Débat
Faut-il encore un soutien public aux biocarburants?
Le Sénat avait voté la fin du soutien fiscal aux biocarburants.
Dans un contexte de crise, le débat risque de ressurgir fin 2012.
LIONEL VILAIN, FNE
« UN CADEAU FISCAL »
NON, IL N'EST PAS JUSTIFIÉ QUE L'AUTOMOBILISTE ET LE CONTRIBUABLE FINANCENT LES AGROCARBURANTS qui sont en concurrence frontale avec le marché alimentaire. Ces derniers tirent les prix des matières premières à la hausse et pénalisent indirectement l'élevage, même si la production de protéines végétales est un argument positif en leur faveur.
LES AGROCARBURANTS ACTUELS NE PERMETTENT PAS DE RÉDUIRE LA DÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCE car leur efficacité énergétique est trop faible comme l'ont montré de nombreuses études : autour de 1,3 pour l'éthanol, à peine 2 pour le biodiesel. Quant à l'atténuation des gaz à effet de serre, les résultats sont médiocres si l'on tient compte des déforestations, des mises en culture de prairies et autres changements d'affectation des sols engendrés dans les pays tiers. Les filières d'agrocarburants françaises sont déjà soutenues par la directive européenne imposant aux pétroliers d'incorporer 10 % d'agrocarburants. Cela leur offre un débouché, mais cela créé surtout un appel d'air dans lequel s'engouffre l'huile de palme indonésienne et malaisienne afin de répondre à la demande des industries agroalimentaires qui manquent d'huiles européennes.
LES AGROCARBURANTS INDUISENT LA POURSUITE D'UN MODÈLE INTENSIF. Les filières grandes cultures préparent les opinions à un retour des jachères industrielles sur les 7 % de surfaces dédiées aux infrastructures agroécologiques prévus dans la nouvelle PAC. Or ce n'est pas du tout l'esprit de cette proposition. Si nous nous opposons aux agrocarburants industriels, nous sommes favorables au développement de l'huile végétale brute utilisée dans les tracteurs. Mais le frein vient des motoristes. Je suis sûr que tôt ou tard, ce phénomène s'amplifiera quand le prix des carburants va s'envoler.
JEAN- PHILIPPE PUIG, SOFIPROTÉOL
« UNE FILIÈRE D'AVENIR »
OUI. AUJOURD'HUI, LA FILIÈRE BIODIESEL GÉNÈRE À ELLE SEULE PLUS DE 12 000 EMPLOIS DIRECTS, soit cinq fois plus que le raffinage du gazole d'origine fossile. La production de biodiesel en France a permis d'éviter en 2011, l'importation de l'équivalent de 1,2 milliard d'euros de gazole, et de diminuer la dépendance de la France aux importations de protéines végétales passées de 75 % à 45 %. Intégré au mix énergétique, le biodiesel contribue à réduire la quantité d'émission de gaz à effet de serre.
L'ITALIE, QUI A MIS FIN À L'EXONÉRATION DE DROITS D'ACCISE SUR LE BIODIESEL FIN 2009, en mesure aujourd'hui tous ses effets néfastes : alors que la consommation a augmenté de 33 %, la production nationale a chuté de 40 %, concurrencée par des importations d'Argentine et d'Indonésie en hausse de 135 %, soutenues, elles, fiscalement. L'état italien envisage de revenir en arrière car à ce jour, sur dix-huit unités de production de biodiesel, huit sont définitivement fermées et cinq font l'objet de mesures temporaires de chômage technique, avant une possible fermeture.
LA PERTE DU SOUTIEN PUBLIC FRAGILISERAIT DONC TOUTE LA FILIÈRE, dont l'alimentation animale et l'oléochimie, à un moment critique de son histoire. Une suppression anticipée de ces dispositions se traduirait immédiatement par un déséquilibre commercial aggravé et par le risque de fermeture de nombreuses unités de production, sans même parler des effets induits, notamment chez les agriculteurs et les sous-traitants. Elle priverait notre pays d'un atout majeur pour sa croissance future et le développement des énergies renouvelables en freinant l'éclosion des biocarburants de deuxième et troisième générations et le développement de la chimie verte pour laquelle la France occupe une position de pointe.