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Gros coup de mou pour le blé dur français

Effondrement des surfaces, baisse de rendement, dégradation de la qualité. Rien ne va plus dans la filière blé dur française.

C’est la bérézina. Les surfaces françaises de blé dur ne cessent de reculer. Depuis 2010, elles sont passées de 500 000 hectares à 335 000 hectares en 2013. Et la situation s’est encore aggravée cette campagne avec un recul de 14 % pour atteindre 290 000 hectares. Le constat est le même sur tout le territoire. Depuis 2010, le repli des surfaces a été de 30 % dans la zone Est, 35 % dans les secteurs Centre et Ouest Océan et atteint même 45 % dans le Sud-Ouest. Il faut tout de même faire une distinction entre les zones de production traditionnelles du sud de la France, à l’Est comme à l’Ouest, où la sole a reculé régulièrement sur toute la période, et les zones de productions plus récentes (Centre et Ouest Océan) qui ont connu une explosion de leur surface dans les années 2000 puis une inversion soudaine de la tendance depuis 2010.


Sortie de sa zone de prédilection


Qu’est ce qui peut expliquer un tel effondrement de mises en culture ? « Dans les années 2000, le blé dur a vu son aire de production s’étaler géographiquement en dehors de ses secteurs de prédilection », souligne Philippe Braun, ingénieur Arvalis. Par exemple, de la Vendée, la culture s’est étendue vers la Vienne, les Deux-Sèvres et même le Maine-et-Loire. Ou bien du Lauragais, il a conquis le Gers. « Mais le climat y est moins favorable, poursuit-il. Le plus gros risque est de se retrouver avec des pluies en mai pour la zone Sud ou sur la période allant de la mi-mai à la mi-juin pour la zone Centre et Ouest, propices aux fusarioses causant à la fois des pertes de rendement et de qualité liée à la moucheture, au mitadinage ou aux mycotoxines. » Ce qui a permis à certains d’inventer un nouveau dicton : « s’il pleut à Roland-Garros, le blé dur craint la fusariose ! »
Car le blé dur, lui, ce qu’il aime, c’est un hiver qui n’est pas à la fois froid et humide, suivi d’une relative sécheresse en fin de printemps. « Si ces conditions sont régulièrement réunies autour de Blois ou de Châteaudun, c’est déjà moins le cas autour de Chartres, même si les distances sont réduites », illustre Philippe Braun. De même, dans le Sud-Est, en remontant la vallée du Rhône, ou en allant vers le nord du Gard, les zones de production sont plus à risque. D’autant que ces dernières années ont été particulièrement pluvieuses, ce qu’exècre le blé dur.

Ratio de prix entre blé dur et blé tendre


La chute des surfaces en blé dur trouve aussi, et surtout, son explication dans la remontée des cours du blé tendre, conduisant les agriculteurs à reconsidérer leur stratégie. Pourtant, Jean-Philippe Everling, président de Durum, la société de négoce filiale d’Arterris et d’Axereal, veut rassurer les agriculteurs et les motiver à produire. « Le spread entre le blé dur et le blé tendre se situe à 60 euros la tonne en moyenne sur dix ans », affirmait-il, graphe à l’appui, lors de la journée de la filière blé dur qui s’est tenue le 23 janvier à Montpellier. Ce chiffre de 60 euros la tonne était l’écart de prix généralement admis comme suffisant pour motiver les céréaliers à maintenir leur production en blé dur. « Mais ce n’est pas comme cela que l’agriculteur tient son raisonnement économique, rétorque Philippe Braun. Il ne raisonne pas en écart de prix entre le blé dur et le blé tendre, mais en ratio de prix entre les deux céréales à paille, en y intégrant l’écart de rendement. » Dans cette logique, il faut un prix du blé dur 30 à 35 % plus élevé que celui du blé tendre pour que le céréalier décide de ne pas remettre en cause son assolement. « Avec un blé tendre à 200 euros la tonne, un spread de 60 euros la tonne en faveur du blé dur correspond à un ratio blé dur sur blé tendre de seulement 23 %. Ce n’est pas suffisant », conclut-il.
Et le découplage des aides PAC depuis 2003 n’a fait qu’accentuer le phénomène. Certes, le blé dur continue de prétendre à une enveloppe d’aides couplées prévue à 7 millions d’euros par an, soit 30 à 40 euros par hectare, mais les montants sont trop faibles pour soutenir les revenus et inverser la tendance.


Les réfactions plombent le blé dur


De plus, lorsque l’on annonce un prix, il s’applique à un blé dur répondant parfaitement aux critères de qualités idéaux. Mais il arrive bien souvent que l’exploitant a 20 à 30 % de sa récolte subissant des réfactions pour cause de déclassement, ce qui fait baisser son prix moyen.
Selon l’ingénieur d’Arvalis, au-delà de toutes ces considérations économiques, le recul des surfaces de blé dur que l’on connaît ces dernières années tient aussi à des raisons psychologiques. Les agriculteurs savent qu’il s’agit d’une culture fragile qui mérite une attention toute particulière, mais lorsqu’on leur répète plusieurs années de suite au moment de la livraison que leur récolte n’est pas à la hauteur qualitativement, c’est démoralisant. Leur fierté du métier d’agriculteur en prend un coup.

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