Essonne
Sur quel montage juridique original repose « la Ferme de l’Envol » qui produit 200 tonnes de légumes sur une ancienne base aérienne ?
L’idée est pour le moins originale et atypique : transformer une base aérienne en ferme agroécologique collective. Le défi a été relevé avec la Ferme de l’Envol, dans l’Essonne. Pour éclairer et aider ceux qui auraient un projet similaire, un ouvrage pratique vient d’être publié. Il explique notamment quel montage juridique a été mis au point.
L’idée est pour le moins originale et atypique : transformer une base aérienne en ferme agroécologique collective. Le défi a été relevé avec la Ferme de l’Envol, dans l’Essonne. Pour éclairer et aider ceux qui auraient un projet similaire, un ouvrage pratique vient d’être publié. Il explique notamment quel montage juridique a été mis au point.

« Née en 2017 de la volonté conjointe de Cœur d’Essonne Agglomération, d’un collectif d’agriculteurs et de l’association Fermes d’Avenir, cette initiative pionnière a permis de convertir 75 hectares d’une ancienne base aérienne en un véritable pôle nourricier, écologique et créateur d’emplois durables » expliquent les fondateurs. Aujourd’hui, la Ferme de l’Envol comprend 13 salariés et récolte chaque année près de 200 tonnes de légumes. Un livret et un fonds documentaire numérique expliquant la mise en place de ce projet atypique sont disponibles gratuitement afin de faciliter l’installation et le développement de fermes collectives, coopératives et agroécologiques en France.
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Une SCOP associée à une SCIC : une première en France
Le projet repose sur un montage coopératif unique en France, associant une SCOP (Société Coopérative et Participative) pour l’exploitation agricole et une SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) pour le développement du projet. Il implique également un contrat solidaire garantissant les revenus des agriculteurs, un suivi environnemental sur dix ans, et un portage collectif impliquant la collectivité et les acteurs des filières.

Un montage reposant sur deux sociétés coopératives
Si l’on entre dans les détails, la SCOP est l’exploitation agricole nommée Ferme de l’Envol. Il s’agit d’une structure adaptée à une entreprise principalement composée par des « producteurs – travailleurs ». Ainsi, les agriculteurs de la Ferme de l’Envol détiennent, en tant qu’associés-salariés, 100 % du capital de la SCOP. La SCIC est la structure portant le développement du projet, elle est nommée Fermcoop. Il s’agit d’une société commerciale davantage adaptée à un projet multi-acteurs et d’intérêt général à l’échelle d’un territoire.
Des agriculteurs associés-salariés qui ont…
Les agriculteurs ont le statut d’associé-salarié. Ils cotisent (cotisations salariales et patronales). Ils endossent ainsi les responsabilités stratégiques de chef d’entreprise, tout en bénéficiant des protections liées au salariat (congés payés, couverture en cas d’arrêt maladie, assurance chômage et retraite).
… le statut de cadre dirigeant
La SCOP a choisi la convention collective du « personnel d’encadrement des exploitations agricoles de polyculture et d’élevage » du 2 décembre 1996, conclue au niveau de la région Île-de-France. La convention permet aux agriculteurs associés-salariés de travailler sous le statut de « cadre dirigeant », qui prévoit un contrat de travail dit « au forfait », avec des horaires flexibles adaptés à la réalité du métier. Ces derniers sont par ailleurs habilités à prendre des décisions stratégiques, il façonnent donc le devenir de l’entreprise.

Une rémunération plus élevée pour les agriculteurs
Côté revenus, le statut de « cadre dirigeant » correspond à une rémunération parmi les plus élevées du système de rémunération pratiqué au sein de la convention collective. Ainsi, le salaire induit par ce statut s’élève à 2 850 euros nets imposables, correspondant à environ 5 000 € bruts chargés employeur. « Cette rémunération mensuelle, plus élevée que la moyenne perçue dans le secteur du maraîchage, permet de répondre à un enjeu important du projet : offrir une rémunération juste aux agriculteurs » expliquent les initiateurs du projet dans le guide.
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Mutualisation de l’outil de production agricole
Il est à noter que le modèle de la SCOP induit une mutualisation de l’outil de production agricole. Dans le cadre de la Ferme de l’Envol, le matériel agricole est une propriété collective, qui a été financée par les emprunts bancaires de la société. Autre avantage : les jeunes agriculteurs intègrent la ferme sans avoir à supporter le poids d’investissements lourds. Ils bénéficient immédiatement des outils nécessaires pour travailler, qui appartiennent à la SCOP. Il leur est seulement demandé une contribution de 10 000 euros, investie en capital au sein de la SCOP, en une fois ou progressivement.
« Ce modèle pourrait s’étendre à l’amont agricole »
La SCIC-Fermcoop permet à l’ensemble des partenaires, qu’ils soient publics ou privés, d’intégrer le capital. Les initiateurs du projet font remarquer que « tous les acteurs de la chaîne agroalimentaire s’engagent dans le financement du projet, en investissant dans les infrastructures de la ferme et en évitant de les faire porter uniquement par les agriculteurs ». Ils expliquent que ce modèle pourrait s’étendre à l’amont agricole avec des fermes coopératives plus nombreuses sur les territoires, financées par les habitants et acteurs locaux (restaurants, cuisines centrales, conserveries…). C’est la société Fermcoop qui achète la production agricole de la Ferme de l’Envol pour la revendre aux clients finaux.

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Un bail environnemental
En ce qui concerne le foncier, un bail emphytéotique entre la SCIC-Fermcoop et l’agglomération Cœur d’Essonne a été signé le 24 juillet 2019 pour une durée de 50 ans. Le montant annuel du loyer a été fixé à 4 266,33 € pour les 48 hectares (88,16 € par hectare par an). Le prix a été fixé en fonction de l’indice des fermages, qui est encadré par un arrêté du préfet du département de l’Essonne.
Le bail rural liant Fermcoop à la Ferme de l’Envol a été signé pour une durée de 50 ans.Le montant annuel du fermage a été estimé à 10 000 €, payable d’avance au 1er janvier de chaque année. Le bail inclut des clauses strictes pour garantir des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement : diversification des cultures et conservation/entretien des haies, entre autres. Le bailleur peut mandater un expert annuellement pour vérifier le respect des pratiques imposées. Pour mettre en place ce bail environnemental, la SCIC a dû obtenir l’agrément ESUS (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale).
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