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« Depuis que nous avons diversifié nos jeunes pousses, il y a moins de maladies »

Confronté à des problèmes de fatigue des sols et dans un contexte d’accès restreint à l’eau, Florent Bonfils, maraîcher en région nantaise, veut faire évoluer ses pratiques pour revitaliser ses sols.

« Mon père a eu depuis longtemps une démarche d’amélioration de ses pratiques, explique Florent Bonfils, associé avec son père Pascal et son frère Valentin de l’EARL L’Ebaupin, à Bourgneuf-en-Retz en Loire-Atlantique. L’exploitation, orientée principalement sur la mâche et les jeunes pousses dans les années 1990, faisait face à des soucis de fonte des semis et d’enherbement. La désinfection des sols était la solution pour pallier ces problèmes. Mais elle était en contradiction avec les efforts faits pour améliorer les propriétés biologiques du sol. La désinfection fait le vide, mais les premiers organismes à réapparaître sont souvent les pathogènes. Son coût élevé, la proximité du Marais breton qu’il ne voulait pas dégrader et l’impact sur sa santé intervenaient aussi. »

Dès la fin des années 1990, la désinfection de sol a donc été arrêtée. Pendant dix ans, avec le Comité départemental de développement maraîcher (CDDM), de nombreux essais ont alors été menés pour améliorer la vie des sols. « Il y a eu des essais de couverts végétaux, d’allongement des rotations, de mycorhization », explique Florent Bonfils. L’exploitation a aussi commencé à faire de la solarisation. Et l’apport à raison de 30 t/ha/an de compost de champignonnière a été généralisé. « C’est une source de matière organique facile à épandre et en adéquation avec nos cahiers des charges clients. »

30 % d’eau en moins qu’il y a dix ans

L’EARL était cependant toujours confrontée à la fatigue des sols. « Nos sols sablo-limoneux sont superficiels, sur un fond de glaise. Avec les rotations courtes de mâche et jeunes pousses, il y avait beaucoup de maladies, rhizoctonia, phoma, pythium… » L’EARL a alors choisi de diversifier ses cultures pour casser le cycle des pathogènes. « Nous avons introduit le poireau, la pomme de terre primeur et la carotte. Nous avons aussi ajouté, en jeunes pousses, la roquette, le mizuna et le tatsoi. En plus d’être d’une autre famille que la laitue, ces brassicacées ont un effet assainissant. La roquette a de plus un système racinaire puissant et explore d’autres horizons que la laitue. Depuis que nous avons diversifié nos jeunes pousses, il y a moins de maladies. » Par contre, les maraîchers ont choisi d’arrêter les couverts végétaux.

« Il faut de l’eau pour faire lever un couvert l’été, alors que nous n’en avons pas beaucoup. En 2022, nous avons dû cesser nos contrats de 4e gamme pendant deux mois par manque d’eau. Les couverts monopolisent aussi de la terre. Et pour faire de la mâche après un couvert, il faut soit utiliser du glyphosate qui peut entraîner de la phytotoxicité, soit beaucoup travailler le sol. Or notre objectif est de ne pas trop travailler le sol, pour éviter de « brûler » la matière organique apportée et aussi d’assécher le sol, car nous voulons utiliser moins d’eau. Bien qu’ils aient un réel intérêt agronomique, nous préférons nous passer des couverts, car ils obligent à trop travailler le sol pour avoir un lit de semence adapté à nos cultures. Nous n’excluons pas d’y revenir quand nous aurons trouvé des alternatives. » Les maraîchers ont donc choisi de faire des rotations et de la diversification les pièces maîtresses de leur stratégie de reconquête de la vie des sols. Ils ont aussi divisé par trois le travail du sol et adapté une arracheuse à poireau pour qu’elle abîme moins le sol. « La réduction du travail du sol et l’apport de matière organique ont permis de limiter les besoins en eau. Nous estimons utiliser 30 % d’eau en moins qu’il y a dix ans. »

