Amendement organique : quels intérêts présentent les composts pour les sols ?
Parmi les produits résiduaires organiques, les composts présentent un profil intéressant pour améliorer les sols sur plusieurs critères. Des travaux de l’Inrae permettent de confirmer ses atouts et aussi de mesurer la présence de composés indésirables.
Parmi les produits résiduaires organiques, les composts présentent un profil intéressant pour améliorer les sols sur plusieurs critères. Des travaux de l’Inrae permettent de confirmer ses atouts et aussi de mesurer la présence de composés indésirables.

Les composts peuvent contenir tous types de déchets organiques : déchets verts, déchets alimentaires, ordures ménagères résiduelles, boues de station d’épuration, déchets industriels… « Leur utilisation régulière aide à restructurer le sol », assure Guy Meinrad, responsable du bureau d’études d’Agrivalor, une société qui compte quatre plateformes de compostage dans le Haut-Rhin. Mais que dit la science sur les effets du retour au sol de cette matière organique compostée aux origines très différentes ? Pour le savoir, l’Inrae (1) mène des essais au champ de longue durée dans des conditions qui se rapprochent de celles des agriculteurs avec toutefois une fréquence des apports plus importante.
Une réduction de la force nécessaire pour travailler le sol
Plusieurs sites accueillent ces expérimentations, dont un situé à Feucherolles, dans les Yvelines, intitulé Qualiagro, consacré à l’épandage de composts. L’Inrae en a testé plusieurs types avec un épandage à 30 tonnes par hectare tous les deux ans depuis 1998. L’objectif est de mesurer les effets agronomiques et les impacts environnementaux des apports de produits résiduaires organiques (PRO) sur les sols agricoles. « Sur le temps long, nos essais mettent en évidence l’effet positif des composts sur le stockage du carbone et l’amélioration de la vie biologique des sols », explique Florent Levavasseur, ingénieur de recherche à l’Inrae. Composé de matière organique stable et lente à dégrader dans les sols, le compost présente un effet amendant plus efficace que les boues, chaulées ou non.

Des différences entre PRO sont constatées, malgré les mêmes doses d’apport de carbone au départ. Cela tient à une différence de stabilité du carbone dans le compost. Le compost de déchets verts et boues (DVB) est celui qui augmente le plus le stockage du carbone et le taux de matière organique, suivi par le compost de déchets verts et de déchets alimentaires triés à la source et enfin le compost d’ordures ménagères résiduelles (OMR). Dans tous les cas, la situation s’améliore en comparaison avec le témoin sans apport de PRO.
La qualité physique des sols peut aussi être améliorée grâce à l’épandage de composts. « La portée de cet effet bénéfique dépend de l’état initial du sol », précise le chercheur. À Qualiagro, les essais sont menés sur un sol limoneux et battant. Les apports répétés de PRO ont permis d’améliorer l’infiltration de l’eau, la résistance à la battance et à l’érosion ainsi que l’aération du sol. Une diminution de la densité du sol est aussi notée. « Cela réduit la force nécessaire pour travailler le sol avec une économie de fuel pouvant aller jusqu’à 14 % », avance Florent Levavasseur.
Suivre la valeur azotée des PRO
Un effet est observé sur la fertilité chimique du sol. Les apports de PRO maintiennent, voire augmentent légèrement le pH. Ils améliorent la capacité d’échange cationique (CEC) qui permet au sol de retenir les éléments nutritifs. Ils maintiennent les teneurs en phosphore disponibles, voire les augmentent avec excès pour le compost à base de déchets verts et boues.
Concernant la fourniture d’azote, au fur et à mesure des épandages, la disponibilité de cet élément augmente en raison des effets cumulés des PRO (minéralisation d’une partie de la matière organique). « Nos essais montrent que le maïs valorise bien l’augmentation de fourniture d’azote du sol, note l’agronome. Les céréales à paille restent plus dépendantes des apports d’engrais minéraux. » La valeur azotée des PRO nécessite d’être prise en compte lors des bilans azotés pour le calcul des doses pour la fertilisation azotée complémentaire.
Les pertes d’azote font l’objet de mesures. Les pertes par lixiviation sont faibles à court terme, mais à long terme, une augmentation de l’azote lixivié est observée. « Avec des apports répétés, on constate une forte augmentation des reliquats entrée d’hiver, indique Florent Levavasseur. Si c’est un colza qui est en place, le risque de lixiviation est moindre que si c’est un blé qui est implanté. » Dans l’essai mené, l’augmentation de l’azote lixivié s’expliquerait aussi en partie par la faiblesse de couverture automnale des sols. Des pertes ammoniacales par volatilisation sont constatées, puisqu’une partie des PRO est sous cette forme. Ce qui est dommageable pour les plantes et pour la qualité de l’air. L’enfouissement rapide après épandage permet de limiter les pertes.
Ces données de recherche peuvent être extrapolées même si les effets des PRO sous forme de composts peuvent différer selon la succession culturale, le climat ou encore le type de sol au départ. Des analyses de terre régulières sont conseillées lorsqu’on apporte des PRO à ses sols afin de veiller à leur équilibre général.
Des nouveaux contaminants sous surveillance
Dans le cadre des essais PRO de l’Inrae, des mesures sont effectuées pour suivre les éléments indésirables. Les contaminants historiques, que sont les métaux lourds (ETM) et les contaminants organiques (HAP : hydrocarbures aromatiques polycycliques ; PCP : polychlorobiphényles), sont encadrés par des seuils réglementaires. « Globalement, les résultats montrent que les seuils ne sont pas dépassés, indique Florent Levavasseur. C’est d’autant moins inquiétant que, dans nos essais, nous épandons à des doses rarement atteintes par les agriculteurs. »
La recherche est encore balbutiante concernant les contaminants émergents (microplastiques, polluants éternels), mais ils font également l’objet d’un suivi par l’Inrae. « L’application de PRO est l’une des principales entrées de microplastiques dans les sols », indique l’Inrae. C’est notamment le cas des boues et composts d’ordures ménagères non triées à la source. Avec la nouvelle obligation de tri des déchets verts et alimentaires à la source, l’apport de microplastiques par le biais des PRO devrait diminuer. Reste que les microplastiques apportés jusqu’ici restent durablement dans les sols avec des risques écotoxicologiques associés.
Les per- et polyfluoroalkylées, connus sous le nom de PFAS ou polluants éternels en raison de leur très grande persistance dans l’environnement, font aussi l’objet de dosages dans les PRO. « Sans surprise, on en retrouve, indique l’ingénieur de recherche de l’Inrae. Les PRO les plus contaminés sont ceux qui viennent de la ville. On commence tout juste à les doser dans les sols et dans les plantes. » Il ajoute : « On sait quantifier la présence de ces nouveaux contaminants, mais nous n’avons pas encore d’outils ou de méthodes pour mesurer leur impact sur la vie des sols. »
L’outil Fertiorga pour piloter les apports de PRO
L’institut technique Arvalis a développé un outil « Fertiliser avec des produits organiques ou biosourcés » pour piloter les apports de PRO dans les sols. Il aide à calculer les effets azote, phosphore, potassium et magnésium des apports d’engrais organiques effectués sur une culture à une période donnée. L’outil propose également des informations sur la valeur amendante organique du produit.