Difficultés de trésorerie : oser demander de l’aide pour sortir de l’ornière
Dans de nombreux départements les cellules Réagir réunissent les partenaires agricoles pour accompagner les agriculteurs qui font face à de graves difficultés sur leur exploitation.
Le téléphone ne chauffe pas encore, mais les responsables de structures qui viennent en aide aux agriculteurs en difficulté se tiennent prêts. « Après deux années consécutives difficiles, il y a une grosse alerte sur les exploitations en système céréalier », annonce Aurélie Primot, conseillère de la cellule Réagir 02 (1), dans l’Aisne. La structure associative, créée en 2021, est portée par les organismes professionnels agricoles (OPA). En 2024, elle a déjà enregistré 35 % d’appels en plus par rapport à 2023, tous types d’exploitations confondus. Des cellules Réagir ou assimilées existent dans la plupart des départements.
Combien d’agriculteurs seront en difficulté cette année, combien auront besoin d’un accompagnement rapproché et surtout, combien oseront décrocher leur téléphone pour demander de l’aide ? La conjoncture très défavorable en grandes cultures, entre charges élevées et prix en berne, pourrait en effet faire basculer certaines exploitations dans le rouge.
Être proactif dans la démarche
Dans les situations les plus critiques, les raisons économiques s’accompagnent généralement de problèmes plus profonds d’organisation ou de relations interpersonnelles au sein de l’exploitation. La situation privée peut aussi entrer en ligne de compte. C’est pourquoi une approche globale est nécessaire. Toutefois, ce sont souvent les problèmes de trésorerie qui sont le déclencheur des démarches.
L’agriculteur peut avoir été aiguillé par sa banque ou son comptable, mais la sollicitation de la cellule Réagir doit être à son initiative. « Il ne s’agit pas d’une relation descendante, c’est l’agriculteur qui fait le premier pas pour nous contacter, avance Aurélie Primot. Souvent, il a déjà les solutions. Nous sommes là pour l’aider à verbaliser, à savoir par quoi commencer et à quelle porte frapper. »
Mettre les partenaires agricoles autour de la table
En clair, la cellule permet de mettre de l’huile dans les rouages entre les différentes structures pour que la situation se débloque. « Nous mettons autour de la table les banques, la coopérative ou le négoce, la MSA… Ça permet à chacun d’avoir une compréhension globale des situations », avance Aurélie Primot. « Il y a une volonté de parler d’une même voix, car dans les dossiers que nous traitons, les problèmes de trésorerie sont d’ordre structurel », complète Marie Decovemacker, accompagnatrice agriculteurs en difficulté de la cellule Réagir de la Marne, portée par l’Adasea (2).
L’enjeu est aussi de protéger l’exploitant qui est sollicité par plusieurs organismes qui lui exige des sommes d’argent. Cette transparence permet de mettre en place un étalement cohérent des remboursements. « Dans les appels qu’on reçoit, il y a des problèmes de trésorerie, mais on sent aussi un épuisement moral », souligne l’accompagnatrice.
L’accompagnement débute généralement avec un premier rendez-vous chez l’agriculteur. Objectif : effectuer un travail de fond pour identifier les points forts et faibles de l’exploitation. « Les difficultés peuvent intervenir à plusieurs niveaux », décrit Marie Decovemacker. Elles peuvent être causées par des erreurs dans les techniques de production, la stratégie d’entreprise (surinvestissement) ou encore être liées à des prélèvements privés trop importants. Les solutions seront donc à déployer en fonction de là où le bât blesse.
Retrouver de la confiance pour agir
Une fois le diagnostic établi, les accompagnateurs vont pouvoir ouvrir des portes qui ne seraient pas accessibles à l’agriculteur seul. Que ce soit au niveau bancaire ou MSA, les cellules ont accès à des personnes décisionnaires ou dédiées aux agriculteurs en difficulté.
Le but est aussi de redonner confiance aux personnes dans leur capacité à agir. « Quand il y a des difficultés, cela peut être vécu comme de l’incompétence, mais ce n’est pas le cas, considère la conseillère de la Marne. Agriculteur est un métier qui requiert un très large panel de compétences, et la gestion est souvent une partie qui est délaissée et qu’il faut se réapproprier. »
Demander des aménagements pour les cotisations sociales
En cas de difficulté de trésorerie, il est possible de solliciter la MSA. L’étalement des cotisations exploitant est possible à certaines conditions (difficultés financières, exploitation agricole viable, être à jour de ses obligations et du paiement de la part salariale des cotisations sur salaires). La demande est examinée par le conseil d’administration de la MSA ou par la commission de recours amiable par délégation.
Dans le cas de grosses difficultés de trésorerie, la MSA peut également accorder, sous conditions, une prise en charge partielle des cotisations exploitant. Les prises en charge de cotisations sont attribuées au cas par cas par les caisses de MSA sur le fonds d’action sanitaire et sociale dans la limite d’un plafond annuel d’un montant de 3 800 euros pouvant être porté exceptionnellement à 5 000 euros. Les documents à fournir doivent montrer que les difficultés rencontrées ne sont pas structurelles mais liées à une crise.
Agri’écoute, un service d’écoute en cas de détresse
Une situation de mal-être ou de détresse peut être liée à des difficultés professionnelles ou personnelles, un isolement, des problèmes sociaux, familiaux, de santé ou au stress. Face à ces risques, le dispositif de la MSA est joignable au 09 69 39 29 19 ou par tchat sur agriecoute.fr.