Renouvellement des vergers : trois alternatives au brûlage après l'arrachage
Très régulièrement brûlés après leur arrachage, les vergers peuvent trouver une fin plus judicieuse sur les plans agronomique, écologique et économique. Le broyage et enfouissement, la transformation en plaquettes ou l’option « bois énergie » ont été les solutions alternatives présentées lors d’une journée organisée en Tarn-et-Garonne.
Très régulièrement brûlés après leur arrachage, les vergers peuvent trouver une fin plus judicieuse sur les plans agronomique, écologique et économique. Le broyage et enfouissement, la transformation en plaquettes ou l’option « bois énergie » ont été les solutions alternatives présentées lors d’une journée organisée en Tarn-et-Garonne.
La gestion de fin de vie d’un verger est au croisement de thématiques environnementale, agronomique, climatique et bien sûr économique. Pour l’heure, la majorité des vergers qui sont arrachés le sont avec des bulldozers qui entassent la végétation en bout de parcelle, où elle sera ensuite brûlée. Cette technique peu coûteuse est également peu vertueuse au regard des enjeux liés au renouvellement des vergers.
Ne pas déstocker ce qui a été stocké
« L’arboriculture est une activité stockeuse de carbone si on broie et on enfouit ; en revanche, elle est émettrice de carbone si on brûle le verger », a mentionné Alban Soleau, conseil Climat Eau Sol de la chambre d’agriculture du Tarn-et-Garonne. Ainsi, le spécialiste estime que le broyage et l’enfouissement permettent de stocker 6,5 tonnes équivalent CO2/ha, alors que l’arrachage et le brûlage dégagent 13,3 t éq. CO2/ha. Outre leur rôle de stockage de carbone, les arbres arrachés peuvent également restituer de la matière organique au sol et avoir une influence sur la fertilité de celui-ci. La journée organisée par la chambre d’agriculture du Tarn-et-Garonne en partenariat avec la Fédération des Cuma 82, sur le thème des alternatives au brûlage lors de l’arrachage des vergers, a donc permis de faire un large tour d’horizon des possibilités. Sur le seul département du Tarn-et-Garonne, le simple renouvellement moyen du verger, en moyenne de 3 %, représente plus de 300 ha de vergers arrachés par an, principalement en pommier, prunier et cerisier. « Le brûlage, soumis à arrêté préfectoral et réglementé, est encore possible. Toutefois, il ne représente pas une solution satisfaisante à plusieurs titres. Le broyage et l’enfouissement présentent des alternatives plus respectueuses », commente Marie Dordolo, conseillère arboriculture à la chambre d’agriculture du Tarn-et-Garonne.
Dans le cas du broyage et de l’enfouissement, le verger doit être préparé avant ces opérations, confiées à une entreprise spécialisée. Il est nécessaire de retirer les filets, le palissage et le système d’irrigation, comme dans le cas du brûlage, mais aussi les fils de fer. Un entrepreneur de travaux agricoles peut alors intervenir en deux étapes avec du matériel spécifique. Dans un premier passage, un broyeur réduit la végétation en éclats de bois de quelques centimètres. Puis, un second engin broie les souches et travaille le sol sur 20 à 30 cm de profondeur (voir encadré). Le temps nécessaire à ces deux opérations est de 8 à 10 heures par hectare. Thierry Malmon, entrepreneur agricole qui présentait cette technique, estime que moins de 10 % des surfaces de verger arrachées dans le département sont broyées et enfouies. Il estime le coût de l’arrachage et du broyage autour de 3 000 €/ha contre environ 1 600 €/ha pour l’incinération, ce qui peut expliquer son usage encore limité.
Des déchiqueteuses qui tolèrent tous les bois
L’union des Cuma bois énergie a proposé une seconde alternative. La structure assure une prestation de déchiquetage de bois transformé en plaquettes, dont la valorisation peut se faire en fournissant un paillage au secteur de l’élevage, en association ou en alternative de la paille. Leur utilisation est également possible pour le chauffage de bâtiment d’exploitation et d’habitation, en substitution aux énergies fossiles. Cette possibilité nécessite dans un premier temps d’abattre les arbres. « La Cuma propose ensuite une prestation à partir de déchiqueteuses qui tolèrent tous les types de bois. Le débit de chantier varie selon la nature des végétaux : 20 à 25 m3 par heure lorsqu’il s’agit de branchages, 60 m3 par heure pour des troncs », précise Gabin Garigue, représentant de la Fédération des Cuma 82. Différents tamis permettent d’obtenir trois dimensions de plaquette : paillage et chaufferie individuelle (S), paillage horticole (M), chaufferie industrielle (XL).