Rechercher un équilibre dans les sols

L’EARL a aussi cessé d’apporter du sable en jeunes pousses. Et elle réfléchit à ne plus faire de solarisation. « La solarisation est une solution à court terme, mais sur le long terme, elle détruit la vie du sol et consomme toujours de l’eau. Nous allons sans doute l’arrêter, car nous recherchons un équilibre de la vie des sols. » Et les essais se poursuivent, dans le cadre aujourd’hui du GIEE Remisol. « En 2023, nous avons beaucoup travaillé à réduire le glyphosate, avec une utilisation plus forte pour la destruction des résidus d’une barre souleveuse, qui scalpe les racines. » Un essai qui inclue l’apport massif de matière organique et des couverts végétaux a aussi été engagé sur une parcelle de mauvaise qualité.

Un broyat de déchets verts non criblés a été incorporé à 250 t/ha en août 2021. Après buttage, il a été occulté de septembre à avril. Du poireau a été planté en janvier à travers le plastique. « 80 % du broyat était digéré. C’était un vrai terreau avec beaucoup de vers de terre. Le plastique a aussi limité l’enherbement. Le rendement en poireau a atteint 40 t/ha. » Les poireaux ont été suivis de pomme de terre. Il y aura ensuite un couvert, qui sera détruit par occultation avant un semis de carotte. « En six mois, le broyat a beaucoup amélioré la structure du sol, plus que ce que nous avions fait en dix ans dans des parcelles voisines, constate Florent Bonfils. Certes, cela aurait été plus compliqué si nous avions voulu semer directement de la carotte. Et une question importante reste de comment intégrer ces démarches dans les itinéraires mâche et jeunes pousses. Mais c’est un premier pas vers le maraîchage en sol vivant. »

Une gamme qui s’étoffe

L’EARL L’Ebaupin cultive en conventionnel 40 hectares de plein champ et 2 ha d’abris froids. Elle produit 150 tonnes par an de mâche, 200 tonnes de jeunes pousses, 150 tonnes de carotte, 120 tonnes de poireau et 100 tonnes de pomme de terre primeur. La mâche et les jeunes pousses sont cultivées sous contrat pour la quatrième gamme pour Bonduelle, via l’OP Vitaprim. L’EARL vend aussi des légumes à un grossiste du MIN de Nantes, ainsi qu’à des restaurants de la côte et des magasins de proximité. En 2020, les trois associés ont aussi créé une structure bio, Fief de Retz, constituée de 2,5 ha de multichapelle et qui produit des tomates, concombres, aubergines et poivrons commercialisés par l’OP Racines Carrées.

Parcours

2009 : bac STAV

2015 : diplôme d’ingénieur à Agrocampus Ouest

2015-2020 : salarié chez Agrial branche légumes

2020 : associé sur l’exploitation familiale

Un GIEE pour reconquérir la vie des sols

Créé en 2021 pour trois ans, le GIEE REMISOL (Reconception en maraîchage nantais de la gestion des sols) vise à reconquérir la vie des sols via de nouveaux couverts végétaux, l’apport de matière organique (compost, BRF) et la réduction du travail du sol. Les enjeux sont le maintien des productions en quantité et qualité, ainsi que l’adaptation des pratiques au changement climatique en luttant contre la fatigue des sols et le risque de dépérissement de certaines cultures. « L’objectif est d’avoir un système plus résilient techniquement et économiquement, précise Armelle Braud, animatrice du groupe du CDDM. Les freins peuvent être le manque de temps pour les essais et la prise de risque par les maraîchers. » 13 exploitations de Loire-Atlantique y adhèrent, pour au total 1 130 ha en mâche, radis, poireau, jeunes pousses, salade, oignon, tomate, potimarron et muguet. Le GIEE permet notamment des formations à l’agriculture de conservation des sols et au maraîchage en sol vivant. Un diagnostic initial des sols des exploitations a aussi été réalisé. Et les maraîchers testent aujourd’hui de nouvelles techniques, avec l’accompagnement du CDDM. Le partage d’expériences entre maraîchers est un élément important.

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