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[Coronavirus Covid-19] La dépendance de l'agriculture aux saisonniers étrangers

La crise du Covid-19 a porté à la connaissance du grand public la situation tendue de la main-d’œuvre dans l’agriculture française. Et sans les saisonniers étrangers, difficile de faire tourner la machine.

Le Covid-19 a obligé à la fermeture des frontières françaises, ce qui a mis en lumière la difficulté de l'agriculture hexagonale à fonctionner sans les saisonniers étrangers. © D. Cordaz
Le Covid-19 a obligé à la fermeture des frontières françaises, ce qui a mis en lumière la difficulté de l'agriculture hexagonale à fonctionner sans les saisonniers étrangers.
© D. Cordaz

« Il nous faudra rebâtir une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique française et plus d’autonomie stratégique pour notre Europe ». Ce sont les mots d’Emmanuel Macron, lors d’une de ses allocutions à la Nation. Dès lors, comment construire une autonomie agricole sans le concours d’une main-d’œuvre disponible ? C’est le casse-tête que doivent résoudre les agriculteurs à chaque saison : trouver du personnel ! Une problématique que le Covid-19 a portée à la connaissance du grand public mais qui est un des soucis majeurs récurrents des agriculteurs. Et force est de constater que sans les saisonniers étrangers, l’agriculture française aurait toutes les difficultés à produire, et en particulier pour les cultures de fruits et légumes, très gourmandes en main-d’œuvre. Cette problématique ne va que s’amplifier si aucune mesure n’est prise, puisqu’un tiers des agriculteurs en France a plus de 55 ans.

Le grand public à la rescousse

Les frontières de l’Hexagone se sont fermées avec le confinement et seulement quelques étrangers avaient pu les franchir auparavant pour travailler. La plupart des exploitations agricoles se sont retrouvées sans leur main-d’œuvre habituelle et indispensable.

Des plateformes ont été créées en un temps record pour solliciter des Français mis en chômage partiel ou sans activité par le confinement. Cette initiative a d’ailleurs été couronnée de succès puisqu'au mois 300 000 personnes se sont inscrites sur la seule plateforme « Des bras pour ton assiette ». Si l’action a pu régler une partie de l’urgence, elle a aussi mis en lumière que l’agriculture n’était pas qu’une affaire de « bras ». En effet, il est vite apparu que cette main-d’œuvre improvisée suffisait pour certaines tâches simples mais que le niveau de technicité des saisonniers étrangers a vite fait défaut. La taille des arbres fruitiers requiert du savoir-faire, la récolte de fruits ou de légumes également. Et les producteurs d’asperge qui ont lancé leur campagne au début du confinement en savent quelque chose. « Un cueilleur d’asperge est loin d’être opérationnel au bout d’une journée », souligne Mickael Jacquemin, président de l’Anefa (association pour l’emploi en agriculture). « Les professionnels nous disent que les deux ou trois premières semaines, la cueillette est lente et pas forcément qualitative. Si l’asperge est cueillie trop court, on n’est plus sur la bonne catégorie », ajoute-t-il.

Dominique Chaillouet

Mais le besoin en saisonniers qualifiés est loin d’avoir été gommé par ces plateformes… la saison ne faisait que commencer et ces travailleurs occasionnels ont vite retrouver leur emploi initial après le déconfinement. Retour à la case départ !

Une dépendance toujours plus grande

Si la France est moins dépendante aux saisonniers étrangers que l’Espagne ou l’Italie, le recours à cette main-d’œuvre est toujours plus important depuis le début des années 2000. Ainsi, entre 2002 et 2016, leur proportion est passée de 17 à 24 % (hors salarié en CDI) (1). La FNSEA estime que sur les 160 000 saisonniers nécessaires en France en avril et mai, plus des deux tiers sont d’origine étrangère.

