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Equipement de stockage individuel
Bien appréhender son projet de stockage à la ferme

Gagner en confort de travail au moment de la récolte puis en autonomie commerciale, telles sont les motivations des agriculteurs qui se lancent dans le stockage à la ferme. Mais stocker est un métier en soit qui nécessite de bien appréhender son projet d’équipements, afin d’éviter des erreurs qui affecteraient la qualité des grains. Experts et agriculteurs livrent leurs conseils et leur démarche.

Quand un céréalier devient stockeur, il embrasse un nouveau métier. C’est énormément de travail, du temps mais surtout de la technicité qu’il faut acquérir. » André Le Bras, responsable stockage et conservation chez Arvalis a une longue expérience du sujet et met en garde les futurs candidats au stockage. Il conseille de s’y lancer de façon progres- sive, de prendre le temps de « se frotter » à la technique, avec du stockage à plat et une ventilation en conservant le grain sur quelques mois, avant d’investir dans une installation conséquente. « Le premier fléau étant les insectes, des erreurs d’équipement concernant la ventilation peuvent conduire à de grosses difficultés et à une absence de maîtrise de la qualité du grain, au point de dégoûter l’agriculteur du stockage à la ferme, alors qu’elles auraient pu être évitées », poursuit le spécialiste d’Arvalis. Mais il est vrai que les agricul- teurs n’ont pas beaucoup de conseillers vers qui se tourner quand ils veulent se lancer dans l’auto-construction, ce qui est souvent le cas pour le stockage à plat.


Avant de concevoir une installation de stockage, il convient de se poser un certain nombre de questions : quantité de grains, nombre d’espèces et nombre de variétés à stocker ; place disponible pour le stockage ; présence ou non d’un bâtiment existant ; nature du sol et du sous-sol ; budget disponible... « Dans nos forma- tions sur le stockage, un quart des agri- culteurs présents ne sont pas encore stockeurs et viennent pour finaliser leur projet d’équipement. C’est un bon moyen pour profiter de l’expérience des autres agriculteurs et pour ne rien omettre », poursuit André Le Bras. Trois grands types de stockage sont possibles : à plat, en cellules couvertes à l’ex- térieur et en cellules sous un bâtiment. Selon Arvalis, l’écart d’investissement entre un stockage à plat et un stockage en cellule est de l’ordre du simple au double.


LE STOCKAGE À PLAT est le plus facile à mettre en œuvre. C’est aussi celui qui coûte le moins cher, surtout lorsque le bâtiment est existant. « En revanche, il n’est pas toujours facile de faire de l’al- lotement en stockage à plat car il faut constituer des cases à quatre parois,souligne André Le Bras. Souvent les agriculteurs négligent la quatrième paroi. Or le bord du tas est fuyant. Du coup, ils ne peuvent pas araser régulièrement le tas pour qu’il ait une hauteur homogène, ce qui l’empêche d’être ventilé convenablement. » Qu’on se le dise : le stockage à plat engendre beaucoup de manuten- tions, non automatisables. Pour le spécialiste, ce qui pêche souvent dans la réflexion sur le stockage à plat, c’est le mode de ventilation. Trois solutions sont possibles : par gaines posées sur le sol, par caniveaux enterrés et recouverts de lames perforées ou par tubes verticaux. « Les agriculteurs ne prévoient pas suffisamment tôt le réseau de distribution d’air de refroidissement. Ils montent leur bâtiment et ensuite ils nous appellent, mais c’est trop tard ! » La mise en place de gaines des stockages sous forme de caniveaux enterrés est un réel avantage car elle facilite grandement la manutention, mais elle alourdie la note de génie civile. L’écartement entre les gaines dépendra de la hauteur du tas mais aussi de l’empattement du chouleur. Autre contrainte : la protection contre les oiseaux par la pose de filets ou de gril- lages est complexe, tout comme la lutte contre les rongeurs. Pour limiter les remontées capillaires de l’humidité par les parois des murs, il est possible de poser un film plastique en pied de ces derniers ou d’ap- pliquer un enduit hydrofuge dit « alimen- taire ».


