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Des charges mieux évaluées pour un prix de revient plus juste

Important pour la vente des productions, le prix de revient peut facilement devenir un casse-tête quand il s’agit de le calculer. La répartition et l’estimation des charges de structure restent des exercices délicats mais des clés de répartition peuvent aider.

Commercialiser sa production n’a rien de facile. Chaque jour, les prix fluctuent, si bien qu'il est difficile d'établir le bon prix de vente. Connaître le prix de revient de chaque production permet de mieux se positionner. Il est donc utile de l’avoir toujours en tête. Et attention : « de nombreux agriculteurs utilisent les références de leurs voisins ou de leur groupe d’analyse pour estimer leur prix de revient mais ils se trompent. Ce prix varie d’une exploitation à une autre selon ses besoins ou ses amortissements », avertit Jérôme Michel, conseiller de gestion au Cerfrance de Chaumont, en Haute-Marne.

Des charges de structure difficile à répartir

Le prix de revient se base sur le coût de production déterminé par les charges opérationnelles et structurelles. Estimer celles opérationnelles est relativement simple. « Avec la conditionnalité des aides PAC, les agriculteurs sont obligés de noter leurs épandages d’engrais ou de produits phytosanitaires », constate le conseiller Cerfrance. Le calcul paraît simple (voir exemple). La difficulté réside en fait dans la répartition des charges de structure. « Lorsque l’exploitation produit uniquement des céréales, la somme de ces charges structurelles est divisée par la superficie totale », explique Jérôme Michel. Facile. Mais cette répartition peut devenir plus compliquée lorsque différentes cultures ou ateliers sont présents sur l’exploitation. Quelques rares agriculteurs notent les heures de travail effectuées dans chaque parcelle. « Une mauvaise répartition de ces charges peut faire dévier le prix de revient dans un sens ou dans un autre si l’agriculteur ne les ventile pas bien », prévient Caroline Mordacq, conseillère d’entreprises à l’AFA (Association de fiscalité agricole) du Pas-de-Calais. Pour donner un ordre d’idée, elle conseille d'associer les charges spécifiques aux cultures correspondantes. « Les charges du semoir à betteraves doivent être incluses dans le coût de production de betteraves », illustre-t-elle. Mais qu’en est-il des charges de mécanisation communes à toutes les cultures, comme celles liées au tracteur ou aux bennes par exemple ? Là aussi, elle a sa petite idée, « on peut les répartir selon la surface pour les cultures de céréales, betteraves et pois de conserve. Mais pour des cultures plus spécifiques, comme la pomme de terre, ces charges doivent être doublées. Par exemple, un tracteur dont la charge de mécanisation est évaluée à 10 000 euros, à surface égale, 3 333 euros seront dédiés aux céréales et 6 666 euros aux pommes de terre ». Cette répartition prend en compte le temps consacré mais aussi l’entretien, le carburant et l’usure, plus conséquents pour cette culture.

Du coût de production au prix de revient

Une fois le coût de production défini, on y ajoute le montant de la rémunération du travail de l’exploitant et des capitaux propres au prorata des surfaces, pour obtenir le prix de revient. « Dans notre département, la rémunération forfaitaire est de 17 380 euros/UTH/an (hors charges sociales) mais cela varie selon les régions. Quant à la rémunération des capitaux propres, on imagine que l’agriculteur vend tous ses capitaux immobilisés et place l’argent à la banque à un taux de 3 % », précise le conseiller Cerfrance. En déduisant les aides PAC, on obtient donc le prix de revient après aides. « Le but de ce calcul est de connaître le prix de vente pour permettre à l’agriculteur de couvrir toutes ses charges. On utilise le bilan pour le calculer, c’est une approche financière », explique Jérôme Michel.

