Aller au contenu principal

Le verger de demain sera plus productif et mécanisable

La nécessité de compétitivité et la pénurie de main-d’œuvre amènent la filière pomme à reconsidérer la conception des vergers. Nouveaux porte-greffes, conduite en haie étroite et densification conduisent à un verger plus productif et mécanisable.

Selon l’Association nationale pommes poires, la productivité des vergers de pommier diminue, du fait notamment d’une pression sanitaire plus élevée liée aux évolutions réglementaires et au changement climatique. Dix années d’expérimentation ainsi que l’évolution de l’offre de types de plants, porte-greffes et variétés permettent de reconsidérer la conception des vergers de pommier pour augmenter leur durabilité et leur compétitivité économique.

L’intérêt du porte-greffe G11 confirmé

Une première révolution est l’arrivée de porte-greffes plus vigoureux, productifs et résistants. Après vingt ans d’expérimentation, de nouveaux porte-greffes, issus notamment du programme de sélection de Cornell Geneva aux États-Unis, remplacent peu à peu les porte-greffes de type M9 (Emla Pajam2 Cepiland, Pajam1 Lancep, M9 Nakb) dans l’offre des pépiniéristes. Le G11, porte-greffe de vigueur équivalente au Pajam2 Cepiland sur terrain vierge, mais plus vigoureux en cas de replantation, s’avère notamment très intéressant. « Tous les travaux montrent que le G11 permet une dynamique de croissance, surtout apicale, supérieure au Pajam2 Cepiland, rapporte Richard Lothion, ingénieur de recherche au CTIFL. Selon les variétés, la longueur de pousse cumulée en fin de première pousse est 1,5 à 3 fois supérieure sur G11 que sur Pajam2 Cepiland. »

Les essais montrent aussi que le G11 permet un gain de production par rapport au Pajam2 Cepiland, sans impact sur le calibre ni la coloration, qu’il est tolérant au feu bactérien, au puceron lanigère, à la sécheresse, qu’il est moins sensible au gel hivernal, qu’il entraîne moins de rejets et broussins et qu’il a une résistance accrue à la pourriture du collet et des racines (phytophtora) et est adapté à la fatigue des sols. « Sa seule limite est qu’il semble plus cassant au niveau du porte-greffe, ce qui implique d’être vigilant avec les outils mécaniques », note Laurent Roche, ingénieur spécialiste de la conduite du pommier au CTIFL. La plupart des plantations se font aujourd’hui sur G11. « Le G11 augmente les performances économiques du verger, notamment en replantation », résument les expérimentateurs. Le G41, tolérant au puceron lanigère, résistant au feu bactérien, plus adapté à la fatigue des sols mais plus vigoureux que le G11, peut aussi convenir sur sol pauvre ou à des variétés faibles. Et d’autres porte-greffes sont en développement dans la gamme Geneva (G935…). S’y ajoutent des porte-greffes issus du programme de sélection d’East Malling en Angleterre, notamment le M200, de vigueur supérieure de 15 % à celle du M9, tolérant au feu bactérien et au phytophtora et de bon comportement à la fatigue des sols.

Généralisation des plants biaxes

La deuxième révolution est le développement de l’offre de plants biaxes, chaque axe portant de multiples petites branches fruitières, permettant l’obtention rapide de haies fruitières étroites et facilitant leur conduite. « Une haie étroite de type mur fruitier ou Aximum présente de nombreux avantages par rapport au verger tridimensionnel, souligne Laurent Roche. Elle permet une meilleure pénétration de la lumière. Elle facilite la taille et l’éclaircissage. Elle est particulièrement adaptée à la mécanisation. »

La taille, l’éclaircissage des fleurs et des fruits ou l’effeuillage peuvent ainsi plus facilement être mécanisés. « Même la récolte est facilitée, souligne Laurent Roche. Les haies étant plus étroites, les fruits sont plus accessibles et la cueillette est plus rapide. On peut aussi envisager dans l’avenir que les deux premiers passages de récolte soient manuels, mais que le troisième se fasse mécaniquement pour une valorisation des pommes dans l’industrie. » Tous les pépiniéristes proposent désormais des plants biaxes équilibrés, la difficulté étant d’avoir une bonne répartition de la vigueur entre les deux axes. « La majorité des plantations se font aujourd’hui avec des plants biaxes sur G11, constate Laurent Roche. Dans nos essais, sur dix ans, le biaxe sur G11 avec la variété Buckeye Simonscov a permis un gain de 186 tonnes par hectare par rapport au Pajam2 Cepiland en axe vertical, soit l’équivalent de trois années de production. Un point essentiel, plus particulièrement en verger étroit, est de trouver l’équilibre parfait entre la fertilité du sol, la vigueur du porte-greffe et celle de la variété. »

