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« Annie Genevard gère les affaires courantes » : mais que peut faire la ministre démissionnaire de l’Agriculture?

Quelles décisions peut prendre la ministre démissionnaire de l’Agriculture ? Quels déplacements peut-elle faire dans le cadre d’un gouvernement des affaires courantes ? Reussir.fr fait le point. 

Annie Genevard, ministre démissionnaire de l’Agriculture, lors d’un débat sur le stand du Cniel le 16 septembre 2025 au Space 2025 à Rennes.
Annie Genevard, ministre démissionnaire de l’Agriculture, lors d’un débat sur le stand du Cniel le 16 septembre 2025 au Space 2025 à Rennes.
© Gabriel Omnès

 

« Pourriez-vous nous dire si Annie Genevard se rendra au Sommet de l’élevage à Cournon ? » Réponse : « Non, nous sommes en affaires courantes ». Voilà le genre de messages que s’échangent en ce moment les journalistes spécialisés en agriculture et les membres du cabinet de la ministre démissionnaire sur une boucle WhatsApp. 

Des échanges de ce type qui durent depuis plusieurs semaines et ne devraient pas s’arrêter demain.

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Que peut faire un gouvernement démissionnaire ?

« Un gouvernement démissionnaire ne dispose plus des prérogatives d’un gouvernement de plein exercice » comme le rappelle un rapport d’information parlementaire datant de fin 2024. En France, l’usage républicain vaut selon lequel « un gouvernement démissionnaire reste en place, tant qu’il n’est pas remplacé par un nouveau gouvernement pour assurer, au nom de la continuité, le fonctionnement minimal de l’Etat », précise une note du 2 juillet 2024 de la secrétaire générale du gouvernement, Claire Landais, qui est garante de l’action gouvernementale à travers les changements politiques.

Inscrit dans le texte de la constitution de la IVe république, cet usage a été confirmé par le Conseil d’Etat qui a jugé, par l’arrêté Brocas du 19 octobre 1962, que « le gouvernement démissionnaire garde compétence jusqu’à ce que le Président de la République ait pourvu par une décision officielle à son remplacement, pour procéder à l’expédition des affaires courantes ». 

Lire aussi : La FNSEA appelle Macron à livrer enfin sa « vision » pour l’agriculture  

Qui gère les affaires courantes et pendant combien de temps ?

Si les durées d’expédition des affaires courantes sont habituellement courtes, elles tendent à se rallonger fortement depuis le second mandat d’Emmanuel Macron, le record étant pour l’heure détenu par le gouvernement démissionnaire Attal qui a assuré les affaires courantes durant 67 jours entre le 16 juillet et le 21 septembre 2024. C’est Marc Fesneau, alors ministre démissionnaire de l’Agriculture, qui assurait les affaires courantes rue de Varennes.

Depuis le 9 septembre dernier, Annie Genevard, ministre de l’Agriculture du gouvernement démissionnaire Bayrou, redevenue ministre moins de 24h entre le 5 et le 6 octobre, et désormais ministre de l’Agriculture du gouvernement démissionnaire Lecornu, assure les affaires courantes pour le secteur agricole.

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Qu’est-ce qui relève des affaires courantes ?

Mais quelles décisions Annie Genevard peut-elle prendre ? Comme le souligne, Paul Cassia, professeur de droit public à Paris I Panthéon Sorbonne, aucun texte réglementaire n’encadre « l’expédition des affaires courantes ». « Il s’agit d’une notion jurisprudentielle qui est évaluée au cas par cas », rappelle-t-il.

Il s’agit d’une notion jurisprudentielle qui est évaluée au cas par cas

Une notion qui recouvre deux catégories d’actes : « les affaires courantes par nature, ou affaires ordinaires » et « les affaires courantes par exception, ou affaires urgentes » explique-t-il. « Mais aucune ne doit relever de choix politiques », ajoute-t-il.

« Les affaires ordinaires » recouvrent des affaires « mécaniquement dictées par la marche normale de l’Etat ne nécessitant aucune appréciation de nature politique » et les « affaires urgentes » sont celles « dont l’adoption immédiate est dictée par une impérieuse nécessité », souligne la note de la secrétaire générale du gouvernement du 2 juillet 2024.

