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La punaise diabolique commence à frapper

La punaise diabolique a été, pour la première fois en France, la cause de dégâts importants en Savoie sur poire. Ravageur majeur en Italie, plusieurs moyens de protection y sont déjà en place dans les vergers.

La présence et les dégâts de punaises sont en recrudescence en France. En arboriculture, la punaise diabolique, Halyomorpha halys (voir fiche dans RFL n°374) commence à inquiéter les filières. « Cette année, sur le secteur de Chambéry, nous avons en moyenne entre 40 % et 60 % de dégâts de punaise sur parcelles de poires William, Conférence et Louise Bonne. Certaines parcelles sont même touchées à 100 %. En revanche, les dégâts sont moindres en pomme », témoigne le conseiller de la Chambre d’agriculture de Savoie, Nicolas Drouzy. Il a constaté une explosion de la population entre le 10 juillet le 20 août. « Ce secteur pourrait être plus touché car il est plus urbanisé, or les villes sont les premières zones colonisées, car ces punaises se réfugient dans les maisons en hiver », suggère le technicien. Mis à part les fruits à pépins, cet insecte très polyphage s’attaque au kiwi, noisette, pêche, cerise… et en cultures maraîchères : maïs doux, haricots, poivrons, tomate, aubergine. Près de 120 plantes hôtes ont été identifiées aux USA et 50 plantes en Suisse. Ses piqûres de nutrition sur les fruits provoquent des nécroses et des déformations. « Sur kiwi, c’est la seule punaise à provoquer des dégâts », souligne Adeline Gachein du Bureau interprofessionnel du kiwi lors du séminaire du Gis Fruits sur le sujet. Certaines espèces et variétés sont plus sensibles ou préférées par la punaise. « Nous observons que la poire est l’espèce préférée d’Halyomorpha, surtout les variétés William, Conférence et Abate, détaille Alan Claudio Pizzinat de la fondation de recherche piémontaise Agrion. Arrivent ensuite dans ses préférences les pêches et nectarines, puis les cerises, ensuite les pommes puis les kiwis. »

Des populations en augmentation

Originaire d’Asie, elle est là-bas un ravageur majeur sur fruits. Aux Etats-Unis, elle provoque de graves dégâts sur beaucoup de cultures depuis une vingtaine d’années. Présente partout en Europe, nos voisins transalpins la gèrent depuis 2004 en Suisse et 2007 en Italie. « En Italie, elle a provoqué en 2018 des dégâts sur 10 à 15 % des kiwis », rapporte Adeline Gachein. « Et les pertes s’y élèvent jusqu’à 20 % en noisette », pointe Rachid Hamidi de l’Association nationale des producteurs de noisette (ANPN). Cette année, les producteurs italiens de noisettes ont eu une frayeur en juillet au vu de l’augmentation des populations. « Nous avons dû faire une demande de dérogation pour le territoire piémontais pour l’utilisation de la Lambda-cyhalothrine et l’etofenprox. Les dégâts sont estimés à 3 % sur cerise, et entre 5 et 10 % sur pomme et pêches. En poire bio, en revanche les dégâts sont élevés, entre 40 et 50 % et parfois jusqu’à 100 % », témoigne Alan Claudio Pizzinat. Observée pour la première fois en 2012 en France, elle est présente depuis quelques années dans les vergers de kiwi et noisette du Sud-ouest. « En Dordogne et dans les Landes, on observe les punaises piquer les noisettes, témoigne Rachid Hamidi qui travaille sur ce ravageur depuis deux ans. Contrairement à la punaise Palomena prasina, bien connu en noisette, en fin de saison, H. halys se trouve à tous les stades et comme les larves ne volent pas elles restent sur les noisetiers et provoquent beaucoup de dégâts. »