Des haies fruitières plus hautes

Un autre atout des haies fruitières étroites est de pouvoir envisager des hauteurs d’arbres plus importantes. « Pour 50 centimètres de hauteur en plus, le gain est de 10 tonnes par hectare, rappelle Laurent Roche. Une hauteur élevée facilite l’équilibre naturel des arbres. Et des haies étroites favorisent la pénétration de la lumière dans la canopée et permettent d’envisager des ratios hauteur des arbres/largeur entre rangs plus élevés. Il est possible d’atteindre un ratio de 1,2 sous nos latitudes. » Enfin, le temps de travail est réduit, de 10-15 % avec les outils actuels, du fait d’une maturité plus groupée, d’une conduite simplifiée, de la mécanisation de certaines opérations. Et avec le développement de nouveaux outils, le temps de travail pourrait encore diminuer. Même si le coût d’implantation est plus élevé, un gain de productivité et un verger plus mécanisé sont donc possibles.

Trois perspectives pour les vergers de pommiers

Le plant multileader

 

 

Alternatif au plant biaxe, le plant multileader dispose d’un axe (ou de deux axes) arqué parallèlement au sol et sur lequel on laisse se développer 7-8 axes verticaux. « Le multileader réduit le besoin en main-d’œuvre qualifiée, l’accès aux fruits et l’entretien étant facilités, puisqu’il n’y a qu’à couper les rameaux pour conserver une haie étroite, note Richard Lothion. Il pourrait surtout faciliter la récolte mécanique. » L’offre de plants multileader est toutefois très limitée actuellement, obligeant à former soi-même ses plants. « Le temps de formation est très élevé, avec une production amoindrie les premières années », prévient-il. Des essais de multileader sont menés toutefois dans plusieurs pays dans la perspective de la récolte mécanisée.

 

Des variétés plus robustes

 

 

Les nouvelles conduites et porte-greffes s’accompagnent de nouvelles variétés. Toutes sont résistantes à la tavelure, avec aujourd’hui des résistances à plusieurs races du champignon. Les obtenteurs cherchent aussi des résistances ou tolérances aux pucerons et à d’autres champignons (oïdium, Colletotrichum…). Des variétés peu exigeantes en éclaircissage, peu attractives pour le puceron cendré commencent ainsi à apparaître. Quelques pistes existent aussi sur l’adaptation au changement climatique (Stellar, Hot 81A1). S’y ajoute la recherche de variétés différenciantes (Lory Inogocov, Lubee Gradictivecov, Canopycov…).

 

De nouveaux matériels

 

 

Outre l’emploi du lamier pour réduire le temps de taille, de nouveaux équipements sont aujourd’hui proposés et pourraient être utilisés dans un verger en haie étroite. Par exemple : Darwin qui peut moduler automatiquement l’intensité d’éclaircissage des fleurs ; Eclairvale, un outil non motorisé pour l’éclaircissage post-floral ; des effeuilleuses enlevant les feuilles quelques jours avant la récolte pour améliorer la coloration des fruits ; Arbocut doté de disques qui permettent la prétaille à l’intérieur des arbres ; UV Boosting pour stimuler les défenses des plants via des flashs d’UV-C ; des tracteurs autonomes ...

 

S’adapter au manque de main-d’œuvre

« L’investissement dans un verger est élevé, de 70 000 à 85 000 euros par hectare, les intrants coûteux et le besoin en main-d’œuvre très important, rappelle Laurent Roche, du centre CTIFL de Lanxade, en Dordogne. La main-d’œuvre, notamment qualifiée, est aussi de plus en plus difficile à trouver. Pour que la filière française reste compétitive, il faut un nouveau type de verger, plus productif et plus mécanisable ». Richard Lothion, du centre CTIFL de La Morinière, en Indre-et-Loire, précise que « l’objectif est de simplifier toutes les opérations, de réduire la pénibilité du travail, d’avoir une conduite adaptée à la mécanisation et d’augmenter les performances économiques et la durabilité des vergers ».

Faire face au changement climatique

Un objectif pour demain est d’avoir des vergers plus adaptés au changement climatique. Un point essentiel est l’utilisation de variétés adaptées aux conditions extrêmes et plus résistantes aux bioagresseurs actuels ainsi qu’aux nouveaux ravageurs comme la punaise diabolique, pour laquelle la sensibilité varie entre variétés. Le nouveau porte-greffe G11 semble par ailleurs mieux exploiter le sol en profondeur, ce qui peut rendre le verger plus résilient par rapport au manque d’eau. Enfin, les essais montrent que les températures des fruits sont moins élevées dans les vergers en haies étroites que dans les vergers tridimensionnels et que les fruits y sont moins exposés aux coups de soleil. Des haies plus plates sont par ailleurs plus faciles à protéger par des filets de protection.

