CAROTTE
Labourer pour conserver
La technique du labour s’est généralisée chez les producteurs de carotte du Sud-ouest. Efficace pour protéger les racines du gel, elle apporte aussi un avantage commercial.
La technique du labour s’est généralisée chez les producteurs de carotte du Sud-ouest. Efficace pour protéger les racines du gel, elle apporte aussi un avantage commercial.
L’hiver, la carotte française marque sa différence en proposant un produit fraîchement ramassé. Contrairement aux producteurs du Nord de l’Europe qui stockent leur production dans des frigos à l’automne pour ensuite la ressortir les mois suivants, les producteurs français récoltent la carotte selon les besoins du marché, au jour le jour.
Enfouir pour assurer l’approvisionnement du marché
Pour cela, ils bénéficient de zones de production peu gélives comme les Landes de Gascogne (Gironde et Landes) qui profitent de la proximité de l’océan. Même si les conditions climatique (hiver doux) et pédologique (sol sableux) sont favorables à leur conservation, les racines ne peuvent pas passer la période hivernale telles quelles au champ. Elles nécessitent d’être protégées contre le froid et de limiter le risque de reprise en végétation qu’occasionnerait une période de redoux (augmentation du goût boisé de la carotte et de son amertume). Aussi, à l’approche des risques de gelées, les carottes sont enfouies dans le sol. Elles sont alors recouvertes d’environ 20 cm de sable permettant de les protéger contre une période de froid modéré et le gel superficiel du sol. Dans les Landes de Gascogne, ce mode de conservation naturel concerne près de la moitié de la production puisque 40 % à 45 % des surfaces est enfoui afin d’assurer l’approvisionnement du marché pendant les quatre mois d’hiver sur les dix mois de récolte. Cette zone de production a d’abord utilisé la protection par buttage, l’objectif étant de recouvrir la planche de carotte avec suffisamment de sable collecté sur la planche voisine après récolte d’une planche sur deux. L’opération entraînait une gestion complexe des chantiers de récolte et de « mise en conservation » mais présentait l’avantage de limiter les problèmes sanitaires et de remontée des nappes phréatiques. Elle est désormais remplacée par la technique du labour qui améliore la résistance au gel (voir encadré).
Une technique rentable et naturelle
Toutefois, la mise en conservation par enfouissement ne peut concerner toutes les parcelles. Celles-ci sont sélectionnées selon différents critères. Le choix prend en compte l’historique de la parcelle. Sont éliminées celles dont le potentiel infectieux de maladies du sol (Sclérotinia et Cavity spot) peut poser problème. Si en moyenne la maladie affecte environ 5 % du potentiel de récolte, le risque de son développement « explosif » nécessite un échantillonnage régulier des parcelles (tous les 15 jours). La variété entre également en compte. Parmi les variétés leaders, Texto et Maestro sont les mieux adaptées pour la conservation. Mais les professionnels se disent en attente d’une amélioration variétale de la résistance racinaire dans ces conditions difficiles. En effet, la casse des racines à la récolte et dans la chaîne de conditionnement représente de 5 à 10 % des pertes : plus que les dégâts de maladies du sol. Enfin la planitude et le drainage de la parcelle, afin d’éviter les risques de remontée de la nappe phréatique, sont aussi des facteurs déterminants pour le choix. Malgré tout, les professionnels estiment qu’en restant dans une limite acceptable de 10 à 15 % des pertes de production, la conservation par enfouissement est une technique rentable et naturelle. Elle évite l’investissement, les charges de structures et de fonctionnement des frigos, a très peu d’impact environnemental et assure la fraîcheur du produit. En revanche, il ne s’agit pas d’une assurance contre le gel. Tous témoignent, certaines années, de difficultés et arrêts des arrachages pour cause de sol gelé sur plusieurs centimètres. Les plus obstinés y ont cassé du matériel ou ensablé leur station de lavage en ramenant autant de sable que de racines.
Avant la mise en conservation
Le tour de plaine organisé par Invenio pour les professionnels de la carotte dans les Landes a permis de faire un constat des parcelles avant enfouissement. Cette année, l’enherbement abondant dû à des levées répétées d’amarantes et de morelles et une forte pression d’oïdium, qui n’a pu être correctement maîtrisée avec les traitements habituels, sont les principaux problèmes rencontrés en culture.
Labourer les carottes et les retrouver
La technique d’enfouissement par labour ne correspond en rien au simple retournement d’une planche de carotte avec une charrue classique. La méthode fait appel à des outils et une technique spécifique. Elle se déroule en deux phases. Le feuillage des carottes est d’abord rabattu à 15 cm par gyrobroyage en essayant d’évacuer le maximum de végétation de sur la planche (certains producteurs choisissent aussi de labourer directement, photo 1). Une charrue équipée de quatre corps avec des versoirs très allongés permet ensuite de retourner une planche entière de trois rangs de carotte, composés chacun de trois lignes de semis. Le premier corps de charrue passe dans le passe pied, puis les trois autres corps retournent chaque rang de carotte dans le sillon qui le devance.
Pour les protéger du gel, il est indispensable que les carottes soient recouvertes de sable. Mais plus encore, pour limiter les risques de casse de racines lors du passage d’une lame avant l’arrachage, les carottes doivent être impérativement superposées et placées à l’horizontale (photo 2). Pour cela, les supports de charrues sont montés sur coulisseau afin de se positionner en face de chaque rang. La charrue laisse une empreinte au sol qui permettra à l’arracheuse de venir se repositionner en face de chaque planche. En plus de la puissance du tracteur, ce chantier demande un réel savoir-faire de la part du chauffeur et environ une heure et demie de travail par hectare car l’objectif final est bien de retrouver un maximum de carottes avec un minimum de casse.