Les filets sont la solution la plus efficace

L’Italie est le pays européen le plus avancé sur les moyens de lutte. Plusieurs pistes ont été testées. « La plus efficace est la mise en place de filets anti-insectes, témoigne le chercheur italien. Mais elle n’est pas efficace à 100 %, les jeunes arrivent à s’introduire par le moindre interstice. » Un insecticide est nécessaire une fois par an. « En lutte chimique, plusieurs produits ont montré de très bonnes efficacités en conditions de laboratoire », continue-t-il. Certains sont homologués en France sur pomme, poire, pêche et noisette contre punaise. Mais aucun ne l’est sur kiwi. « Nous testons l’efficacité de certains en conditions semi-naturelles sur noisette cette année, rapporte Rachid Hamidi. L’une des difficultés des traitements réside dans la très grande mobilité des punaises. Les produits à faible rémanence doivent être positionnés de façon très précise quand les punaises sont présentes dans les vergers. Or c’est une donnée que nous n’avons pas encore. »

L’espoir d’un parasitoïde

« Notre plus grand espoir repose sur la lutte biologique avec un parasitoïde », déclare le technicien noisette. L’Inra Sophia Antipolis travaille depuis deux ans sur la recherche et la caractérisation des parasitoïdes des œufs de punaises ravageurs, dont H. halys. « Les principaux parasitoïdes indigènes n’arrivent pas à faire leur cycle sur les œufs de cette punaise », constate Alexandre Bout de l’Inra. Certains misent sur Anastatus bifasciatus mais ce parasitoïde généraliste a un faible taux de parasitisme sur H.halys. Alexandre Bout doute de son intérêt. Dans sa zone d’origine, H. halys est naturellement régulée par un cortège de prédateurs et parasitoïdes dont Trissolcus japonicus. Or celui-ci semble avoir suivi la punaise puisqu’il a déjà été retrouvé aux Etats-Unis, comme en Italie et en Suisse. Une simple population installée ne suffira probablement pas à réguler les populations de H. halys, aussi l’espoir repose dans une stratégie de lutte biologique par augmentation consistant en lâchers massifs de l’auxiliaire utilisé. « Avant d’étudier le potentiel de T. japonicus pour ce type de lutte, nous devons savoir s’il est présent en France, continue le chercheur de l’Inra. Nous avons donc mis en place un réseau de suivi du parasitisme de pontes de punaise entre 2018 et 2019. » Mais si cette solution de lâchers fonctionne, son efficacité ne sera probablement pas suffisante à elle seule. Les équipes de chercheurs français et européens sont sur le pont. Plusieurs projets européens de recherche sur cette punaise ont été déposés et le projet Impulse (voir Réussir Fruits et Légumes n°394) permet déjà d’avancer sur les nécessaires études.

Contrôler la présence d’Halyomorpha en verger

Avant d’engager tout moyen de lutte, le chercheur Alan Claudio Pizzinat conseille un contrôle des populations au printemps. « Fin mars début avril, on peut faire des frappages de la végétation environnante aux vergers. A partir de fin avril début mai, les contrôles doivent être quotidiens en verger, de préférence tôt le matin avant que les punaises soient mobiles, en se focalisant sur la partie supérieure des arbres. Il est préférable de commencer sur les rangs de bordure ; si des individus sont identifiés le contrôle doit alors être étendu à l’intérieur du verger. » Des pièges à phéromones ont été développés au Etats-Unis, ils servent à détecter la présence des punaises, notamment par Unicoque. « Le piège le plus efficace que nous avons testé est le piège pyramidal vendu par AgBio combiné avec la phéromone de l’entreprise Trécé », témoigne le chercheur Italien. A savoir : la présence des pièges augmente le nombre de dégâts autour et ne permet pas de suivre la dynamique de population.

Un groupe de travail au Gis Fruits

Un groupe de travail a été mis en place au sein du Gis Fruits pour définir les axes de travail concernant la gestion des punaises phytophages en générale et d’H. halys en particulier sur la filière arboricole. Première étape envisagée : des stages de formation et des documents pédagogiques pour l’identification des différentes punaises en vergers. Un protocole commun aux filières doit être élaboré pour la collecte des punaises dans les vergers et leurs abords, afin de dresser des cartographies. « Nous avons aussi besoin d’information sur le cycle de ce ravageur, insiste Rachid Hamidi de l’ANPN. On ne sait pas combien de cycles elle fait par an, à quels stades phénologiques et à quelles périodes elle se trouve dans les vergers. » Halyomorpha halys est connue pour faire jusqu’à quatre ou cinq générations dans le sud-est asiatique mais une seule en Suisse.

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