Densifier les vergers

Une autre piste pour augmenter la productivité et réduire le besoin en main-d’œuvre est la densification des vergers.

« Actuellement, la référence dans les vergers de pommier est une conduite avec 4 mètres entre rangs et 1 mètre sur le rang, soit 2 500 arbres par hectare, rappelle Richard Lothion. La vigueur des nouveaux porte-greffes et des haies fruitières plus étroites permettent toutefois d’envisager une densification des vergers. » Un essai de densification a été engagé en 2022 au CTIFL de La Morinière dans le cadre du projet Dacopom cofinancé par la région Pays de la Loire, Blue Whale et Pink Lady. Différentes modalités de verger ont été installées, avec des plants de type axe, biaxe ou multileader, différents porte-greffes, les variétés Pink Lady Rosy Glowcov et Candine Regalyoucov, des écartements entre rangs de 4 à 2,50 mètres et des distances sur le rang de 1,50 à 0,80 mètre, entraînant des densités variant de 2 500 à 5 000 arbres par hectare.

Réduire l’interrang à 3,50 mètres

« À ce jour, après deux années de production, les vergers les plus denses sont les plus productifs, ce qui peut permettre un retour sur investissement plus rapide, mais aussi ceux qui nécessitent le plus de temps de taille et attachage, l’entretien se faisant à l’arbre, indique Richard Lothion. Nous n’avons pour l’instant pas vu d’impact de la densification sur la coloration ni sur le calibre. » La densification, avec une conduite adaptée, pourrait permettre une optimisation de l’espace, une mécanisation accrue et plus de séquestration de carbone. De nombreuses questions demeurent néanmoins sur la durée de vie d’un verger plus dense : l’accès des fruits à la lumière, l’ombre portée pouvant impacter la coloration, l’environnement plus humide plus propice aux maladies, l’adaptation des traitements sur un verger densifié, l’irrigation… La compétition entre arbres pourrait aussi devenir trop importante avec leur croissance. Le coût et le temps d’installation du verger sont également plus élevés, parce qu’il y a davantage de mètres linéaires, plus d’arbres et parce que les systèmes en place en cas de replantation (filets, irrigation) ne sont plus utilisables en l’état et doivent être réinstallés. Enfin, le parc matériel est à revoir en cas d’interrang inférieur à 3,30 m. « Le matériel actuel est conçu pour des interrangs de 4 mètres, voire 3,50 mètres, souligne Richard Lothion. En dessous de 3,50 mètres, il faut le changer, notamment les outils de désherbage. Le meilleur compromis actuellement semble donc être de planter les pommiers à 3,50 x 1,20 mètre sur G11, les nouveaux porte-greffes permettant de réduire l’espace entre rangs sans impact sur la production. »

Les plus lus

<em class="placeholder">Un bus déposant des saisonniers agricoles dans un verger de pommiers, en région Nouvelle-Aquitaine. </em>
La Pomme du Limousin développe des dispositifs pour recruter des cueilleurs locaux en Haute-Vienne et Corrèze
Avec ses « Points pommes », ses tournées quotidiennes de bus ou encore l’aide d’Action logement, la Pomme du Limousin s…
Versement de produit cuprique dans un pulvé.
L'Anses revoit les autorisations en cuivre pour l'arboriculture et le maraîchage

Treize produits à base de cuivre ont perdu leur AMM cet été en un seul coup. D’autres ont perdu de nombreux usages. Voici…

<em class="placeholder">Un verger de pommiers avec certains pommiers recouverts d&#039;argile, pour les protéger des pucerons. </em>
Pomme : trois stratégies de lutte automnale contre le puceron cendré

Il est possible de s’attaquer au puceron cendré dès l’automne, par défoliation précoce ou barrières physiques, deux méthodes…

<em class="placeholder">Olivier Terrien, maraîcher à Divatte-sur-Loire</em>
Maraîchage en Loire-Atlantique : « Nous semons très dense, à 70 kg/ha, pour que le sorgho couvre rapidement le sol »
Face à des problèmes de fatigue des sols, Olivier Terrien, maraîcher en Loire-Atlantique, a diversifié ses cultures et développé…
Gironde : les filières asperges et fruits rouges réunies dans un seul salon

L’International asparagus days (IAD), dédié à l’asperge, et l’International berries days (IBD), consacré aux petits fruits…

<em class="placeholder">Un noyer dans un verger de noyers à Molières (Dordogne). </em>
Noix en Isère et Dordogne : face au carpocapse et à la mouche du brou, des essais de lutte alternative
Les groupes Dephy Noix de Grenoble et Noix du Sud-Ouest ont synthétisé leurs essais de lutte alternative contre le carpocapse et…
Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site filière Fruits & Légumes
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière fruits & légumes
Consultez les revues Réussir Fruits & Légumes et FLD au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière fruits & légumes