La filière asperge a besoin de travailleurs
La main-d’œuvre est un facteur déterminant de la production d’asperge. L’adaptation des plantations, la mécanisation et la gestion de la main-d’œuvre sont trois axes de son optimisation. Et bientôt la robotique.
La main-d’œuvre est un facteur déterminant de la production d’asperge. L’adaptation des plantations, la mécanisation et la gestion de la main-d’œuvre sont trois axes de son optimisation. Et bientôt la robotique.
La crise du Covid et ses effets sur la disponibilité de la main-d’œuvre n’ont été que les révélateurs d’un problème latent. L’agriculture manque de bras et peine à recruter. La situation est identique dans tous les pays européens où les producteurs d’asperge font appel à des travailleurs étrangers. Ainsi, 80 à 90 % de la récolte d’asperges dans la zone de production d’Europe du Nord (Allemagne, Hollande, Belgique, France) est assurée par des travailleurs originaires d’autres pays (Europe de l’Est en général). Ces travailleurs représentent 50 à 60 % de la main-d’œuvre en Italie et 20 à 30 % en Espagne.
Répondre à la raréfaction de la main-d’œuvre
Pour être plus attractive, l’agriculture a augmenté les salaires. Mais le renchérissement de l’heure de travail est aussi lié à des charges annexes supplémentaires comme le logement, le transport, les tests médicaux liés au Covid. Pour payer une heure de main-d’œuvre en France, il fallait produire (en bout de champ) 0,6 kg d’asperges en 1990, puis 1,5 kg en 2000, et 2,6 kg en 2010, selon une étude débutée dans les années 1990. Il faut aujourd’hui en produire plus de 3,7 kg et il en faudra plus de 4,1 kg en 2025.
Même si le coût d’une heure de travail est plus faible au Pérou (il faut produire 2,3 kg d’asperges pour payer une heure de travail en 2020), les courbes d'évolution du coût de la main-d’œuvre sont similaires d’un pays à l’autre. « Les stratégies à mettre en œuvre pour répondre à la raréfaction de la main-d’œuvre et à l’augmentation des coûts sont similaires d’un pays à l’autre », mentionnait Didier Duprat, consultant asperge, lors de la seconde conférence des 4es International asparagus days (IAD). Selon le spécialiste, il est nécessaire d’adapter les plantations pour gagner en productivité, mécaniser la culture notamment la récolte et de mieux « manager » les travailleurs.
34 % de distance parcourue en moins
L’adaptation des plantations pour gagner en productivité passe notamment par l’élargissement des distances de plantation, avec une intensification du nombre de plants au mètre linéaire pour conserver la haute densité de l’aspergeraie. La technique permet de réduire le coût de récolte d’environ 30 % grâce à moins de distance parcourue par le cueilleur et plus de kilos ramassés par heure. Mais aussi du temps gagné dans la gestion des plastiques et les temps d’entretien (pulvérisation, travail du sol). « En passant d’un écartement des rangs de 2,30 m à 3,50 m, on réduit de 4,34 km à 2,85 km la longueur de rang par hectare, soit 34 % de distance en moins », explique Didier Duprat.
Sur la base de 50 passages/ha/an, le nombre de kilomètres parcouru par un ramasseur passe de 217 km à 142 km avec l’écartement le plus grand (3,50 m). Ramené en coût de récolte, le gain peut être de 3 400 euros/ha. La longueur de rang, la plus longue possible pour limiter les demi-tours, optimise aussi le temps de récolte. « Le producteur doit aussi optimiser chaque heure travaillée en préparant un prévisionnel de production en fonction de paramètres mesurables, comme le volume racinaire de la parcelle, le taux de Brix, l’état de la végétation à l’automne », préconise-t-il.
Mécanisation et robotisation sont des leviers d’amélioration
Le buttage en bonnes conditions pour obtenir une butte souple et le bon état des films plastiques sont aussi des opportunités de gain de temps. La gestion des plastiques thermiques est également un élément important d’intensification des volumes récoltés en un passage. L’objectif est de grouper la production. A partir du réveil de la plante (11°C pour une variété précoce, 12°C une moyenne saison et 13°C pour une tardive), pour 1°C de plus au niveau du plateau, la production augmente de 30 kg/jour par ha. L’amélioration de la concentration de la production est très marquée sur les températures basses de 14°C à 16°C dans la butte. Elle décline au-delà de 19°C en veillant à ne pas dépasser 23°C (voir tableau).
L’utilisation de sondes de température dans la butte permet une meilleure gestion des plastiques, et donc une anticipation des pics de récolte et/ou un lissage de la production. La mécanisation fait partie des leviers d’amélioration. « Pour l’heure, tout ce qui peut être fait par une machine coûte moins cher », mentionne-t-il, en citant notamment les machines d’assistance de récolte pour les asperges vertes et celles pour soulever les plastiques en culture d’asperges blanches.
Le gain de temps de récolte avec les machines est de 30 à 40 % suivant plusieurs critères, en particulier la taille des parcelles. Plus les rangs sont longs, plus le gain est important. Certains constructeurs communiquent sur un gain de 50 % sur leurs supports commerciaux. Ces machines d’assistance sont très largement répandues auprès des asparagiculteurs. Engels, principal constructeur avec Baggioni (mais il en existe d’autres), a célébré la vente de sa 10 000e machine en 2020. Ces machines électriques peuvent être équipées de panneaux solaires permettant une autonomie au champ et évitant la manipulation fastidieuse des batteries pour les recharger. « Les robots sont en cours de développement et ils devront encore évoluer, mais à terme ils seront une des solutions, surtout pour les grandes entreprises », commente le spécialiste. Ces récents progrès donnent également de nouvelles perspectives avec des grandes évolutions encore difficiles à cerner.
Optimiser chaque heure travaillée
Le management de la main-d’œuvre devient aussi un élément déterminant notamment pour fidéliser les travailleurs. Le recrutement et la fidélisation des salariés saisonniers passent par moins de pénibilité. Il est nécessaire de mieux organiser, donc mieux manager. Le producteur doit aussi optimiser chaque heure travaillée en préparant un prévisionnel de production en fonction de paramètres mesurables, comme le volume racinaire de la parcelle, le taux de Brix, l’état de la végétation à l’automne. Mais aussi par le suivi journalier des températures dans la butte lors de la récolte pour anticiper les volumes et donc les besoins en personnel. L’accueil dans des hébergements adaptés, avec des conditions de travail décentes et des horaires cohérents sont indispensables. L’usage des réseaux sociaux par certains employeurs pour maintenir le lien avec ses saisonniers est également un bon exemple.
Un robot en démonstration