Le déchiqueteur travaille à poste fixe. Il faut donc prévoir de gérer le flux d’apport de la végétation et d’évacuation des plaquettes. Dans ce cas, seule la végétation est broyée. Les souches, même arrachées, ne peuvent pas être broyées par la déchiqueteuse à cause de la terre qui y adhère. Il faut les évacuer de la parcelle, ou alors les broyer et les enfouir dans le sol selon le procédé mentionné précédemment (coût estimé 1 600 €/ha). « Pour l’heure, la seule référence de chantier en arboriculture est sur verger de châtaigniers, car nous travaillons surtout sur l’élagage de haie », mentionne le représentant des Cuma. Selon les données fournies, le coût de la prestation est de 8 à 9 €/m3 broyé. Celui-ci se compose d’un forfait de base, auquel il faut ajouter le nombre de tours rotor et le temps d’opérateur.
Une opération blanche pour l’arboriculteur
La valorisation bois énergie est une troisième solution proposée par la coopérative forestière « Alliance forêt bois », qui intervient sur la vie de la forêt jusqu’à la valorisation du bois, notamment le bois énergie qui absorbe les bois d’élagage, d’arrachage et les palettes. Les vergers à arracher sont donc une source d’approvisionnement potentielle pour fournir d’importants marchés contractualisés (hôpitaux, bâtiments administratifs ou industriels). « Un de nos plus gros clients est Airbus, à qui il faudra fournir 70 semi-remorques par semaine en 2024 », témoigne Jonathan Descat, représentant d’Alliance forêt bois. La destruction du verger commence par l’abattage des arbres par une équipe de bûcherons. L’allotement de la végétation doit se faire en bout de parcelle afin de pouvoir utiliser des broyeurs à poste fixe ou montés sur plateau. Là aussi, les fils de fer doivent être enlevés. « La valorisation du bois énergie peut-être une opération blanche pour l’arboriculteur », estime Alliance forêt bois. La mise en œuvre du chantier nécessite a minima deux hectares de verger à arracher. En deçà, elle représente un coût pour l’agriculteur. Reste ensuite le broyage des souches.
Trois étapes du broyage-enfouissement
1/Préparation du verger
Les filets de protection antigrêle et le système d’irrigation (gaine) doivent être enlevés et recyclés dans le cadre d’Adivalor. Les poteaux bois traités sont à arracher. Ils ne peuvent être ni brûlés, ni enfouis. Il faut donc trouver une solution de réutilisation. Les fils de fer sont à retirer. Seuls des morceaux de quelques centimètres sont tolérés par le broyeur.
2/Broyage de la végétation
Le broyage de la végétation peut s’effectuer à n’importe quel stade, mais idéalement après la récolte. Le type de broyeur forestier utilisé n’entraîne normalement pas de limite de taille des arbres fruitiers ni de diamètre des troncs. Il faut éviter d’intervenir dans des conditions trop humides pour ne pas affecter la structure du sol avec les engins.
3/Préparation du sol
Le broyage des souches et la préparation du sol sont réalisés sur une profondeur moyenne de 25 cm (jusqu’à 35 cm) et sur une largeur de 2,20 m. Un sol sec et peu d’ornières sont des conditions favorables à l’exécution de la tâche. Un sous-solage améliore la préparation du sol en vue d’une replantation. Éviter les outils à dents qui remontent les racines.
Plus de désavantages pour le brûlage
Les plus
Facile à mettre en œuvre
Peu onéreux
Les moins
Compactage du sol avec les engins
Contraintes réglementaires liées au brûlage
Travail d’épandage des cendres
Perte de matière organique
Relargage de CO2
Retour de la matière organique dans le sol
Outre les 10 t de matière sèche, par hectare et par an, restituées par les feuilles, le bois de taille et les fruits lors de la vie du verger (soit 70 kg d’azote), le verger apporte, lors de son arrachage au bout de vingt ans, 46 t de matière sèche par hectare, ce qui représente 20 t de carbone/ha, soit 200 kg d’azote. De plus, lors du broyage et de l’enfouissement, le gain en matière organique est estimé à + 0,5 %, soit l’équivalent de 200 t/ha de fumier de bovin composté. Cet apport a également une action directe sur l’augmentation de la biomasse microbienne et de la réserve utile, et améliore la structure et la fertilité du sol. Toutefois, l’enfouissement de ces volumes de matière organique très carbonée peut entraîner des phénomènes de « faim d’azote ». Dans ce cas, l’azote contenu dans le sol est mobilisé par les micro-organismes pour assurer la décomposition de la matière sèche, et n’est plus accessible pour les plantes. Il faut donc prévoir un apport d’azote sous forme minérale les premières années (engrais), ou implanter un couvert composé en grande partie de légumineuses (fèverole, vesce, luzerne), avec une année de délais avant replantation. Il est également mentionné un risque sanitaire possible, notamment celui du pourridié du cerisier, mais qui n’a jamais été constaté.