LE STOCKAGE EN CELLULE présente l’avantage d’avoir un système de manutention automatisé qui réceptionne pendant que la moissonneuse travaille. Mais cela a un coût puisqu’il faut investir dans un éléva- teur, des bandes transporteuses... Il s’agit d’accorder le débit de manutention au débit de chantier à la moisson, en trou- vant un juste milieu entre performances et coût d’équipement. « Dans la majorité des installations récentes, le débit retenu est de 50 tonnes à l’heure, souligne Damien Touraine, installateur d’équipements de stockage. Il descend à 25-30 tonnes avec un nettoyeur. Il est rarement nécessaire d’aller au-delà. Une installation à 100 tonnes par heure ne coûtera pas beaucoup plus cher à l’achat, mais va engendrer des surcoûts non négligea- bles en électricité et en entretien. Il est plus judicieux de prévoir une fosse de réception conséquente. » Celle-ci doit avoir 1 à 1,5 fois la capacité de la plus grosse benne présente sur l’exploitation. La fosse sera enterrée, à condition de se trouver sur un terrain sain. « Aucun béton n’est totalement étanche dans la durée. Il est primordial de bien analyser la qualité du sol et du sous-sol avant d’installer un stockage. S’il y a un risque d’humidité, il ne faut rien enterrer », considère le spécia- liste d’Arvalis. Dans ce cas, il est préfé- rable d’investir dans une trémie de la largeur de la remorque et d’une vis sans fin. Avec le stockage en cellules, l’allotement et la ventilation font parties intégrantes d’un tel projet d’équipement et seront mûrement réfléchis avec le construc- teur qui posera généralement les bonnes questions à l’agriculteur.


LES CELLULES EXTÉRIEURES en tôle ondulée avec toitures sont, actuellement, les plus en vogue pour des raisons de coût car elles nécessitent moins de génie civil et elles sont plus faciles à installer. Mais, étant soumise aux intempéries, l’instal- lation va vieillir plus rapidement. « Comptez une durée de vie de 25 ans pour des cellules extérieures contre 40 à 45 ans pour des cellules protégées par un bâtiment », souligne André Le Bras. « L’eau est le pire ennemi du stockage, insiste Damien Touraine. En cellule extérieure, on peut avoir des problèmes de condensation, de germination ou de bour- rage lors de la manutention. Si on a un bâtiment disponible sur l’exploitation, cela vaut le coup de réfléchir à l’utiliser pour le stockage. » Un avantage en faveur des cellules extérieures : la possibilité de faire évoluer l’installation en ajoutant une ou plusieurs cellules sur la même ligne. À condition de le prévoir au départ en laissant un espace libre. Créer une installation de stockage à la ferme, c’est se projeter sur le long terme.

AVIS D'EXPERT

Damien Touraine, à la tête de MTE, spécialiste en équipements fixes agricoles.

« Les bonnes questions à se poser avant de se lancer dans un investissement »

«• Quel type de grains veut stocker l’agriculteur ? Par exemple le stockage du maïs impose un séchoir.
• Quel est le nombre de lots à stocker ? Ce n’est pas pareil de stocker une fois 1 000 quintaux et dix fois 100 quintaux. • Quelles sont les installations existantes : y a-t-il déjà un bâtiment ou de la maçonnerie ?
• Les contraintes du terrain : y a-t-il des problèmes d’hydromorphie et à quelle profondeur peut-on creuser ?
• Quel est le budget global à consacrer ?
• Comment sera assurée la ventilation de refroidissement ?
• L’agriculteur veut-il ou non nettoyer le grain, ou le dépoussiérer ? Un nettoyage ou un dépoussiérage est un moyen efficace de lutte contre les insectes. Un dépoussiérage grâce à un cyclone laisse les grains cassés et les gros déchets. Un nettoyeur réalise un travail plus efficace (calibrage, préparation des semences). Ce complément d’installation nécessite un budget de 30 à 35 000 euros (nettoyeur + deuxième élévateur + plateforme + grilles + benne à déchets...). Dans tous les cas, il faut prévoir un espace pour le nettoyeur.
• Comment sera organisée l’expédition des grains ? En stockage en cellules, deux solutions sont possibles : une manutention à gros débit de reprise avec une présence humaine tout au long du remplissage du camion, ou bien une manutention à faible débit et un boisseau d’expédition. Malgré l’achat supplémentaire du boisseau, si le nombre de manutentions à prévoir sur l’en- semble de l’installation est important, la solution boisseau est plus économique.
• Bien réfléchir aux sécurités électriques et aux asservissements électriques. Ils peuvent permettre de réduire considérablement le temps de surveillance à passer au pied des installations.
• Faire en sorte que l’installation soit évolutive.
• Prendre en compte les délais administratifs dans le compte à rebours entre le démarrage du projet et sa finalisation. Pour obtenir un permis de construire, il faut deux à trois mois ; pour un rendez-vous avec ERDF, comptez six mois. Bref, si vous voulez stocker vous-même votre récolte 2012, il faut vous y prendre dès septembre 2011. »

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