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Légumes industrie : des alternatives pour le désherbage

Le désherbage mécanique s’intègre peu à peu dans les itinéraires techniques des légumes industrie. Même s’il s’envisage difficilement seul, sauf en bio.

« Les adventices sont un réel bioagresseur en légumes industrie, souligne Olivier Favaron, de l’Unilet. Elles entraînent des pertes de rendement et de possibles contaminations par des corps étrangers ou des alcaloïdes toxiques. Il y a aussi une prise de conscience et des engagements à réduire l’utilisation des pesticides. Enfin, 50 à 80 % des substances actives sont menacées à court terme dans la filière par la réglementation. »

En 2020, 84 essais ont été menés par l’Unilet sur la gestion de l’enherbement, notamment le désherbage mécanique. En pois et haricot, les leviers testés sont des passages de herse-étrille (3-4 ha/h) en post-levée ou prélevée et post-levée et le binage de précision (1 ha/h en moyenne). En pois, les passages de herse-étrille à des agressivités variables ont entraîné des pertes de densité de 10 à 30 % selon l’enherbement, l’état du sol et le stade de la culture.

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Le binage de précision, qui permet de gérer des adventices plus développées, montre une bonne efficacité et sélectivité à 18 cm d’écartement et complète efficacement les passages de herse-étrille. « A 36 ou 40 cm d’écartement, il y a par contre de la verse et des adventices résiduelles sur le rang qui obligent à un passage manuel. » Les essais montrent aussi l’intérêt des traitements chimiques de prélevée en cas de fort enherbement.

« Le traitement de prélevée donne plus de souplesse pour le désherbage mécanique post-levée et maximise les chances de réussite avec une intervention sur adventices jeunes », précise Camille Hascoët, de l’Unilet. La perte de pieds et le tassement du sol engendrés ont toutefois un impact négatif sur le rendement. La roto-étrille a par ailleurs été jugée trop agressive et difficile à régler.

Une stratégie à construire en amont

En haricot, les essais montrent qu’il est parfois difficile de se passer du traitement de prélevée (parcelles à fort enherbement, gestion des graminées dans le Sud-ouest). Les outils testés s’avèrent toutefois sélectifs et complémentaires (herse et/ou houe + bineuse). Le binage est possible du stade première feuille trifoliée jusqu’à la fermeture des rangs, avec ou sans doigts Kress. Le désherbage du rang reste toutefois problématique, avec la nécessité d’épurations manuelles. Et il peut être nécessaire de ramasser les cailloux sur les parcelles pierreuses.

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« En haricot et en pois, la stratégie d’intégration du désherbage mécanique doit se construire en amont, dès le choix de la parcelle. » La flore doit être gérable mécaniquement, la parcelle pas trop pierreuse et le sol bien rappuyé et nivelé pour une bonne maîtrise de la profondeur de travail. La herse-étrille doit être limitée sur sols battants, la bineuse étant plus polyvalente.

Autre impératif : un semis adapté aux outils qui seront utilisés en post-levée. Enfin, une grande réactivité est essentielle, avec la nécessité d’un bon suivi, d’un matériel disponible et d’une prise en compte de la météo. « Idéalement, le sol doit être ressuyé et les conditions séchantes. Il faut aussi savoir renoncer à un passage mécanique si les conditions ne sont pas réunies. »

Combiner binage et désherbage localisé

La situation est particulièrement problématique en carotte où les substances actives les plus efficaces ont été retirées du marché et où 8 autres sur 10 autorisées en 2020 sont menacées de retrait d’ici fin 2024. « D’importantes difficultés sont à prévoir sur morelle, signale Mickaël Legrand, de l’Unilet. Or 5 morelles/m2 diminuent le rendement de 32 %. Des difficultés sont possibles aussi sur mercuriale, pensée, renouée liseron et renouée des oiseaux. »

Pour limiter l’enherbement, les parcelles à risque sont à proscrire. Une levée rapide et homogène doit être favorisée (semis en conditions ressuyées, semoir de précision…), avec la difficulté que les calendriers de semis dépendent des exigences industrielles. Le désherbage de prélevée est essentiel. Une alternative, étudiée dans le cadre du programme Zherbi soutenu par FranceAgriMer et coordonné par Invenio, est ensuite le binage combiné au désherbage localisé sur le rang.

