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Exploitations céréalières
Dans la course à la taille critique

Pour rester compétitives, les exploitations céréalières françaises devront s´attaquer de front aux postes mécanisation et main-d´oeuvre.


Plus de la moitié des céréaliers pensent qu´ils devront prioritairement s´agrandir pour rester compétitifs. Près d´un tiers envisagent un regroupement avec d´autres agriculteurs pour toutes les activités de leur exploitation. Mais ils sont autant à penser que ces deux voies sont des actions parmi les plus difficiles à mettre en oeuvre pour faire face à l´avenir. Trouver de nouvelles surfaces n´a jamais été chose aisée et les démarches du type assolement commun impliquent de profondes remises en causes. Dans ce domaine, les expériences déjà menées montrent qu´il y a là de fortes marges de manoeuvre. Le regroupement se traduit par une forte compression des charges de structure et, en général, réduit sensiblement la charge de travail de chacun. Mais les assolements partagés ne transforment-ils pas certains membres des groupes « en agriculteurs virtuels qui devront à terme partir ailleurs ? »
« L´exploitation céréalière, demain » était le thème d´un des carrefours du congrès de l´AGPB de Toulouse des 18 et 19 juin. Le débat s´est appuyé sur les résultats d´une enquête postale adressée à 22 800 céréaliers dont 2600 retours ont pu être exploités.

Il s´en dégage les deux principales tendances évoquées précédemment qui sont l´écho d´une grande lucidité. Bien que les céréaliers interrogés se déclarent à 90 % encore passionnés par ce métier, les résultats de cette enquête montrent « la réalité de la montée en puissance des sources de revenu complémentaires », soulignait Jean-Pierre Langlois-Berthelot, secrétaire général adjoint de l´AGPB, en ouvrant la discussion. Par le biais des conjoints d´abord ; pour près des deux tiers, ces derniers travaillent à l´extérieur. Mais également par une activité rémunérée extérieure du chef d´exploitation lui-même qui concerne déjà 15 % d´entre-eux. Et ils sont 42 % à évoquer cette voie comme stratégie prioritaire pour l´avenir. « Est-ce le reflet d´un certain pessimisme, de l´existence de temps disponible, d´une volonté de diversifier les risques pour rester compétitif ? », interroge Gil Kressman, directeur associé de Soprano-Agro, l´agence qui a réalisé l´enquête.
©D. R.


Les réponses de la salle ont apporté un éclairage. Celle-ci a déploré la course perpétuelle à l´agrandissement infligée par la baisse régulière des prix et le recul de la rentabilité des exploitations. Une évolution résumée ainsi par plusieurs des participants : « Chacun sait que son exploitation, dans sa taille actuelle, est condamnée à un terme plus ou moins rapproché car la productivité progresse constamment. Nos exploitations disparaissent les unes après les autres. Nous baissons nos charges mais nous devrions réagir davantage sur les prix et le revenu. La productivité n´est pas une fin en soi ». Pourtant, peut-on vraiment ignorer sa progression et ses conséquences sur l´emploi agricole ?

« Dans les années 1970, l´exploitation de grandes cultures type de ma région c´était 80 hectares avec un salarié. Aujourd´hui, 80 hectares occupent un mi-temps. Pouvions-nous faire accepter au reste de la société que quelqu´un occupé à mi-temps sur une exploitation céréalière ait un revenu équivalent à quelqu´un travaillant à plein temps dans d´autres secteurs ? L´économie évolue et ne pas évoluer avec elle est suicidaire », a voulu rappeler pour sa part Joël Cottard, président de la commission baisse des charges de l´AGPB. Ce dernier, qui travaille en assolement commun depuis 1994, a souligné par ailleurs que l´exploitation céréalière spécialisée qui s´est développée dans les années 1980 est « un modèle récent » d´exploitation individuelle non voué à rester figé. Ce que reflètent les réponses de l´enquête. Les deux tiers des céréaliers se sont associés pour utiliser du matériel en commun, 60 % indiquent vendre leurs productions sous contrats, 36 % ont développé de nouvelles productions, 28 % se sont regroupés pour l´achat d´agrofournitures, 11 % ont développé des activités de transformation ou de vente. Plus de la moitié indique avoir adopté de nouvelles techniques de production.
Mécanisation et main d´oeuvre sont les premiers postes.

