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Exploitations céréalières
Dans la Marne, une diversification réussie dans les légumes

Depuis 1995, François Collart développe son exploitation par une diversification dans les productions légumières en lien avec deux exploitations voisines.


Mi-mai à Suippes, dans la Marne, en milieu de matinée. Sur son exploitation, François Collart attend un camion en provenance d´Angleterre. Celui-ci vient charger vingt-cinq tonnes de betteraves rouges stockées depuis l´automne dernier. « Cette année nous en avons fait quatre hectares. Nous les vendons sous contrat, en direct avec deux usines de cuisson et d´emballage sous vide, l´une située dans le Loiret, l´autre en Angleterre », explique ce jeune agriculteur. François Collart cultive aussi douze hectares de carottes pour l´industrie, et douze de pommes de terre de consommation.
Depuis son installation derrière son père en septembre 1995, l´assolement des 113 hectares de l´exploitation s´est enrichi. A l´époque, la ferme ressemblait à celles assez diversifiées mais classiques de ce secteur de la Marne : blé, orge de brasserie, luzerne, betterave sucrière et pomme de terre fécule.

Disposant d´une surface moyenne, François Collart suit avec deux Gaec voisins une stratégie d´anticipation : contrôler commercialement une large part de son chiffre d´affaires, prendre de l´indépendance vis-à-vis des primes Pac et jouer la dynamique du regroupement. « Dans la région, nous disposons de terres précoces et plutôt faciles à travailler, en particulier au printemps. Et nous trouvons facilement de l´eau pour irriguer. » Atouts de taille, certes, mais insuffisants en l´absence de débouchés.
Avec ses collègues François Collart les a trouvé au fil des ans en sachant saisir des opportunités et en adoptant une attitude de veille constante. « Mon père travaillait déjà avec mes voisins pour partager le matériel spécifique à la fécule. Certains d´entre-eux pouvant irriguer produisaient déjà des pommes de terre de consommation. En 1998, j´ai pu faire avec eux un échange de parcelle irrigable pour démarrer. »
Ensuite, au sein du groupe, « certains ont étudié la carotte et j´ai démarré avec eux en 1999, sans irrigation, sur quatre hectares. Nous avions obtenu un contrat en Belgique avec une usine de surgelé ».
Un CTE signé avec embauche d´un salarié
En 2000, il fait creuser un puits pour irriguer cinquante hectares de son parcellaire, monte un CTE de 46 200 euros (305 000 francs) sur cinq ans (le onzième signé dans la Marne) et embauche un salarié. Son projet : développer la pomme de terre et les carottes. Le volet économique du CTE comprend l´aménagement de bâtiments de stockage (isolation, ventilation), l´achat de parts dans une nouvelle arracheuse de pommes de terre et l´embauche de son salarié. Sur le volet environnemental, le CTE encadre l´engagement dans l´agriculture raisonnée.
En 2001, on lui propose un contrat pour douze hectares de betteraves rouges qu´il partage avec ses voisins. « Nous entendions parler de modulation et de baisse probable des primes sur la fécule. Nous cherchions une production alternative. »

La réussite de ces agriculteurs repose sur leur préoccupation pour la commercialisation, la recherche de nouveaux débouchés et une organisation poussée. Aujourd´hui, ils réfléchissent à son évolution. « Nous avons engagé une réflexion sur l´assolement commun. Il permettrait de constituer des parcelles plus grandes en pommes de terre et carottes. Ce serait plus rationnel pour les traitements et l´irrigation. »
Chez François Collart, la Scop ne représente qu´une petite moitié de l´assolement. Elle n´est pas négligée pour autant. « Toutes mes céréales sont contractualisées avec Champagne Céréales : blé de semences, blé meunier de qualité et orges de brasserie sous chartes Irtac-Arvalis, et tracés. »
En 1997, les primes Scop représentaient chez François Collart 190 000 francs. Aujourd´hui elles ont diminué à 150 000 francs. Les productions légumières génèrent les deux tiers de son chiffre d´affaires. Le découplage n´a pas altéré ses choix. « Cette évolution ne reconnaît pas vraiment notre travail d´adaptation. Mais nous avons une bonne dynamique de groupe et pensons avoir acquis une longueur d´avance pour pérenniser nos structures », souligne-t-il.
©E. Baratte


L´organisation à plusieurs : clé de la réussite
« Dans une exploitation céréalière diversifiée, le principal souci tient à l´organisation. Il faut gérer de gros besoins de main-d´oeuvre. » Tout le matériel nécessaire à la diversification est commun au trois exploitations et par voie de conséquence l´organisation des chantiers.
Par rapport à un système céréalier classique, il n´y a plus de périodes creuses. « Il devient par exemple, difficile d´être présent dans les réunions techniques, les assemblées générales qui se tiennent en hiver », témoigne François Collart. Les périodes propices à la remise en état du matériel, fortement sollicité, sont également minces.

Autre difficulté, gérer le temps agronomiquement disponible. De nombreux chantiers tombent à la même période.
« C´est la course à l´automne avec les arrachages. C´est la course au printemps pour semer toutes les cultures à temps », résume François Collart aux yeux duquel la moisson est devenue une période de relatif répit. Même « en dépit de l´irrigation dont il faut assurer le roulement une semaine sur trois ». Les trois exploitations ont mis en commun leurs ressources en eau. « Avec mon puits j´irrigue 50 hectares chez moi et 30 hectares plus 12 chez mes voisins. Eux-mêmes me fournissent l´eau pour une partie de mes parcelles ce qui rend 80 % de ma SAU irrigable. »
A l´automne, l´objectif est d´achever tous les semis de blé avant le 15 octobre, de sorte « d´être tranquilles pour récolter les légumes. C´est aussi pourquoi il y une forte proportion d´orges de printemps dans nos assolements. Derrière les carottes, qui sont récoltées en dernier, la terre est souvent matraquée. Mieux vaut passer le décompacteur et laisser passer l´hiver ».

Les chantiers d´arrachage s´étalent du premier septembre à début décembre pour 34 hectares de pommes de terre, 36 de carottes et 12 de betteraves rouges sans compter les fécules et les betteraves sucrières. Une première équipe assure le matin de 7 heures à 13 heures. Une seconde l´après-midi. « Nous sommes trois chefs d´exploitation, trois salariés permanents et huit saisonniers. L´organisation par équipe nous permet de semer du blé ou des orges, y compris les jours d´arrachage. Nos sols crayeux nous permettent de semer sans labour et en un seul passage avec un croskill à l´avant, herse rotative et semoir. En revanche, le labour est indispensable pour les cultures de printemps. »

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