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Entreprise de travaux agricoles : tout calculer avant de se lancer

Dans un contexte parfois très concurrentiel, créer son ETA nécessite de prendre en compte de nombreux paramètres parfois oubliés, au risque de menacer la rentabilité de l’activité.

Dans un contexte de hausse des coûts du matériel et de la maintenance, le pire est d’investir sans réactualiser ses prix régulièrement.
Dans un contexte de hausse des coûts du matériel et de la maintenance, le pire est d’investir sans réactualiser ses prix régulièrement.
© J.-C. Gutner

Et si je diversifiais mes activités en créant une entreprise de travaux agricoles (ETA) ? Cela peut être un bon moyen de diluer ses charges de mécanisation et de main-d’œuvre, d’amortir plus rapidement son matériel et de valoriser une réputation de travail bien fait. Le contexte est favorable : les agriculteurs désireux de changer de système sans bouleverser leur parc matériel sont autant de clients potentiels.

Certaines ETA se développent ainsi en proposant des conduites en agriculture bio ou en agriculture de conservation. La formule évite aux agriculteurs d’engager des investissements importants et peut même libérer des capitaux, pour les réinvestir autrement. Si les semis sont effectués par un tiers, plus besoin de semoir. Si tous les travaux sont réalisés par un prestataire, plus besoin de matériel du tout.

Ne pas générer de nouvelles charges

« L’ambition de l’entrepreneur est d’effectuer le plus de chantiers possibles dans un territoire donné. Il faut que ça roule vite et bien », résume Laurent Menanteau, président des Entreprises des territoires des Pays de la Loire. Mais pas n’importe comment. À prendre trop de surfaces, le risque est de délaisser sa propre ferme. Les résultats de l’ETA ne serviront alors qu’à compenser les contre-performances de son exploitation. « Si on accepte un nouveau client pour travailler moins bien chez soi, c’est la double peine, met en garde Emmanuel Lambert, conseiller d’entreprise au cabinet Agriexperts, à Cergy-Pontoise dans le Val-d’Oise. L’idéal est de pouvoir absorber un nouveau client sans générer de charges nouvelles. Si le matériel existant permet de travailler sur une surface plus grande, et que la main-d’œuvre est disponible, la prestation ne sera que du bonus. »

En revanche, s’il faut investir et embaucher pour faire face à un nouvel engagement, la prudence s’impose. « Pour être rentable, l’embauche d’un salarié doit générer 100 000 euros de chiffre d’affaires supplémentaire », affirme Laurent Menanteau. « Le prix du matériel a augmenté de 50 à 60 % en dix ans, les frais d’assurance et de carburant grimpent et les investissements sont rapidement importants. L’électronique embarquée dans les matériels fait exploser les coûts de maintenance, y compris sur du matériel neuf. Résultat, les amortissements augmentent mais les frais d’entretien aussi », complète Emmanuel Lambert.

Facturer au juste prix sans sous-évaluer la prestation

Dans ce contexte, le pire est d’investir sans réactualiser ses prix régulièrement. Or, vu le contexte économique de ces dernières années et la concurrence parfois sévère, une hausse de tarifs est longtemps restée impossible. L’embellie sur le marché des matières premières doit être l’occasion de revoir ses prix à la hausse. « Trop souvent, les agriculteurs n’ont pas conscience de la valeur de leur travail. Ils travaillent comme pour eux alors que leurs tarifs sont les mêmes que ceux de prestataires moins scrupuleux », développe l’expert.

Pour déterminer le juste prix à facturer, les barèmes d’entraide départementaux constituent un bon outil. À condition de ne pas en rester là. « Ils sont sous-évalués par rapport à de la prestation car ils ne tiennent pas compte du coût de la main-d’œuvre », précise Claude Masounave, consultant au Cabinet Exco à Maubourguet dans les Pyrénées-Atlantiques. L’entraide n’est pas de la prestation et le surcoût à appliquer atteint souvent les 25 %. Certains postes sont mêmes souvent carrément oubliés : facturez-vous bien le tracteur et la benne mis à disposition à la moisson ? Ils permettent de fluidifier les chantiers de récolte et d’augmenter les débits de chantier, mais ne pas les compter peut coûter cher.

« Si le prestataire renseigne le cahier d’épandage, effectue les commandes phyto et réalise jusqu’à la déclaration PAC, il est également légitime que ce temps passé soit comptabilisé. S’il ne l’est pas, c’est mieux si le client mesure le geste », soulève Emmanuel Lambert. Attention dans ces situations aux risques de requalification de contrats de prestation en contrats de bail. L’exploitant doit rester maître de son entreprise.

Évaluer le débit de chantier selon le parcellaire

Avant de définir un tarif, il importe de définir avec le client les travaux à réaliser et de bien connaître le parcellaire de l’exploitation : « le débit de chantier pour 5 parcelles de 50 hectares n’est pas le même que pour 50 parcelles de 5 hectares ». Reste à justifier un écart de prix dans ces situations. L’assurance d’un travail bien fait est un argument solide mais il reste difficile à faire passer quand on commence son activité. « Il n’est pas rare qu’entre deux prestataires, identiques sur le papier, les rendements en céréales varient de 20 q/ha. Cette différence représente aujourd’hui un chiffre d’affaires supérieur à 400 €/ha, soit plus que le coût d’une prestation complète : ça vaut le coup d’y réfléchir », rappelle Emmanuel Lambert.

« De son côté, le client doit vérifier que l’entreprise est en règle avec la législation sociale. En cas de souci, vu sa qualité de donneur d’ordre, il pourrait être tenu pour responsable », soulève Claude Masounave. Remettre une attestation de conformité sociale à ses clients peut être un gage de sérieux et de tranquillité.

Une base tarifaire nécessairement établie par contrat

Pour limiter les risques économiques, investir et embaucher, un autre document s’impose, en particulier dans les situations de prestation intégrale : le contrat. Cet écrit établit les engagements réciproques entre deux parties et fixe une base tarifaire, le tout pour une durée variant d’un à cinq ans. Le contrat doit préciser quelles interventions culturales sont prévues et dans quelles conditions celles-ci sont réalisées : à la demande expresse du client, au libre choix du prestataire ou sur avis d’un technicien tiers ? Certains contrats prévoient un paiement de la prestation quoiqu’il advienne sur la durée du contrat. D’autres listent les responsabilités réciproques ou envisagent la prise en charge de pertes à la récolte en cas de retard. « Et en cas de défaut de paiements et de liquidation judiciaire, le contrat constitue une preuve qui peut laisser espérer un règlement de la créance », précise Patrice Durand, directeur général de la Fédération nationale des entreprises des territoires (FNEDT).

« Le contrat doit être compréhensible, opposable et adapté au contexte du terrain. L’essentiel est de fixer les bases d’évolution des tarifs, en s’appuyant par exemple sur l’évolution de l’indice Ipampa, du Smic horaire, qui reflètent les évolutions du prix du matériel et de la main-d’œuvre sur des critères tangibles et facilement explicables », résume Emmanuel Lambert. Le pire serait de donner l’impression de facturer « à la tête du client ».

« Trop souvent, les agriculteurs travaillent comme pour eux alors que leurs tarifs sont les mêmes que ceux de prestataires moins scrupuleux »

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