Intégrer une marge de sécurité

Les centres de gestion proposent aussi une autre approche basée sur la trésorerie de l’exploitation, le prix d’équilibre. Dans ce calcul, il faut remplacer les amortissements intégrés dans les charges de structure par le remboursement du capital emprunté. Ce montant est réparti de la même manière que les charges structurelles. « Dès que l’on ajoute les amortissements, on fausse tout », remarque Caroline Mordacq. Mais Jérôme Michel rappelle, « attention, le remboursement des capitaux, ce ne sont pas les annuités, puisque dans celles-ci sont intégrés les frais financiers, déjà comptabilisés dans les charges de structures ». De la même façon, il faut remplacer la rémunération du travail, qui est une estimation, par les prélèvements privés réels. Ainsi l’agriculteur obtient son prix d’équilibre. « C’est également le prix minimum auquel il doit vendre sa production afin de couvrir ses dépenses. S’il vend plus cher, c’est du bonus », explique Jérôme Michel. À l’AFA du Pas-de-Calais, les conseillers poussent le raisonnement un peu plus loin, en intégrant une marge de sécurité dans leurs calculs. Appelé « besoin en trésorerie », cette somme représente 5 % du produit brut de la culture que l’on envisage. En l’ajoutant au prix d’équilibre, l’agriculteur obtient alors son seuil de commercialisation. « En grossissant le prix d’équilibre, il est assuré en cas de futurs imprévus », explique Caroline Mordacq.

En prévisionnel ou après la récolte

Le calcul de ces prix peut se faire à tout moment, en prévisionnel ou après la récolte. « Lorsqu’un nouveau contrat est proposé, il peut être intéressant de calculer le prix de revient de la production afin de savoir si l’agriculteur pourra se rémunérer à la hauteur de ses espérances », illustre Caroline Mordacq. Lors de ces calculs, la conseillère préconise d’utiliser les derniers documents comptables pour déterminer les charges, si le montant n’est pas connu. « Les engrais sont souvent commandés à l’avance, donc leur prix est connu. On sait aussi que le prix des produits phytosanitaires augmente de 5 % chaque année… Mais surtout, en cas de nouveaux investissements, il faut penser à ajuster les charges de structures », ajoute-t-elle. Car ce sont bien ces charges qui, dans un cas comme dans l'autre, sont déterminantes dans le calcul du prix de revient.

Des prix de revient très personnels

« Il est dangereux de reporter les charges des autres exploitations dans ses calculs. Chacun à des emprunts, des besoins privés et des amortissements différents », martèle Jérôme Michel. Il ajoute qu’il sera d’autant plus faux si l’exploitation est en rythme de croisière ou si l’agriculteur est en début ou fin de carrière. Ce sont pour ces raisons que les deux conseillers de gestion s’accordent à dire qu’il est difficile de comparer les prix de revient entre chaque exploitation.

Calculer le prix de revient mais pas que…

Manu Évalue, agriculteur dans la Haute-Marne cultive 145 hectares de céréales.

Il a décidé de calculer son prix de revient afin de mieux vendre son blé.

En 2015, sa surface destinée au blé était de 58 hectares et le rendement s’élevait à 7,3 tonnes/hectare.

Il effectue le calcul suivant :

  • Tableau 1

    Le prix de revient s’élève donc à 158,53 euros/tonne. Cependant, déterminer ses amortissements n’a pas été chose aisée. Il choisit donc d’utiliser le montant des capitaux à rembourser que sa banque lui a fourni au lieu des amortissements. Il obtient donc ce prix d’équilibre :

  • Tableau 2

    Toutefois, Manu aimerait mettre un peu d’argent de côté, en cas d’imprévu. Avec le conseil de son comptable, il choisit d’affecter 5 % de sa production brute, au prix d’équilibre. Il estime le prix de vente de son blé à 150 euros/tonne soit 5 % x (150 x 58 x 7,3) = 3 175 euros. Il ajoute donc cette somme.

    - Tableau 3

    Son seuil de commercialisation atteint 149 euros/tonne.

    C’est donc le prix minimum auquel Manu doit vendre son blé s’il veut couvrir ses charges et anticiper les aléas.

    Exemple réalisé avec Jérôme Michel, conseiller Cerfrance à Chaumont.Base 2015 en raison du caractère exceptionnel de la récolte 2016.

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