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Flambée des prix des engrais : dix leviers pour limiter la hausse des coûts

Les charges opérationnelles pour la prochaine campagne grimpent comme jamais. Pour limiter la hausse, quelques leviers agronomiques peuvent être mis en œuvre. Au-delà, gare aux chutes de potentiel et de chiffre d’affaires.

L'efficacité d'un apport d’azote sur la croissance des plantes est maximale s'il pleut environ 15 mm dans les quinze jours qui suivent l’apport.
L'efficacité d'un apport d’azote sur la croissance des plantes est maximale s'il pleut environ 15 mm dans les quinze jours qui suivent l’apport.
© Amazone

1. Faites des reliquats sortie hiver plus profonds

Le calcul de la dose totale prévisionnelle d’azote s’appuie sur la méthode du bilan prévisionnel, à la fiabilité bien établie. La réalisation de reliquats sortie hiver est la méthode la plus simple pour déterminer précisément les fournitures en azote du sol. Mais vos prélèvements sont-ils bien faits ? S’ils ne sont pas réalisés assez profondément, la mesure d’azote disponible dans le sol est peut-être sous-estimée, et cela revient à majorer l’apport. Souvent, pour des raisons de coût et de simplicité, les reliquats sortie hiver sont effectués uniquement sur le premier horizon du sol. Un prélèvement de terre à 0-30 cm est aisément réalisable et une mesure de RSH coûte autour de 20 euros. Or, quand le sol est plus profond, il est préférable d’effectuer un prélèvement jusqu’à 60 cm, où l’azote reste disponible pour les racines.

Avec la méthode du bilan, une mesure de RSH plus élevée diminuera la dose totale d’azote à apporter, sans diminuer le potentiel de rendement du blé. L’écart de valeur est très dépendant de la météo hivernale mais on peut espérer un écart de 15 unités en analysant un horizon plus profond, soit une économie de 27 euros/hectare avec un prix de l’unité d’azote à 1,80 euro. De quoi absorber rapidement le surcoût de l’analyse sur deux horizons, d’environ 15 euros.

2. Vérifiez la consommation d'azote de vos variétés de blé

Quel est le « coefficient b » de vos variétés de blé tendre ? Vous l’ignorez ? Pourtant, cette donnée intervient dans le calcul de la dose prévisionnelle d’azote : il identifie la consommation d’azote d’un blé, qui, selon la variété, varie entre 2,8 et 3,2 kg d’azote par quintal produit. Pour un objectif de rendement à 80 quintaux/hectare, cette seule donnée fait varier les besoins de 16 à 32 unités d’azote à l’hectare. Des variétés comme Chevignon, Armada ou Campesino sont parmi les moins gourmandes en azote du catalogue. Et Chevignon reste en tête des variétés les plus cultivées. Par contre, des vedettes comme Absalon, Extase, Sacramento ou Rubisko consomment 3 kg d'azote/quintal.

3. Faites l’impasse sur le premier apport

Le premier apport sur blé tendre est classiquement effectué à partir du 15 février, au stade tallage, à hauteur de 40-60 kg d'azote/hectare. Si l’automne et l'hiver sont doux et secs, la minéralisation des sols durant l’automne sera optimale et l’azote du sol ne sera pas lixivié. Dans cette hypothèse, l’azote contenu dans le sol peut suffire à assurer la croissance des plantes à une période où celles-ci ont des besoins faibles.

Si la pluviométrie est faible entre novembre et février, et si les reliquats le confirment, l’impasse du premier apport est envisageable. En terres profondes, l’économie peut porter sur la totalité de la dose, soit jusqu'à 60 unités, ou 108 euros/hectare (solution azotée à 1,80 €/uN). En terre légère, la dose sera divisée par deux, à 30 unités, pour une économie de 54 euros/hectare.

Sur colza, une réduction aveugle des apports d’azote peut coûter cher. La plante consomme 7 kg d’azote par quintal. Les pesées de matière verte en entrée et sortie d’hiver s’imposent tant l’azote absorbé varie d’une année sur l’autre. Ces mesures permettront d’évaluer la quantité d’azote absorbée et la dose à apporter. Dans les situations ou la dose est inférieure à 100 kg d'azote/hectare, prévoir deux apports espacés de dix jours en mars (stades C2-D1 puis D2-E) pour apporter au plus près des besoins de la plante. En sortie hiver, les besoins du colza sont faibles.

4. Fractionnez en quatre apports sur blé

Arvalis a mis en évidence qu’une stratégie de fractionnement en quatre apports sur blé permettait un gain de productivité de 0,5 quintal/hectare (et 0,2% de protéines) par rapport à une stratégie en trois apports, pour des doses totales supérieures à 200 kg d'azote/hectare. L’apport à épi 1 cm est primordial car, à ce stade, les besoins du blé sont importants. L’idéal est d’effectuer cet apport en deux fois, espacés de dix jours d’intervalle, avant et après le stade épi 1 cm. Le dernier apport doit également être maintenu : il permet de majorer la teneur en protéines et d’atteindre l’optimum de rendement.