Les employeurs disposent de contrats de travail validés par l’Office français d’immigration et d’intégration (OFII) pour faire venir des saisonniers. Ce sont principalement une main-d’œuvre originaire des pays du Maghreb qui sont embauchés par ce biais. Mais depuis le début des années 2010, les travailleurs détachés ont permis aux exploitations agricoles de trouver une solution plus « souple » et plus simple. Le travail détaché a gagné en nombre surtout depuis la loi Hortefeux, en 2007, qui a baissé la durée des OFII de 8 à 6 mois. Ces travailleurs sont mis à disposition par une entreprise basée dans l’Union européenne. « Le coût [pour l’agriculteur] est supérieur mais d’un autre côté, vous vous affranchissez du recrutement, de la gestion de la paye des salaires et des contrats de travail », confie le président de Rougeline, Bruno Vila, à Agra. Les ressortissants des pays de l’Est de l’Europe ont pu intégrer ce système. Mais il existe en Europe une porte d’entrée pour des travailleurs issus d’un autre continent, l’Amérique du Sud. Ces derniers peuvent obtenir la nationalité espagnole par le mariage ou par ancienneté migratoire, en restant deux ans sur le sol ibérique. « Le gros de la force de travail détachée aujourd’hui par les entreprises espagnoles, ce sont les Equatoriens et les Boliviens », explique à Agra Frédéric Decosse, chargé de recherche au CNRS. Après la crise de 2008, ces ex-employés de l’hôtellerie-restauration ont trouvé une seconde vie professionnelle dans l’agriculture. Certains font la navette entre l’Espagne et la France, au gré des missions. D’autres, qu’on appelle les « directos », sont embauchés directement par les agriculteurs français qui ont déjà eu recours à leurs services, ou par cooptation. Ils ont surtout l’avantage précieux d’être une main-d’œuvre chevronnée.

Une ordonnance pour les étrangers

Les étrangers dont les saisonniers agricoles se sont retrouvés bloqués en France par les mesures de fermeture des frontières. Certains ont vu leurs documents de séjour expirés (entre le 16 mars et le 15 mai). Fin mars, une ordonnance a donc prolongé exceptionnellement la durée de ces documents de 90 jours.

(1) Rapport du Centre d’études et de prospective sur les emplois précaires en agriculture, septembre 2019.

Des plateformes en formations et logement

L’opérateur de compétences Ocapiat élabore des modules de formations très courts destinés aux nouveaux saisonniers agricoles. Ils doivent durer une dizaine de minutes et transmettre les gestes utiles à chaque filière. Les premiers modules concerneront les productions d’asperge, de fraise, et plus généralement le maraîchage. Dans un second temps, les « e-learnings » traiteront de l’arboriculture. Enfin des modules complémentaires aborderont les thèmes des conditions de santé et de sécurité au travail, et des gestes barrières. (Source : Agra)

Autre initiative, la plateforme Switch up met en relation des exploitants agricoles qui ont besoin de logements individuels temporaires pour leurs saisonniers avec des « Ambassadeurs locaux » de Switch Up qui se chargeront d’effectuer les recherches.

Saisonniers étrangers dans les autres pays

Régularisation des sans-papiers

Dès janvier, la ministre de l’Agriculture italienne, Teresa Bellanova, a réclamé la régularisation des centaines milliers de migrants qui travaillent illégalement dans les champs. Avec l’arrivée du Covid-19 assez tôt dans la péninsule, les saisonniers européens ont fui le pays. L’Italie veut mettre en place des « corridors » pour faire revenir ces saisonniers.

Des saisonniers par avion

En Allemagne, on a organisé le retour de la main-d’œuvre, roumaine en particulier, par avion dès début avril. A leur arrivée à l’aéroport, les travailleurs ont subi un contrôle médical. Ceux qui ont présenté des symptômes ont été refoulés. Les autres ont pu rejoindre les exploitations agricoles par bus. Pendant 14 jours, ils ont été isolés des autres saisonniers et de la population. Ensuite, ils ont pu travailler.

Des saisonniers français recalés

Si la plupart des pays d’Europe de l’Ouest cherchent des saisonniers étrangers, la Nouvelle-Zélande a refusé l’arrivée de 200 travailleurs français qui devaient décoller pour récolter les kiwis. Du coup, ils n’ont eu aucun mal à trouver de nouvelles missions dans l’Hexagone.

 

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