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Les essais montrent l’intérêt des bineuses à cages. Ils montrent aussi que le désherbage combiné permet une sélectivité acceptable et un très bon contrôle des adventices avec deux passages en post-levée. « Le meilleur compromis est de combiner deux herbicides localisés sur le rang et deux binages en inter-rangs, précise Mickaël Legrand. Les alternatives sont soit économiquement inacceptables pour l’industrie, soit pas assez efficaces. » Les essais vont se poursuivre sur le binage en inter-rang et l’intérêt de la herse-étrille en prélevée et post-levée tardive.

 

Le test de la plaque plexiglas

Le choix d’intégrer un désherbage mécanique précoce sur adventices jeunes peut reposer sur le test de la plaque plexiglas. « Il consiste à poser au sol après le traitement post-semis prélevée une plaque de plexiglas qui favorise la levée des adventices, explique Camille Hascoët. En pois, le passage mécanique peut se faire 2-3 semaines après le traitement post-semis prélevée, sur un pois au stade 2-3 nœuds. S’il n’y a pas d’adventices visibles sous la plaque, il n’est pas utile d’intervenir. S’il y a des adventices de stade inférieur à 2 feuilles vraies, la herse-étrille peut être utilisée tous les 4 à 7 jours. Si ce stade est dépassé, elle sera trop agressive et impactera le rendement. »

En haricot, le passage de herse est possible du stade 2 feuilles simples jusqu’à 3-4 feuilles trifoliées du haricot. « S’il n’y a pas d’adventices visibles sous la plaque, il n’est pas utile d’intervenir. S’il y en a de stade inférieur à 2 feuilles vraies, la herse-étrille peut être utilisée tous les 4 à 7 jours. Si les adventices ont dépassé le stade 2 feuilles et le haricot le stade 1 feuille trifoliée, le binage est possible jusqu’à fermeture du rang. »*

 

Un outil pour détecter les adventices toxiques

 
Le datura est très problématique en légumes industrie. © Unilet

Les adventices toxiques (datura, morelle, nicandra, belladone, repousses de pomme de terre, séneçon, mercuriale…) sont très problématiques en légumes industrie, la récolte se faisant mécaniquement, parfois de nuit, et l’industrie imposant des normes strictes en la matière. Une enquête menée en 2020 dans le projet Garotox auprès de 205 agriculteurs a notamment montré que 65 % sont confrontés au datura, avec des conséquences économiques et sur l’image de la filière.

Une cartographie transmise en temps réel

Un outil permettant d’alerter sur la présence d’adventices toxiques (morelle, datura) et d’intervenir sur adventices jeunes est en cours de construction dans le cadre du projet CARTAM financé par l’UE et la région Bretagne. « L’idée est d’avoir un boîtier qui détecte et localise les plantes toxiques dans la culture et transmette en temps réel une cartographie lisible par les bineuses connectées, rampes de localisation… », explique Olivier Favaron.

Un prototype basé sur la capture d’images par caméra, leur transmission synchronisée, leur analyse par un algorithme, la localisation 3D des adventices et un transfert à l’agriculteur est en cours d’élaboration, avec en 2020 un apprentissage de l’algorithme sur datura et morelle. Il sera testé en région en 2021, l’idée étant ensuite de trouver des équipementiers pour l’installer sur un outil porté ou un drone. Des recherches sont menées aussi sur d’autres adventices et sur la modélisation de leur développement selon le climat et la gestion pluriannuelle des parcelles.

 

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