5. N’apportez que s’il pleut

Les conditions climatiques pendant et après l’apport d’azote conditionnent son efficacité. « S’il pleut environ 15 mm dans les quinze jours qui suivent l’apport, l’azote apporté sera bien valorisé par la plante : surveillez de près les prévisions météo et n’hésitez pas à anticiper ou à retarder la date d’apport pour profiter des pluies », insiste Francesca Degan, ingénieure spécialisée en fertilisation chez Arvalis. Les engrais minéraux sous forme solide vont être dissous dans le sol et la volatilisation sera réduite. Le conseil vaut en particulier pour le deuxième apport (épi 1 cm). Au contraire, si l’apport a lieu par temps chaud et venteux, la volatilisation sera importante, de l’ordre de 20 à 30 % quelle que soit la forme. Plus que jamais, on ne fertilise pas en pleine journée.

6. Modulez en fonction de la forme d’azote

L’efficacité des engrais azoté varie selon leur forme : ils sont plus ou moins soumis à la volatilisation. Le phénomène concerne en particulier l’urée, mais aussi la solution azotée. Il faut donc moduler la dose en fonction de la forme. « En utilisant de l’ammonitrate au lieu de la solution azotée, on peut réduire la dose totale apportée de 17% », souligne Laurent Hoguet, conseiller au GRCeta de l’Évreucin. Concrètement, pour un apport de 40 unités efficaces, compter 100 litres de solution azotée à 39 % ou 100 kg d’ammo 33,5.

7. Trouvez des engrais organiques

Les engrais organiques sont une solution alternative aux engrais minéraux, en particulier les formes riches en azote ammoniacal comme les digestats de méthanisation, les fientes et le lisier. La réglementation impose toutefois d’enfouir les effluents après épandage, ce qui les cantonne aux cultures de printemps, en pré-semis. Attention, la libération d’azote de ces formes est beaucoup plus lente que pour l’engrais minéral : compter plusieurs semaines, voire plusieurs mois selon les conditions météo.

Pour connaître la quantité d’azote efficace d’un lot, une analyse de la teneur en azote de l’effluent est requise. Elle s’obtient en multipliant ce chiffre par le coefficient d’équivalence de chaque engrais et la quantité épandue à l’hectare. Le coefficient d’équivalence d’un digestat de méthanisation, d’un fumier de volaille ou d’un lisier de porc ou de bovin appliqué en sortie d’hiver est de 0,45.

8. Baisser la dose totale d’azote ?

Vu les prix des engrais, on peut être tenté de baisser la dose totale d’apport, mais gare à la perte de production et de chiffre d'affaires, qui peuvent être très préjudiciables à la santé de l’exploitation. Le minimum à apporter doit être déterminé en fonction de l'historique de la parcelle, de son potentiel et du solde issu du calcul de la dose précisionnelle. Calculer sa marge en tenant compte du contexte de prix s'impose. Se prémunir d'un effet ciseau également, en engageant (prudemment) une partie de sa future récolte. L'exercice peut réveler des surprises : dans les terres profondes, dotées d’un potentiel élevé, il apparaît que chaque quintal de blé gagné reste rentable, même avec une unité d'azote supérieure à 1,80 euro. Pour le colza, la marge serait parfois plus confortable que pour la dernière campagne.

9. Et les OAD ?

Les outils d’aide à la décision permettent de piloter la fertilisation avec plus de précision. On distingue trois types d’outils : les outils de calculs de la dose prévisionnelle d’azote (qui doivent afficher le label Prév’N du Comifer pour garantir le respect de la méthode réglementaire), les outils de pilotage en cours de cycle estimant le niveau de nutrition azotée d’une culture (Farmstar, Jubil ou Yara-N-tester), et les outils de modulation intra-parcellaire (Be Api). Ces outils ont un prix mais, cette année, celui-ci sera plus rapidement compensé par les économies qui en découlent.

10. Ne pas faire l’impasse sur la fertilisation PK et le chaulage

Pour limiter la hausse du poste engrais, limiter ou supprimer les apports PK est tentant. Selon la teneur du sol et la sensibilité des cultures, une impasse PK peut toutefois avoir un effet dépréciateur sur les rendements. L’assimilation de l’azote par la plante est bloquée si les teneurs en PK du sol ou si le pH sont trop faibles. « Dans tous les sols acides, le chaulage est le premier levier pour améliorer l’efficience de l’azote, avec un retour sur investissement significatif malgré la hausse des prix », rappelle Laurent Varvoux, expert en amélioration de la fertilité du sol pour la coopérative Terrena. Plus que le blé, le colza est particulièrement exigeant en phosphore et en soufre. Les impasses doivent donc s’appuyer sur des analyses de sol complètes et devront être compensées dès l’année prochaine.

Pour aller plus loin : Comment fertiliser son colza en 2022 ? Webinaire gratuit le 19 novembre, par Terres Inovia. 

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