Au-delà de la rentabilité, rester compétitif
Hélas, avec une Pac de moins en moins protectrice, chacun constate les limites de la maîtrise des intrants comme celles de la contractualisation dont les retours de valeur ajoutée restent bien maigres. « Tous les marchés sont âprement bagarrés », insiste Guy Lemaître du service études économiques d´Arvalis. « Au-delà de la rentabilité, la notion de compétitivité s´impose à tous. Les intrants ne représentent plus que 20 % à 30 % du coût complet d´une tonne de blé. On ne peut plus délaisser les 70 % restants qui concernent majoritairement la mécanisation et la main-d´oeuvre », poursuit-il. S´impose donc, probablement avec davantage d´acuité que jusqu´alors, la nécessité d´atteindre la taille critique pour rester dans la course. Les alternatives à l´agrandissement classique dont le corollaire est une chute rapide du nombre d´agriculteurs et une forte pression sur les prix du foncier ne sont pas nombreuses.

Soit on se regroupe (Cuma intégrale, assolement commun), soit on se positionne sur des marchés plus locaux susceptibles de laisser davantage de valeur ajoutée au producteur (ventes directes, filières courtes, nouvelles productions, tourisme.), soit on cherche des sources de revenu extérieures à l´agriculture. Sur ce volet, les 2 derniers intervenants de ce carrefour ont suscité des réactions mitigées dans la salle.

Le premier, Robert Maleville, consultant en stratégie d´entreprise et management est venu dire que les céréaliers ont des profils de chefs d´entreprises. « Leurs compétences et comportements sont valorisables dans d´autres secteurs d´activité. Ils dirigent des entreprises de production et de commercialisation sur un marché particulier : le marché agricole. Mais tous les marchés sont particuliers », ajoute-t-il. Le second, Bruno Rollin, a témoigné de son expérience. Il est agriculteur, a créé une entreprise de service et exerce une activité de consultant en ressources humaines. Pour lui, « il faut garder la capacité de positiver et refuser les états d´âmes ». Si certains congressistes ont exprimé leur malaise face à l´exposé de telles options dans le cadre du congrès de l´AGPB, il reste que le tabou de la pluriactivité tombe peu à peu. C´est la voie que choisissent ceux qui, en dépit d´une exploitation suffisamment grande, refusent de quitter définitivement la terre. Il devient urgent que le cadre juridique, fiscal et social facilitant les regroupements et ces nouvelles formes d´agriculture voient le jour.

L´enquête réalisée par l´agence Soprano-Agro à la demande de l´AGPB a connu un large écho auprès des céréaliers. Les 22 800 questionnaires ont été envoyés par La Poste auprès de céréaliers de 51 départements. Avec 3000 réponses, le taux de retour atteint 10 % ce qui confère « une représentativité statistique fiable des céréaliers », affirme Gil Kressman, de Soprano. L´âge moyen des agriculteurs ayant répondu est de 44 ans. Les résultats de cette enquête montrent une opinion plutôt favorable des céréaliers vis-à-vis des attentes de qualité et de sécurité alimentaire des consommateurs. En revanche, aux yeux d´une très large majorité, l´environnement économique est de plus en plus menaçant : pression de la réglementation environnementale (70 %), élargissement de l´UE (84 %), concentration des firmes de l´agro-fourniture (87 %) et bien entendu réforme de la Pac (91 %). Ils sont sceptiques pour 65 % d´entre-eux quant à la rémunération par la société d´autres fonctions de l´agriculture.

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