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Interpera 2022
L’avenir de la poire passera-t-il par les variétés Club?

Les variétés Club progressent en plantation. Elles présentent de nombreux avantages agronomiques. Les opérateurs regardent aussi aux variétés rouges, peau blushée ou complètement colorée, face à l’intérêt naissant des marchés et des consommateurs.

En 2021, en baisse importante de -26 % sur un an, l’Europe avait produit 1,661 Mt de poires dont 20 % produites par les Pays Bas, 21 % par la Belgique, 12% par l’Italie en forte chute et 3 % par la France (impactées par le gel), rappelle Manel Simon, directeur d’Afrucat, à l’occasion d’une conférence sur le sujet à Interpera, le 29 juin.

 

 

Europe : une spécialisation variétale par pays ?

De manière générale, les potentiels sont en baisse dans chaque pays depuis ces dernières années. Alors qu’en 2000, l’Italie produisait plus de 900 000 t, aujourd’hui, sans parler d’accident climatique, le potentiel tourne autour de 600 à 700 000 t. Deuxième producteur à l’époque, l’Espagne a eu de gros problème avec sa variété Blanquilla ; son potentiel total, alors autour de 600 000 t, a chuté à 300 000 t ces cins dernières années. Belgique et Pays-Bas ont chacun vu leur potentiel passer de 400 000 t à 100-200 000 t. La France a chuté, de 250 000 t à désormais 150 000 t. Seul le Portugal a progressé : de 150 000 t son potentiel actuel est passé à 200 000 t environ.

La variété principale en Europe reste la Conference, qui est passée de 500 000 t en 2000 à aujourd’hui entre 900 000 t et 1Mt. Belgique et Pays-Bas sont les principaux opérateurs. Deuxième variété, Williams accuse une baisse, passant de 300 000 t dans les années 2000 à 200-250 000 t. La Rocha, 200 000 t est spécifique au Portugal. « Il y a une belle spécialisation en termes de variété en Europe, analyse Manel Simon. Le Portugal est 100 % Rocha, La Belgique et les Pays-Bas produisent à 75 % de la Conférence. En Italie, on trouve surtout Abate Fetel (24 %) et de la Williams. Et en Espagne et en France, on observe un mix de variétés : Conférence, Guyot qui est la première poire pour la France, Blanquilla -certes en baisse- en Espagne. »

 

La Conférence reste encore la reine de la table

La Conférence reste la première variété cultivée en Europe : elle est la plus demandée par les consommateurs, en particulier dans les pays du Nord de l’Europe. Selon les chiffres AMI, sa part de marché tourne autour des 70 % en Belgique (où elle est suivie de très loin par la Comice, autour des 15-18 %) et des Pays-Bas. Au Royaume-Uni, elle est en légère baisse mais atteint tout de même 64 % de PDM en 2021 (loin derrière : la Rocha à 11 %). En Allemagne, le mix variétal est plus marqué : 38 % pour Conférence (en croissance, 21 % en 2017), 17 % pour Abate Fetel (en baisse, 27 % en 2017), et 8 % pour Packhams (en baisse, 12 % en 2017).

 

Dans la région de Betuwe, au centre des Pays-Bas, l’entreprise familiale Van Ossenbruggen Fruit à Ingen exploite 90 ha dont la moitié en poires. Jetty van Ossenbruggen, co-propriétaire de l’entreprise avec ses frères, confirme l’hégémonie de la variété Conférence lors d’une visite le 28 juin des participants du Congrés Interpera. « Notre exploitation et ses 45 ha de poires sont clairement orientée sur la Conférence, nous n’avons pas planté de nouvelles variétés. La Conférence reste la poire la plus demandée aux Pays-Bas et en Europe. Nous en produisons 2 000 t, avec un rendement de 40 à 50 t/ha et nous avons un partenariat à l’achat avec d’autres producteurs. On regarde néanmoins ce qui se fait notamment en poires rouges, car on observe un intérêt grandissant. »

 

Un léger développement des vergers dans certains pays… sur les variétés Club

Les surfaces de vergers de poires en Europe déclinent, -1,5 % entre 2016 et 2020. « Mais elles progressent en Belgique (+2,3 %), aux Pays-Bas (+1,7 %) et en France (+1,2 %), souligne Helwig Schwartau, analyste des marchés chez AMI, lors d’Interpera. En revanche les surfaces en Italie baissent année après année, l’Espagne ne plante pas beaucoup non plus, contrairement au Portugal, qui reste sur Rocha. »

En France, la hausse des vergers s’est accélérée cette année, +3 % en 2022 comparé à 2021, en raison de la demande face à la faiblesse de l’offre et des attentes de localisme. « Il y a un intérêt des producteurs pour la poire, qui se porte sur la plantation de Williams mais aussi de nouvelles variétés, des Club », précise Vincent Guérin, économiste à l’ANPP.