Cette notion reste « jurisprudentielle » puisque c’est au « juge administratif » s’il est saisi dans les deux mois après une décision prise par un gouvernement démissionnaire de confirmer si elle relève bien « des affaires courantes », souligne Paul Cassia.

Dans les faits jusqu’à présent peu de recours ont été engagés contre les actes de gouvernements démissionnaires. Ceci s’explique notamment par le fait qu’avant chaque publication d’un acte par le gouvernement démissionnaire, le secrétariat général du gouvernement en vérifie la validité et le Conseil d’Etat exerce un contrôle externe sur les textes les plus importants.

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Concrètement quelles décisions peut prendre Annie Genevard ?

« Les mesures face à une crise sanitaire peuvent rentrer dans les affaires urgentes dans la mesure où elles n’ont pas une incidence politique » souligne Paul Cassia. La ministre « ne pourrait en revanche par exemple pas autoriser un OGM », illustre-il.

Elle ne pourrait prendre que les décrets techniques, aucun n'impliquant un choix politique

Concernant les décrets d’application de loi précédemment votées comme la loi Duplomb ou la loi d’orientation, « elle ne pourrait prendre que les décrets techniques, aucun n'impliquant un choix politique » précise-t-il.

Dans sa note du 2 juillet la Secrétaire générale du gouvernement (SGG) Claire Landais précise ce qui est admis dans les affaires courantes au regard du passé :

  • Les mesures de nominations individuelles, à l’exception des nominations « les plus politiques sensibles telles que le seraient des nominations de directeurs d’administration centrale »
  • Par exception, les mesures réglementaires d’application d’une loi ou de transposition d’une directive (et a fortiori d’adaptation à un règlement européen) « chaque fois que la norme supérieure qui en commande l’édiction ne laisse qu’une faible marge d’appréciation au pouvoir réglementaire ».
  • Les mesures règlementaires destinées à prolonger l’application, à l’identique, d’un régime qui viendrait à expiration.

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Concernant les textes législatifs, le SGG recommande « une extrême prudence dans la sollicitation du Parlement en période d’affaires courantes ». Toutefois « on ne saurait catégoriquement l’exclure dans les deux cas suivants », souligne la secrétaire générale du gouvernement :

  • La nécessité de mesures financières urgentes
  • Prolonger au-delà de douze jours une déclaration d’état d’urgence.

Le dépôt d’autres projets de loi pourrait être justifié pour éviter la caducité d’une ordonnance ou réparer une inconstitutionnalité.

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Et où la ministre démissionnaire de l’Agriculture peut-elle se rendre ?

Concernant les déplacements et actions de communication, « dans le silence du droit positif, la doctrine gouvernementale élaborée par le secrétariat général du gouvernement (SGS) tend à limiter les déplacements qui ne s’inscrivent pas dans la conduite des affaires courantes », peut-on lire dans le rapport parlementaire de décembre 2024.

Limiter les déplacements qui ne s’inscrivent pas dans la conduite des affaires courantes

Annie Genevard qui, déjà démissionnaire, s’est rendue le 16 septembre 2025 au Space, pourrait-elle se rendre au Sommet de l’élevage cette semaine ? La doctrine gouvernementale « permet la participation de ministres à des évènements exceptionnels graves ou qui s’inscrivent dans le cadre d’une mission de représentation nécessaire dont ils ne maitrisent pas la date » peut-on lire dans le rapport parlementaire.

S’agissant des déplacements internationaux, « elle tend à considérer que relèvent des affaires courantes la participation à des évènements intergouvernementaux » et « les voyages à l’étranger s’ils sont strictement nécessaires dans le cadre des affaires courantes et prévus de longue date ». 

Ainsi Marc Fesneau, alors démissionnaire, s’était rendu à Bruxelles en 2024 lors d’une réunion des ministres européens de l’agriculture.

Lire aussi : Accord UE-Mercosur : un front commun politique et syndical contre l’accord à l’Assemblée nationale

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