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Organismes génétiquement modifiés
Le Brésil autorise temporairement le soja transgénique

Au Brésil, l´essor des cultures OGM, alors qu´elles sont officiellement interdites, suscitait un vif débat depuis de nombreux mois.


Jeudi 25 septembre, le gouvernement brésilien a autorisé la culture de soja OGM pour la campagne 2004. Le décret a été signé par le vice-président José Alencar en l´absence du président Luiz Inacio Lula da Silva. Il stipule que les semis de soja commencés depuis début octobre peuvent être réalisés avec des semences transgéniques. La vente de la récolte sera autorisée jusqu´à fin 2004.
Ainsi, bien que son camp, le parti des travailleurs (PT) arrivé récemment aux affaires, soit anti-OGM, le président Lula a tranché en faveur de son ministre de l´Agriculture, Roberto Rodri-gues, qui leur est favorable. Son ministre de l´Environnement, Marina Silva était, elle, opposée aux cultures transgéniques et demandait que des études d´impact dans le contexte brésilien soient réalisées par les firmes commercialisant des semences OGM avant toute décision de ce genre. Les députés du parti Vert brésilien ont déposé un recours devant le Cour suprême du pays en s´appuyant, notamment, sur l´absence d´étude d´impact spécifique aux sols et climats du pays, ce qui serait contraire à la Constitution brésilienne(1).

Cette décision constitue une sorte de dénouement partiel à une situation de fait inextricable. Le gouvernement brésilien se trouve face à d´importants volumes de soja OGM produits illégalement dans l´état du Rio Grande do Sul, auquels il faut trouver un devenir. Pour la récolte 2003, il avait déjà pris une mesure provisoire (dite MP 113) autorisant temporairement, pour une durée d´un an, la commercialisation de ce soja transgénique produit illégalement.
©P. Le Douarin


Les semences viennent d´Uruguay, Paraguay et Argentine
Dans Le Rio Grande do Sul, la proportion de soja OGM atteindrait en effet entre 65 % et 85 % des surfaces, au mépris de la loi fédérale. Faciles à obtenir, les semences de contrebande proviennent d´Uruguay, du Paraguay et d´Argentine, l´un des quatre pays au monde qui concentrent les cultures OGM autorisées (avec les USA, le Canada et la Chine).
A l´approche des nouveaux semis début octobre, dont une large part d´OGM dans le Rio Grande do Sul, le gouvernement Lula se trouvait de nouveau devant le fait accompli quant au sort de la future récolte. Car l´enjeu économique n´est pas mince pour ce pays qui sera probablement devenu d´ici fin 2003 le premier exportateur mondial de soja devant les États-Unis.

Au Brésil, l´essor des cultures d´organismes génétiquement modifiés génère un vif débat depuis plusieurs mois. Officiellement les OGM commerciaux sont interdits depuis 1998. Cette année-là fut marquée par une « décision judiciaire ayant conduit à l´interdiction du soja Roudup Ready », rappelle une note de l´ambassade de France au Brésil. Elle faisait suite à la contestation par l´Institut de défense du consommateur et Greenpeace de l´autorisation de commercialisation accordée par la Commission technique nationale de biosécurité (CTNbio) à la société Monsanto.
Le Brésil s´est en effet doté en 1995 d´une loi de biosécurité « établissant les normes pour l´utilisation des techniques de l´ingénierie génétique et les conditions de libération des OGM dans la nature ». Elle définit les compétences de la CTNbio. La Constitution de 1988 encadre aussi les questions de la préservation de l´environnement et de la manipulation du patrimoine génétique même si, à cette époque, le débat sur les biotechnologies ne connaissait pas l´ampleur actuelle(1).

En dépit de l´existence de ce cadre réglementaire, les surfaces d´OGM cultivées illégalement atteindraient, selon les chiffres de l´ambassade de France au Brésil, 3,5 millions d´hectares plaçant le pays au troisième rang mondial en terme de surfaces. Face à cette situation, la polémique s´est accrue et le gouvernement brésilien, via la mise en place d´un comité interministériel, tente de définir une position commune en son sein.
Car deux camps s´y opposent. « Les ministres de l´Agriculture et du Développement, industrie et commerce extérieur sont favorables à l´adoption des OGM ; les ministres de l´Environnement et de la Science et technologie y sont farouchement opposés. »
Cinquante millions de tonnes de soja produites par an.

Le Rio Grande Do Sul concentre les surfaces illégales d´OGM.

Le débat porte sur les conditions d´introduction
C´est de ce comité qu´émane la mesure provisoire MP 113 votée le 14 mai dernier après d´âpres débats au sein de la Chambre des députés. Afin d´obtenir le vote de cette mesure transitoire, le gouvernement Lula s´est engagé à transmettre un projet de loi révisant le cadre de « la commercialisation des produits transgéniques, de la biosécurité et du rôle de la CNTBio », précise la mission économique de l´ambassade qui souligne que le débat au Brésil porte aujourd´hui sur les conditions de l´introduction des OGM davantage que sur leur interdiction.
La production de soja brésilien concerne plus de 240 000 agriculteurs et constitue, en cumulant le commerce des graines, tourteaux et huiles, le premier poste d´exportation du pays.

Le soja OGM : un enjeu économique majeur
En 2003, cinquante millions de tonnes de graines furent récoltées et les exportations, près de 80 % de la production, ont généré huit milliards de dollars américains. Selon diverses estimations, le soja transgénique représenterait pas loin de 15 % à 20 % de la production brésilienne. La commercialisation de ces graines officiellement illégales constitue un enjeu économique majeur.
Mais dans le même temps, l´image non-OGM du soja brésilien a fait la fortune de ses exportations vers l´Europe et l´Asie. Cet aspect ne sera pas accessoire dans les débats à venir au Brésil. L´état du Parana, encore très largement exempt d´organismes génétiquement modifiés, va défendre âprement sa spécificité au sein de l´Union fédérale brésilienne.

D´autant que la Chine a des visées sur le marché du soja non-OGM et envisage d´imposer des règles strictes dans un de ses Etats. En Europe, l´origine brésilienne est privilégiée pour le soja importé en raison des garanties qu´elle apporte surtout pour les graines provenant du Parana. Des filières tracées ont été mises en place et perdureront si leurs circuits spécifiques sont renforcés.
En France, l´autorisation de mise en culture suscite des inquiétudes chez certains opérateurs. Ces derniers craignent un risque accru de contaminations et un renchérissement du coût des procédures de contrôle si la part des OGM au Brésil augmente alors que la réglementation sur l´étiquetage se met en place en Europe.
Le ver est dans le fruit.
Près de soixante millions d´hectares de cultures OGM dans le monde.

(1) La Constitution de la République fédérative du Brésil, promulguée le 5 octobre 1988, prévoit dans son article 225 relatif à l´environnement que les pouvoirs publics doivent exiger l´étude d´impact environnemental pour toute activité susceptible de causer une dégradation de l´environnement.

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