette technique semble intéressante en terrain plus lourd. »

Agir à l’échelle du bassin versant

Pour l’Areas, la lutte contre l’érosion ne se résume pas à l’échelle parcellaire. « Il faut agir au niveau bassin versant, insiste Jean-François Ouvrard, directeur de l’AREAS, située à Saint-Valéry-en-Caux. Les aménagements d’hydraulique douce limitent le ruissellement de l’eau et sa prise de vitesse. Des chenaux enherbés ou de miscanthus placés judicieusement, des fascines ou des haies évitent que les particules de terre ne descendent plus bas. Une prairie peut infiltrer 50 à 200 mm/heure contre 2 à 50 mm/h pour un sol nu. Une haie 200 à 400 mm/h, et un taillis de saule avec couvert enherbé, 100 à 200 mm/h. L’avantage des zones tampon est l’épuration des fertilisants et des produits phytosanitaires. Il faudrait dans les zones de grandes cultures 0,2 à 3 ou 4 % (???) des surfaces des bassins en zone tampon. »

L’alternance des cultures de printemps et d’hiver est un autre levier. « Les céréales d’hiver restent souvent insuffisamment développées pour faire obstacle au ruissellement, indique Jean-François Ouvry. L’effet du couvert a une influence dès 20 % de couverture. Il est optimum à partir de 60 %. » La généralisation des couverts végétaux limite les effets érosifs. Mais malheureusement la diminution de l’élevage et le retournement des prairies les accentuent.

(1) Association de recherche sur le ruissellement, l’érosion et l’aménagement du sol
(2) Groupes de développement d’agriculteurs

Pertes d’intrants pour l’agriculture en plus du sol

« 100 tonnes de terre par hectare. Soit 1 000 tonnes sur ma parcelle de 10 hectares. Telle est la quantité de terre que j’ai perdue en 2012-2013. C’était sur un blé, semé juste après une récolte de pommes de terre réalisée dans de mauvaises conditions. » Agriculteur en Pays de Caux, Olivier Tassel se souvient. L’érosion des sols peut prendre des proportions énormes. « Dans ces zones à risques élevés (Pays de Caux, Artois…), 1 à 10 tonnes de terre par hectare se déplacent d’au moins un mètre par an en moyenne », estime Jean-François Ouvry, directeur de l’AREAS, située à Saint-Valéry-en-Caux. Sur pommes de terre, la quantité passe à 5-10 t/ha/an. Et de cette érosion, 0,3 à 0,7 t/ha se retrouve dans les rivières ou les villages, perdue pour l’agriculture. Plus grave : la majorité se constitue plutôt d’argile, de matière organique, d’éléments fertilisants et de phytos. Les sables grossiers se déposent plus rapidement.

Rémy Duval, expert agronomie à l’ITB

« En betteraves, des problématiques moindres »

« En betteraves, l’érosion n’est pas un sujet de recherche majeur. Cette thématique concerne surtout certains secteurs à pente et des types de sols particuliers. Les moments les plus critiques restent les épisodes pluvieux entre le semis et le stade 8 feuilles, stade où les plantes commencent à s’enraciner. Pour empêcher le phénomène de concentration de l’eau, il faut éviter la battance. Les moyens sont de maintenir un bon état acido-basique et organique de la parcelle. L’autre levier est de garder un sol filtrant en évitant les tassements en profondeur. Il est aussi conseillé d’obtenir des obstacles au passage de l’eau en surface, soit avec de la rugosité ou par des résidus de cultures en surface. Pas toujours aisé, un binage favorisera l’infiltration de l’eau en cas de faible pluie. Mais en cas de fortes pluies, la terre ameublie sera plus facilement arrachée et entraînée. Il n’existe pas de solutions passe-partout et il faut distinguer les situations où l’érosion est un problème majeur récurrent. En cas de gros risque érosif, le non-labour ou le strip-till peut être une solution. Mais ce dernier demande de nombreuses adaptations parfois compliquées et il ne peut être préconisé à tous. »

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