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Sélection du blé dur
Le blé dur remonte le temps

Depuis 1996, le GIE blé dur réalise des croisements entre des blés durs élite actuels et des espèces apparentées anciennes. Objectif, enrichir le génome des variétés actuelles.


Retourner aux sources pour enrichir la variabilité génétique. « Les variétés élite actuelles, que le sélectionneur a l´habitude de croiser entre elles, apportent beaucoup de bonnes caractéristiques mais ne répondent pas toujours aux objectifs nouveaux, notamment de haute résistance aux maladies. C´est pourquoi nous avons décidé d´utiliser des lignées originales, apparentées au blé dur, en croisement avec les variétés actuelles », explique Philippe Lonnet, directeur de recherche chez Florimond Desprez et président du GIE blé dur(1), résumant vingt années de travail.
Les objectifs de l´amélioration génétique du blé dur tiennent un peu du grand écart. « La filière recherche des blés durs hautement productifs mais riches en protéines, sous la contrainte d´une fertilisation réduite en azote. Dans le même temps, sous la contrainte d´une utilisation réduite des fongicides, les normes mycotoxines (DON notamment) imposent un contrôle efficace des maladies », poursuit-il. En bref, ne pas perdre les gains obtenus en termes de qualité industrielle et de rendement tout en progressant sur la teneur en protéines, la résistance aux maladies foliaires (la rouille brune) et la résistance aux fusarioses.
Colossal pour un sélectionneur seul, le premier travail réalisé « grâce au GIE blé dur et au soutien des pouvoirs publics dans le cadre de contrats de branche », a consisté à observer des collections de lignées d´espèces apparentées ou d´espèces sauvages présentes dans le « croissant fertile ».
Une espèce apparentée ancêtre du blé dur conservée par l´Inra. ©Inra

Croisement avec les ancêtres, sources de gènes
Ceci pour les caractériser sur de très nombreux critères : taille, forme, qualité des grains, résistances. « La plupart de ces blés présentent de gros inconvénients par rapport aux techniques agricoles d´aujourd´hui. Mais ils contiennent dans leurs gènes des caractères intéressants. » Pour donner des repères, sur une échelle de 1 à 100, la forme sauvage du blé dur, T. t. dicoccoides présente une diversité génétique de 100 quand les durum élite actuels se situent à 4. A mi-chemin, T. t. Dicoccum, sous espèce domestiquée et largement disséminée dans toute l´Europe se situe à 37.
« La très forte variabilité n´est pas intéressante en elle-même dans le sens où ces espèces apparentées, cultivées, donnent un résultat très hétérogène et peu productif. Mais c´est une source de gènes. L´enjeu consiste à essayer de récupérer et de garder les gènes intéressants par rapport à nos objectifs au fur et à mesure des croisements », explique Philippe Lonnet. C´est la seconde étape du programme. Les espèces apparentées les plus intéressantes, comme T. t. diccoccoides, T. t. polonicum ont été croisées avec des blés durs élite actuels à fort potentiel. « Nous avons observé la descendance en multilocal et avons conservé le plus intéressant pour retenir un premier pot commun de lignées à partir desquelles les sélectionneurs peuvent travailler. »
Parcelles de blé dur. Les objectifs de la sélection visent une haute résistance aux maladies. ©Semences de Provence

Ne pas sélectionner trop tôt sur le rendement
Ces lignées ont été sélectionnées surtout sur leur résistance aux maladies. « Il ne faut pas sélectionner trop tôt sur le rendement dans les descendances de ces croisements, sans quoi on revient rapidement au génome des blés durs actuels en perdant les caractères nouveaux qui nous intéressent. Ces 37 lignées ne sont pas au top en terme de productivité mais elles ressemblent au blé dur d´aujourd´hui avec ses caractéristiques de qualité. » Elles contiennent des gènes de résistance aux maladies que les sélectionneurs vont s´employer à maintenir dans le génome de leurs futures variétés. « Sur les fusarioses et la rouille, certaines sous-espèces apparaissent meilleures que les blés tendres les plus résistants comme Renan. Ce sont les pistes les plus intéressantes », indique en particulier Philippe Lonnet. Actuellement, de nouveaux croisements sont réalisés dans le but de transférer ces résistances.
Il faudra encore plusieurs années pour que le fruit de ces recherches aboutisse dans les exploitations céréalières sous la forme de variétés commerciales. « Peut-être quatre à cinq ans pour les premiers acquis sur la rouille brune. Au mois dix pour la fusariose », pronostique Philippe Lonnet. Ouvre de longue haleine, la sélection requiert de l´anticipation mais aussi ce qu´il faut de patience. « Avec les outils d´aujourd´hui tels que les marqueurs génétiques, nous avons refait le chemin à l´envers pour comprendre comment la sélection avait modelé l´histoire du blé dur », conclut-il. En regard des 10 000 années qui nous séparent de la première domestication de son ancêtre, on admettra volontiers qu´une vingtaine d´années n´est pas si mal !

(1) Créé en 1983, le GIE blé dur regroupe les sélectionneurs privés et les organismes publics ou privés impliqués dans la filière blé dur : CC Benoist, Desprez, Eurodur, GAE, R2N, Serasem, CFSI, SIFPAF, Arvalis, Inra.

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