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Désherbage des céréales : cinq leviers agronomiques efficaces à combiner face aux graminées

Avec la progression du ray-grass et du vulpin, les agriculteurs doivent mobiliser plusieurs leviers. Semis retardé, cultures de printemps, travail du sol... Les experts plaident pour la combinaison raisonnée des leviers agronomiques et chimiques à l’échelle de la rotation.

<em class="placeholder">Parcelle de blé tendre avec présence de ray-grass en juin 2025 dans le Pas-de-Calais</em>
Les rotations simples type blé, orge, colza, favorisent la poussée du ray-grass et du vulpin. L'introduction de cultures de printemps dans la rotation permet de casser leur cycle et de diminuer la pression.
© V. Charpenet

Aucune région n’est épargnée : à la faveur des systèmes simplifiés, les stocks semenciers de ray-grass et de vulpins sont en croissance dans toutes les régions de grandes cultures. « Les rotations simples type colza-blé-orge, ainsi que l’augmentation des parcelles non labourées, favorisent le développement des graminées », constate Fanny Vuillemin, ingénieure agronome à Terres Inovia. Autre facteur : avec le changement climatique, la biologie des graminées, en particulier du ray-grass, évolue. Ces plantes sont désormais capables de lever toute l'année et plus seulement à l’automne. S’ajoutent à cela la diminution du nombre de molécules disponibles et l’apparition de résistance des graminées aux produits. Les experts sont unanimes, la lutte passe par la combinaison des leviers agronomiques, chimiques et mécaniques à l’échelle de la rotation.

L’incontournable décalage de la date de semis

Le décalage de la date de semis reste un recours efficace pour réduire la pression des graminées, en particulier celle des vulpins. « Dans le contexte lorrain, nous visons les 200° jour de décalage de semis, à savoir dix à quinze de jours de décalage par rapport aux semis historiques de fin septembre, ce qui amène des agriculteurs à le retarder sur la 1ère quinzaine d’octobre, présente Constance Richard, responsable agronomie et innovation à la coopérative Lorca. Des essais pluriannuels montrent une réduction de 56 % du nombre de vulpins en moyenne. » Les résultats sont variables d’une année à l’autre, mais dans l’un des essais avec un décalage de semis de 20 jours, l’efficacité a été de 94 %.

Pour Ludovic Bonin, d'Arvalis, le décalage de la date de semis est le levier agronomique qui écrase tout en termes de concurrences des graminées. « On enlève de 50 à 60 % de ces adventices grâce à un semis retardé de quinze jours à trois semaines », assure-t-il. Preuve en a été faite cette année sur la plateforme d’essais de la coopérative Noriap, située à Ébeillaux, dans la Somme. Elle avait pour objet d’étudier différentes dates de semis (4 octobre, 22 octobre et 12 novembre) de blé tendre (Chevignon) combinées à trois types de travail du sol (labour, travail simplifié et semis direct).

Choisir des variétés adaptées à des semis plus tardifs

C’est la dernière vague de semis au 12 novembre qui s’est montrée la plus efficace. Lors d’un comptage réalisé début février, entre 1 et 10 pieds au m2 ont été dénombrés selon les modalités, contre 104 pieds au m2 dans la mo­dalité labourée pour les semis du 4 octobre ou 29 pieds au m2 pour les semis du 22 octobre.

Retarder la date n’est toutefois pas une solution miracle, car certaines conditions de sol ne le permettent pas. C'est le cas de la Lorraine et de ses sols argileux où le nombre de jours disponibles pour engager des semis en bonnes conditions se réduit quand on décale les dates. « L’automne 2023, il n’était plus possible de rentrer dans les parcelles après le 18 octobre à cause des pluies incessantes », se rappelle Constance Richard. Dans les cas où c’est possible, il faudra veiller à utiliser une variété précoce de blé adaptée à ce type de semis.

Le faux semis nécessite des conditions propices

L’efficacité d’un faux semis est également variable, tributaire des conditions météo du moment. En cas de sécheresse, les graminées ne lèvent pas, ce qui réduit beaucoup l’intérêt de l’intervention. Il faut donc un sol humide pour favoriser les levées après le passage de l’outil, pour détruire ensuite les adventices. Au moment de l’intervention, les graines de vulpin sont plus ou moins en dormance. « La levée de dormance dépend des conditions que le vulpin a connues au moment de la maturation de ses graines au début de l’été. Si les conditions étaient chaudes et sèches, la levée de dormance est rapide à l’interculture », indique Constance Richard.