Aux Pays-Bas, la hausse des surfaces se fait principalement sur les variétés Club. AMI estime ainsi qu’en 2021, sur les 10 070 ha de poires, 7 609 ha sont toujours consacrés à Conférence mais 669 ha sont désormais dédiés aux variétés Club (dont 250 ha pour Migo, 204 ha pour Xenia, 208 ha pour Sweet Sensation). A titre de comparaison, en 2018, sur les 9 970 ha de poires, Conférence en prenait 7 513 ha (une légère décroissance en trois ans donc) et les Club 514 ha (dont 148 ha de Migo, 153 ha de Xenia et 213 ha de Sweet Sensation).

 

Cette tendance aux variétés Club se reflète dans le reste de l’Europe, tirée par la variété Xenia. AMI estime que de 8 550 t en 2018, cette variété atteindra 26 000 t en 2025 ! Autres Club incontournables : QTee (22 500 t attendues pour 2025), Migo (12 000 t prévues) et Sweet Sensation (11 500 t). « Les volumes de variétés Club sont en constante progression, résume Helwig Schwartau. De 41 550 t en 2020, ils atteindraient 66 800 t en 2023, principalement commercialisées en Allemagne. »

 

Pourquoi cette diversification vers des variétés Club ?

« Les nouvelles variétés sont une tendance dans laquelle les Pays-Bas sont engagés depuis 10 ans, explique Dirk van Hees, consultant chez Fruitconsult. Sur 10 100 ha de poires aujourd’hui, 75 % sont de la Conférence, 7 % de la Comice mais désormais 9 % de nouvelles variétés, dont 250 ha de Migo, 250 ha de Xenia, 230 ha de Sweet Sentation bet 80 ha de Early Desire. »

Pourquoi la poire aux Pays-Bas ? « Les variétés traditionnelles de pommes n’offrent pas assez de retour aux producteurs : le marché européen est presque saturé et il est difficile de rivaliser avec l’Europe de l’Est et du Sud, d’où la volonté de se lancer dans les poires, dont les surfaces du pays sont passées de 6 000 ha il y a 20 ans à plus de 10 000 ha aujourd’hui. »

Et pourquoi un intérêt dans de nouvelles variétés de poires ? Car la Conférence, bien qu’ayant de nombreux avantages, se récolte seulement sur deux semaines, ce qui est problématique pour motiver et mobiliser la main d’œuvre. « Quatre à six semaines minimum de travail sont nécessaires pour motiver les saisonniers à venir d’Europe de l’Est. »

En parallèle, il existe un marché grandissant pour les poires rouges (blushées ou entièrement colorées), en particulier au Royaume-Uni, en Allemagne, et en Scandinavie. De même, une demande se développe pour les poires lisses, au Moyen-Orient et en Asie ; ainsi que pour les poires avec une bonne durée de conservation. C’est ainsi sur ces axes de travail que les sélectionneurs et les entreprises axent leur développement variétal. « Des prix élevés au kilo, une productivité élevée par hectare, une gestion facilitée en station et une faible demande en main-d'œuvre, voilà ce qui fait d’une variété une gagnante pour le producteur », précise encore Dirk van Hees.

Ainsi des variétés blushées rouge comme Early Desire, Fred, Qtee… mais aussi des variétés vertes, se développent. « La Club Xenia avec un blush rouge et une forte productivité (90 t/ha) se conserve très longtemps et présente de bons prix. Présentant également un blush rouge, QTee est très productive. La Red Conférence, fruit entièrement rouge voire presque “noire”, est testée sur la station de recherche Proeftuin Randwijk selon trois conduites culturales, et avec différents porte-greffes. La mutation qui les rend rouges les rend plus attractive esthétiquement mais les rendements sont moins importants. »

 

L’entreprise Fruitbedrijf van Westreenen a misé sur Migo

Fondée il y a 100 ans, l'entreprise néerlandaise Fruitbedrijf van Westreenen à Echteld possède 75 ha de pommes et de poires, dont quatre variétés de poires : Conférence, Migo, Doyenné du Comice et Gieser Wildeman. 30 ha sont de la pomme Kanzi, le reste uniquement de la poire. L’entreprise a déjà planté 7 ha de Migo, une nouvelle variété club, hybridée par l’Inra et dont EFC est le licencié mondial.

