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La serre bioclimatique, une opportunité pour les producteurs sous abri ?

La serre bioclimatique pourrait être une opportunité d’amélioration pour les abris froids ou peu chauffés. De plus en plus de producteurs s’y intéressent.

A la station CTIFL de Balandran, les bidons noirs de 20 litres ont été disposés sur trois hauteurs sous les gouttières. © CTIFL
A la station CTIFL de Balandran, les bidons noirs de 20 litres ont été disposés sur trois hauteurs sous les gouttières.
© CTIFL

Utilisée à l’origine en Himalaya, la serre bioclimatique repose sur un principe simple : la chaleur solaire est captée la journée dans un matériau lourd, pierre ou eau, et restituée passivement à la serre la nuit ou lors de séquences nuageuses. Depuis 2004, l’association Geres diffuse des serres bioclimatiques dans les régions froides d’Asie centrale. Dès 2012, le bureau d’études Agrithermic et la station Ratho-Astredhor ont mis au point plusieurs modèles de serre bioclimatique adaptés au contexte français.

La technique est diffusée depuis, notamment en Provence-Alpes-Côte d’Azur via le Grab et le Geres dans le cadre d’un projet soutenu par l’Ademe et la région. Un guide de conception d'une serre bioclimatique ainsi que des fiches sur des retours d'expériences ont récemment été publiées à l'issue de ce projet et sont accessibles librement. « Aujourd’hui, cinq à six projets par an de serre bioclimatique voient le jour en France, indique Vincent Stauffer, d’Agrithermic. Beaucoup en PACA sont des producteurs bio de plants ou plantes aromatiques et médicinales. La Ville de Paris en est aussi équipée pour sa production de plants, ainsi que des lycées agricoles, le centre CTIFL de Balandran, un producteur de tomate de la Loire, un maraîcher du Queyras… »

Le stockage de la chaleur se fait dans de l’eau. L’eau peut être contenue dans des fûts noirs de 200 litres disposés au côté nord du tunnel pour ne pas ombrer le végétal. Elle peut être stockée dans des bidons de 20 litres disposés sous les tablettes de culture ou les gouttières. Elle peut aussi être stockée dans une gaine PVC posée au sol près des plants. « Si le but est de garder une température de 10-12°C, le système permet de se passer de chauffage et apporte jusqu’à trois semaines de précocité, précise Vincent Stauffer. Et s’il est d’avoir une température de 12-15°C, il réduit de 40-50 % le coût du chauffage. »

Et si la serre bioclimatique est spécialement adaptée au sud de la France, où les journées sont ensoleillées et les nuits fraîches, il peut a priori convenir à toutes les régions. « Quand les nuits sont claires, il est en général possible de stocker de la chaleur en journée. Et si la journée est nuageuse, il ne fait pas froid la nuit suivante. La limite est quand la journée est nuageuse et que le ciel se dégage le soir. Dans tous les cas, une serre bioclimatique peut se maintenir hors gel pendant 5 jours à -5°C sans soleil. Il faut par contre qu’elle soit isolée, en double paroi plastique, simple paroi avec écran ou polycarbonate. » L’investissement (hors structure) varie de 5 €/m2 (gaine PVC) à 50 €/m2 dans les systèmes les plus perfectionnés.

Trois à huit jours de précocité en fraise

Depuis deux ans, le CTIFL de Balandran teste la production de fraise en hors-sol dans un tunnel double paroi gonflable bioclimatique de 176 m2 (variétés Clery, Ciflorette, Gariguette), comparé à un tunnel simple paroi et à double paroi. Des bidons noirs de 20 litres remplis d’eau sont disposés sous les gouttières. En 2019-2020, le tunnel bioclimatique a permis des températures supérieures de 5-10°C à celles du tunnel simple paroi. En février, mars et avril, la température minimale a été de 11,1 °C, 12°C et 14,6°C. Elle n’a jamais été inférieure à 7°C, alors que dans le simple paroi, il y a eu 53 h à moins de 7°C en février, 18 h en mars et 2 h en avril (18 h, 2 h et 0 h dans le double paroi).

« En 2019-2020, marqué par un hiver doux, le tunnel bioclimatique a permis 3 à 5 jours de précocité selon les variétés par rapport aux témoins, indique Ariane Grisey, du CTIFL. Il y a eu aussi moins d’heures de risque de condensation. En l’absence de gestion du climat, il a par contre fait trop chaud à certains moments et la culture n’a pas toujours eu les écarts de température jour-nuit nécessaires en fraise. Au final, le rendement a été inférieur de 25 % aux références. »

En 2020-2021, le choix a donc été fait de piloter le climat en ouvrant la serre la nuit à partir de mars quand la température dépassait 12°C, en tenant compte de l’hygrométrie, et d’installer sur les bidons, quand cela était nécessaire, une bâche transparente permettant de diviser par deux le stockage de chaleur. La température minimale dans le tunnel bioclimatique a été de 4,4°C en janvier, (-3,4°C dans le simple paroi, -1,7°C dans le double paroi) et 5,6°C en février, (-1,4°C dans le simple paroi, 1,1°C dans le double paroi). Le nombre d’heures inférieures à 7°C a été très fortement réduit (7 h en février/119 h et 71 h). En moyenne, le tunnel bioclimatique a permis huit jours de précocité.

Réflexion avec les constructeurs de serre

« Une gestion du climat est nécessaire pour ne pas décrocher au niveau du rendement, mais la serre climatique en fraise permet de gagner en précocité », souligne Ariane Grisey. Un objectif pour la suite est donc d’analyser les températures de fruit pour définir les périodes à risque de condensation et calculer le déficit hydrique et d’établir la corrélation entre variation de température (intérieur-extérieur, rayonnement) et volume de stockage d’eau nécessaire. Une deuxième étape sera de réfléchir avec les constructeurs de serre sur des modèles de serre bioclimatique adaptés à de plus grandes surfaces. « Notre tunnel de 176 m2 a nécessité de remplir et installer 864 bidons, ce qui n’est pas transposable à grande échelle. Il faut imaginer d’autres modèles. La serre bioclimatique peut toutefois être le moyen de chauffer un peu les 6 100 ha d’abris froids en France pour gagner en précocité. »

 

Un financement possible

A partir du 1er janvier 2022, une aide à l’investissement d’environ 15 % sera possible pour les serres bioclimatiques dans le cadre du dispositif des Certificats d’économie d’énergie (CEE). « Jusqu’à présent, les Certificats d’économie d’énergie pour les serres ne portaient que sur les serres chauffées high-tech, souligne Ariane Grisey. Le ministère a donc été très intéressé par une fiche CEE concernant les serres peu chauffées qui représentent des surfaces importantes en France. » Les serres bioclimatiques actuellement installées étant pour la plupart de petite taille, un dispositif de mise en œuvre spécifique devra toutefois être imaginé pour intéresser les « obligés ».

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