Pommes dans le Maine-et-Loire : le verger piéton illustré par l'exemple
Un quart des surfaces gérées par la société Pomanjou est désormais conduit en vergers piétons, avec des arbres à "hauteur d'hommes" afin d’éviter l’utilisation de plateformes énergivores. Bilan.


Ce qui était expérimentation il y a quelques années est devenu pratique courante. Sur les 200 hectares de vergers de Pomanjou (groupe Innatis), 50 sont des vergers piétons haute densité en mur fruitier. Le Verger de Beauvallon, à Seiches-sur-le-Loir (Maine-et-Loire), a entrepris cette conduite il y a sept ans. Elle concerne aujourd’hui 10 hectares sur les 25 que compte le verger, qui produisent des variétés Honey Crush et Zingy. Dans le cadre de Prognosfruit 2025, qui s’est tenu à Angers du 6 au 8 août, une centaine de professionnels européens ont parcouru les rangs du verger et découvert les avantages et les inconvénients de cette technique. Et en premier lieu le point de départ de cette innovation. « La stratégie commerciale du groupe a mis l’accent sur des variétés de pommes marketées, précoces et libres », explique François Richard, directeur des vergers Pomanjou.
À Beauvallon, la cueillette a ainsi démarré cet été dès la fin juillet sur un clone précoce d’Honey Crush. Elle devait s’achever autour du 20 septembre, une durée limitée synonyme de goulot d’étranglement. Et de choix forts. « Comment faire pour cueillir autant de pommes en si peu de temps sans solliciter ou acheter bon nombre de plateformes ? », synthétise François Richard. L’option retenue a donc été celle de redescendre la hauteur des vergers à 2,50 mètres et de resserrer les rangs pour maintenir les tonnages.
Un système de filets adapté
Pour ses vergers 2,50 x 2,50 x 1 mètre, Pomanjou a adopté le système allemand de protection par filets Whailex, découvert dans un verger italien, en l’adaptant à ses spécificités. « Nous avons un savoir-faire de taille et éclaircissage mécaniques, de rationalisation des différentes étapes, nous avons voulu le garder. Nous avons donc intégré au système Whailex des écarteurs pour pouvoir tailler mécaniquement sous les filets et traiter plusieurs rangs à la fois », précise François Richard.
Ces filets mono-rang sans câbles transversaux présentent plusieurs avantages. Ils constituent une bonne protection contre la grêle, un système de fermeture par manivelles permettant de recouvrir rapidement l’ensemble du verger, en une heure ou une heure et demie à l’hectare.
Le filet protège également les pommes en cas de très fortes chaleurs et réduit les risques que les fruits brûlent. Quand les conditions sont telles, comme au début de récolte cette année, la cueillette à partir du sol se fait sous le filet, avec jusqu’à quatre passages dans chaque rang.
Compte tenu des variétés produites, le rendement tourne autour de 120 à 130 kilos à l’heure. Le filet présente aussi un intérêt dans la lutte contre le gel. « Nous gagnons un degré à l’intérieur par rapport à un système classique. La glace se prend autour du filet tandis que le feuillage à l’intérieur reste sec », relate le directeur des vergers Pomanjou.
Aucun traitement contre le carpocapse
Les filets sont enfin Insect-Proof (filets Alt’Carpo anti-insectes) et aucun traitement contre le carpocapse n’est plus utilisé sur ces vergers piétons. L’absence de câbles transversaux permet par ailleurs de pulvériser les autres traitements avec le filet, au rythme de 17 minutes par hectare. « Nous traitons à très bas volume et basse pression. Le produit est plus efficient qu’un système classique car bloqué par le filet », note François Richard. Le volume pulvérisé a ainsi été réduit à 300 litres par hectare.
Revers de la médaille, les auxiliaires du puceron et des autres insectes ravageurs ne peuvent entrer à cause du filet. « Nous réfléchissons à ouvrir le filet à l’Est juste après la floraison pour que les auxiliaires fassent leur travail. Nous avons encore beaucoup de choses à améliorer, nous sommes dans l’innovation permanente », observe François Richard.
Amélioration continue
Afin d’améliorer la coloration des fruits, un double effeuillage est effectué. Pour compenser un important linéaire, de 4 000 mètres par hectare, Pomanjou a investi 50 000 euros dans une effeuilleuse pneumatique Chabas d’une puissance de 120 hp.
À la vitesse de 1,5 kilomètre par heure, l’engin affiche un rendement de deux heures et demie pour un hectare. Au niveau des plants, le directeur de Pomanjou a choisi, pour ce verger, des arbres biaxe fournis par Dalival, particulièrement adaptés selon lui car « le biaxe calme la vigueur, ressort des petites branches et permet de limiter les coûts ».
L’investissement en matériel et plants est de 100 000 euros à l’hectare pour ce verger piéton, à la densité de 4 000 pieds à l’hectare. Les rendements y sont de 45 tonnes à l’hectare pour la pomme Honey Crush, 80 à 85 tonnes pour la Zingy, un rendement limité par la pauvreté des sols du verger de Seiches-sur-le-Loir.
Dans une logique d’amélioration continue dans l’innovation, Pomanjou continue de tirer sur les coûts de revient pour gagner sur le coût au kilo, ce qui n’a pas été constaté à ce jour. La poursuite de la réduction des pulvérisations et la limitation de l’utilisation des plateformes, excepté pour la pose des filets, sont les principaux leviers d’économies. Ils concourent aussi, dans la logique du label Vergers écoresponsables, à diminuer l’empreinte carbone de la production (lire p. 40-41). En cherchant inlassablement à améliorer le système, en se nourrissant des échecs et réussites du terrain, François Richard a parfois l’impression de nager à contre-courant. « L’état de la santé de la filière fait que l’innovation s’en ressent. Ce qui nous bloque ce sont les vieux démons des conduites classiques », conclut-il avec une pointe de regret dans le volontarisme.