A contrario, quand il y a beaucoup de pluie à la maturation, « la levée de dormance des graines est retardée, ce qui peut réduire l’efficacité du faux semis, remarque Constance Richard. Mais cela reste un levier qui présente une efficacité intéressante. » Dans les essais de Noriap dans la Somme, à date de semis équivalente (22 octobre), les modalités avec faux semis ont obtenu de meilleurs résultats pour réduire le nombre de pieds de vulpins.

Les cultures de printemps, de bonnes alliées, pas toujours faciles à intégrer

Maïs, tournesol, sorgho, lentille, millet… Intégrer des cultures de printemps, dont la dynamique de croissance est en décalage par rapport à la levée des graminées, figure parmi les leviers efficaces pour réduire le stock semencier. « Le fait d’intégrer des cultures de printemps permet d’avoir un sol nu à l’automne pour pratiquer des faux semis, indique Fanny Vuillemin. Elles permettent également de diversifier les matières actives utilisables. » Des essais menés sur la plateforme Syppre Berry durant huit ans montrent que le plus efficace est d’avoir une succession de deux cultures de printemps.

En Lorraine, l’introduction de cultures d’été telles que le tournesol et le maïs a été encouragée et existe depuis une quinzaine d’années. Le cycle de développement automnal du vulpin est ainsi cassé et des herbicides utilisés sur ces cultures apportent un complément d’efficacité à ceux des cultures d’automne. Cependant, avec des stocks semenciers importants, les levées de vulpin ne sont plus rares au printemps. « Pour 100 vulpins levés à l’automne, on en a 25 au printemps », mesure dans les essais Constance Richard.

La diversification des cultures est parfois difficile à mettre en œuvre, car elle touche au système de cultures dans sa globalité. Les limites à sa généralisation sur les exploitations sont à la fois techniques et économiques (dégâts d’oiseaux, sécheresse, accès à l’irrigation…). Se pose aussi souvent la question du débouché. C’est le cas par exemple de la luzerne, culture particulièrement efficace pour nettoyer les champs, mais pour laquelle il faut trouver un débouché.

Le labour, levier à activer occasionnellement

Le stock semencier des graminées a la particularité d’avoir un taux annuel de décroissance élevée. Ainsi, les graines disparaissent presque totalement si elles restent enfouies pendant trois à cinq ans. Plusieurs essais menés par les instituts techniques ont montré l’efficacité du labour. Mises en profondeur, les graines perdent leur viabilité au cours du temps. « Il doit rester occasionnel, car le labour peut en contrepartie faire remonter des graines plus persistantes de dicotylédones, souligne Fanny Vuillemin. Un bon compromis est un labour tous les trois ou quatre ans. »

Passage de herse étrille : un levier d’opportunité

La coopérative Lorca en Lorraine a mené des essais sur l’efficacité d’un passage de herse étrille sur céréales à l'automne (en post-levée à partir du stade 3 feuilles). « Nous avons obtenu une efficacité de 32 % en moyenne sur vulpin, mais c’est un levier de lutte qui reste d’opportunité au vu du faible nombre de jours agronomiquement disponibles sur notre zone », souligne Constance Richard. Les conditions doivent être propices : sol bien nivelé, céréale bien implantée et sol sec au moment du passage et quelques jours après, de façon à ne pas avoir de repiquage des adventices arrachées.

Peu de différence de pouvoir concurrentiel entre variétés de blé

Le caractère de pouvoir couvrant est noté dans l’évaluation des variétés de blé. Il peut avoir un effet sur le développement des adventices. Les variétés hybrides sont souvent perçues comme produisant plus de biomasse que les lignées. « Nous avons mis en place cette année un protocole comparant une variété hybride à une lignée physiologiquement très proche. Nous avons noté un petit quelque chose en faveur de l’hybride. Mais nous ne conseillons pas ce levier de lutte qui apporte une efficacité se limitant à 5-10 % de réduction des graminées », précise Ludovic Bonin. En revanche, l’escourgeon montre un pouvoir concurrentiel plus important que le blé sur les graminées. « Dans une même parcelle avec des essais sur blé et sur orge, nous avons constaté au 12 mai une infestation en vulpin de 980 épis au m2 sur le témoin blé et 540 épis au m2 sur le témoin orge. Mais nous sommes face à des impasses en orge d’hiver sur des pression aussi élevées, en l’absence à court et moyen termes de solutions chimiques en complément des leviers de lutte agronomiques », témoigne Constance Richard. La panoplie en herbicides est effectivement plus restreinte en orge qu’en blé.

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