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Chanvre : une culture aux multiples débouchés et aux vertus agronomiques intéressantes

Le dynamisme de la filière chanvre se caractérise par des surfaces qui ne cessent d’augmenter. Un succès qui s’explique par les atouts agronomiques de la culture et ses débouchés dans différents secteurs.

Paysage champs de chanvre
Le chanvre est une culture aux atouts agronomiques considérables et aux débouchés multiples.
© InterChanvre

Le chanvre serait-il la nouvelle égérie de l’agroécologie en France ? Avec des débouchés qui se déclinent à l’infini, l’avenir agricole du chanvre ne fait aucun doute. Pour autant, du point de vue des agriculteurs, pas question de se lancer à l’aveuglette dans cette culture prometteuse car des spécificités techniques sont à prendre en compte.

En France, premier pays producteur européen, la culture du chanvre progresse fortement depuis quelques années, avec des surfaces multipliées par trois en dix ans, soit 22 000 hectares cultivés, chiffre Nathalie Fichaux, directrice d’InterChanvre (interprofession du chanvre). Il faut dire que cette plante de la famille des cannabacées intéresse de nombreux secteurs économiques et devrait poursuivre son ascension, avec un possible doublement des surfaces d’ici cinq ans, selon les projections d’InterChanvre.

Chènevis ou paille : des débouchés multiples

Pour bien comprendre les différents débouchés qu’offre le chanvre, il faut au préalable décortiquer la plante. Cette dernière se compose de la graine, nommée chènevis, et de la paille, elle-même composée de la fibre et de la chènevotte (partie boisée). Le chènevis est amené à se développer dans l’alimentation humaine, grâce à ses apports en protéines végétales sans allergènes connus. Il est également valorisé dans les domaines de la cosmétique, de l’oisellerie et de la pêche.

Les fibres sont utilisées pour le papier, le textile, la plasturgie, l’industrie automobile ou encore l’isolation des bâtiments. « Grand Paris Aménagement prévoit d’intégrer le chanvre dans ses futures constructions, en préfabriqué ou en isolant, ce qui représente 2,5 millions de mètres carrés. », illustre Nathalie Fichaux. La coopérative Natup soulève l’intérêt du chanvre pour l’industrie automobile, pour l’isolation des portières. Concernant le textile, le marché est prometteur d’après les estimations d’Antoine Moussié, directeur général de la Chanvrière (la plus ancienne coopérative de France de cette filière située dans l’Aube) grâce à la production vertueuse du chanvre par rapport au coton.

La chènevotte est, quant à elle, plébiscitée dans le paillage et la litière pour les animaux et dans la construction rénovation au travers du béton de chanvre. Compte tenu de ses diverses sources de valorisation, le chanvre s’inscrit donc dans une dynamique portée par différents acteurs économiques.

Une filière sécurisée par des contrats

S’il est envisageable de cultiver du chanvre pour en valoriser la graine en circuit court de manière indépendante, bon nombre d’agriculteurs optent néanmoins pour la souscription de contrats, par exemple avec des chanvrières. Ces structures, souvent coopératives, sont des interfaces entre les différents maillons, de la production à la consommation. Elles peuvent être des points de repère pour les cultivateurs intéressés par le principe de filière intégrée.

Les chanvrières vont s’assurer des débouchés et transformer la plante en conséquence. « Quand les agriculteurs contractualisent avec une chanvrière, ils sont généralement dans un périmètre de 120 kilomètres maximum autour de celle-ci », rapporte Joël Lagneau, attaché de direction chez InterChanvre. Cette distance est fondamentale, et pas seulement pour des raisons écologiques.

D’un point de vue logistique, les chanvrières peuvent s’appuyer sur les capacités de stockage à la ferme. « On s’approvisionne en ballots de paille au fur et à mesure chez les agriculteurs qui doivent donc pouvoir stocker la production pendant maximum un an », indique Émeline Beun, ingénieure agronome chez Gatichanvre. Cette chanvrière située dans l’Essonne va prochainement redémarrer son activité après sa reprise par la société Plantes et Fruits, avec 600 à 700 hectares pour la campagne 2023.

Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des annonces de recherche de surfaces pour développer le chanvre sur un territoire donné. Dans la Sarthe, la société Qairos Énergies affiche des besoins de l’ordre de 1 500 hectares. « Nous utilisons le chanvre pour produire du gaz de synthèse qui est valorisé en hydrogène et en méthane », explique Kévin Collet, directeur général de la start-up.

Une marge brute de 800 à 1 000 euros l'hectare en conventionnel

Pour faire sa place dans les assolements aux côtés des grandes cultures traditionnelles, le chanvre doit être rémunérateur. « En conventionnel, on est sur une marge brute de 800 à 1 000 euros l'hectare. En bio, avec un même itinéraire cultural hors fertilisation, on est sur du 1 500 à 1 700 euros l'hectare », précise Guillaume Laizé, animateur au sein de l’association des producteurs de chanvre de Normandie. Sur ce volet économique, InterChanvre se mobilise pour faire reconnaître le potentiel de captation du carbone par le chanvre, qui mériterait d’être valorisé financièrement.

D’un point de vue agronomique, cultiver du chanvre représente un bon moyen de diversifier son assolement avec une plante qui se conduit sans irrigation, sans phyto, « nettoyante pour les sols » selon les propos d’Émeline Beun, qui offre des gains de rendement à la culture suivante (8 à 10 % sur le blé) et qui requiert très peu de travail du sol.

De quoi répondre aux exigences de la nouvelle politique agricole commune sur la diversification des assolements. Cette culture à bas niveau d’intrants constitue aussi une aubaine pour les bassins de captage en eau potable. « Le chanvre présente une structuration de filière équilibrée, de proximité, qui s’inscrit bien dans les principes de l’agroécologie », se félicite Ludovic Genet, de l’agence de l’eau Seine Normandie, qui soutient financièrement les investissements portant sur des filières agricoles à bas niveau d’intrants.

Faire preuve de technicité pour la récolte

Pour les agriculteurs, une question se pose : quels sont les prérequis pour se lancer dans le chanvre ? Tout d’abord, l’un des critères est de disposer d’une capacité de stockage pour la paille (une quinzaine de balles carrées par hectare selon les estimations de Gatichanvre). Une certaine technicité est également nécessaire pour les semis mais surtout pour la récolte. « Il faut bien la préparer en amont car ça peut être un peu sportif, surtout quand on n’est pas formé », conseille Guillaume Laizé. L’association de producteurs qu’il anime s’est d’ailleurs emparée du sujet en organisant des journées techniques, et des tours de plaine l’été, destinés aux producteurs et aux entrepreneurs.

Sécher le chènevis, selon les débouchés, suppose en outre de disposer du matériel nécessaire. Mais certaines chanvrières peuvent remédier au problème en gérant elles-mêmes cette opération.

 

Quid du supposé marché florissant du CBD ?

L’autorisation définitive accordée par le Conseil d’État le 29 décembre dernier permet désormais de vendre les fleurs et feuilles de chanvre cannabidiol (CBD) produites en France. Le CBD n’est pas un traitement médical à base de cannabis, il comprend moins de 0,3 % de THC (molécules aux effets psychotropes). Il est accessible en vente libre, peut se décliner en infusion, huile, gélules… Il est recherché par les consommateurs désireux de lutter contre les insomnies, le stress, les douleurs chroniques, ou encore les spasmes. Ce nouveau marché du CBD made in France n’est pourtant pas aussi porteur et rémunérateur qu’on pourrait le croire. Nathalie Fichaux, d’InterChanvre, met en garde les néoproducteurs de CBD qui doivent s’assurer de débouchés réels des fleurs pour éviter de se retrouver avec leur production sur les bras. Le prix au kilo serait en outre passé de 6 000 euros à 600 euros en quatre ans.

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