« C’est une variété difficile au début en termes de productivité, les volumes sont limités. Mais les prix sont rémunérateurs. Elle est très intéressante par rapport à Conférence qui demande beaucoup de temps et de main d’œuvre », explique Berend Jan Van Westreenen, propriétaire de l’entreprise, lors d’une visite technique d’Interpera le 28 juin. 

Le pédoncule des fruits de Migo est en effet plus long et plus solide, rendant la récolte plus facile qu’en Conférence, le fruit étant moins fragile. Pas non plus besoin d’intrants spécifiques, ses besoins en irrigation et en fertilisation étant très limité.

Berend Jan Van Westreenen évoque des rendements de 35 t/ha pour Migo avec des prix de plus de 1,05 €/kg en bord de champ cette année alors que Conférence se situait autour de 0,90 à 0,95 €/kg. Les coûts de conditionnement sont les mêmes pour les deux variétés, 0,10 €/kg. « Et Migo se mange comme une pomme, pas besoin de couverts », revendique Berend Jan Van Westreenen pour expliquer son succès auprès des consommateurs.

 

Quelques nouvelles variétés et leurs avantages

Lors d’Interpera le 29 juin et d’une visite technique au centre de recherche et station expérimentale de Proeftuin Randwijk la veille, Dirk van Hees a présenté des nouvelles variétés qu’il estime prometteuses et/ou déjà bien développées.

QTee (Celina), Early Desire (Gräfin Gepa), Migo (Cepuna), Sweet Sensation (Rode Doyenné van Doorn) et Xenia (Oksana) ont déjà été introduites ces dernières années. Red Conference (Rode Conference), Regal Red (Regal Red Comice), Red Angel (Lowry 1), Red Modoc (Lowry 2) et Fred (CH201) ont seulement été plantées dans des petits vergers test.

 

  • QTee : Poire rouge blushée, elle totalise déjà 500 ha plantés dont 125 ha en Belgique, mais n’est pas encore plantée aux Pays-Bas. Un éclaircissage est nécessaire, manuel. C’est une variété précoce (récolte première semaine d’août en Belgique) avec un rendement de 55 t/ha environ. En revanche, points négatifs, elle se colore sous le soleil, est sensible à Pseudomonas et sa période courte de récolte implique le recours à un système de conservation type SmartFresh.

 

  • Early Desire : Fruit blushé rouge, avec100 ha plantés (70 ha aux Pays-Bas et 30 ha en Belgique). Sa commercialisation se fait de mi-août à Noël. Les premières années, la production est difficile. Mais après, le rendement peut atteindre 55 t/ha. Fruit présentant une belle couleur, un voile rouge et un bon goût. La récolte, courte (donc recours à un système de conservation type SmartFresh), a lieu juste avant Conférence. Elle est peu sensible aux maladies mais présente une tendance au “blind wood” et est phytotoxique au fongicide Captan.

 

  • Migo : la Club commercialisée par Fruitmasters, BelOrta et WOG. 325 ha sont déjà plantés. Stockable éventuellement jusqu’à 9-10 mois, de fin novembre jusqu’à, en étude, le mois de juin. Le plus grand problème de Migo : la chute de fruits, surtout sur les jeunes vergers. Les rendements pourraient ensuite atteindre 50 à 55 t/ha, soit un bon rendement mais sa récolte se fait la même semaine que Conférence. Son goût n’est pas très caractéristique.

 

  • Sweet Sensation : 500 ha dont 250 ha aux Pays-Bas (The Greenery). Les trois-cinq premières années sont difficiles puis les rendements montent à 35-45 t/ha. Elle présente un très bon goût et apparence, et nécessite peu de main d’œuvre. Période de récolte : juste après celle de Conférence. Elle peut présenter des dommages sur peau et une coloration moins après station.

 

  • Xenia : introduite il y a 15 ans, elle est plantée sur 450 ha dont 250 ha aux Pays-Bas. Un rendement élevé de 80 à 90 t/ha pour les vergers à maturité, cette variété a aussi très bon goût et une durée de vie longue. Sa saison commerciale s’étend de décembre à mai. Elle est en revanche sensible au Pseudomonas. Attention au gel car sa floraison est précoce.

 

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