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L’artichaut de semis, une solution pour les producteurs bretons ?

La culture d’un artichaut de semis petit violet est possible en Bretagne, selon les essais du Caté et de Terre d’essais. Quelques points de l’itinéraire technique restent à préciser.

De 100 000 tonnes dans les années 50, la production d’artichaut en Bretagne est tombée à environ 20 000 tonnes par an aujourd’hui. Et si la baisse de consommation est un des facteurs de la diminution des surfaces, les temps de travaux et la pénibilité du travail, liés notamment à la production des plants et au dédrageonnage, limitent aussi l’attractivité de la production. « Face à des marges brutes assez faibles, en partie à cause d’un manque de vigueur des variétés cultivées jusqu’à présent, la question de l’utilisation de l’artichaut de semis en Bretagne se pose. De plus, comme l’Espagne et le Roussillon ont déjà adopté l’artichaut de semis, l’obtention du plant est simplifiée », indique Jean-Michel Collet, CTIFL-Caté.

Depuis 2018, des essais sont donc menés au Caté et à Terre d’essais sur les variétés d’artichaut disponibles sous forme de graines. « En Bretagne, les plants d’artichaut obtenus par multiplication végétative depuis des dizaines d’années sont toujours identiques, explique Jean-Michel Collet. Mais si on semait des graines issues de ces plants, on obtiendrait des plantes très hétérogènes. De plus, le climat breton permet difficilement la production de graines d’artichaut. » Depuis 2018, des hybrides homogènes et vigoureux sont par contre proposés par des semenciers. « Ces hybrides ont été sélectionnés essentiellement en Espagne, où leur utilisation commence à se répandre, précise Jean-Michel Collet. Les producteurs bretons ont souhaité les tester pour voir si certains peuvent satisfaire leurs besoins en termes d’adaptation au contexte pédoclimatique breton, d’aspect et de coloration - le petit violet notamment pouvant être un peu pâle dans les conditions bretonnes. »

Importance de la sensibilité au mildiou

Les graines coûtent 0,30-0,40 € l'unité, ce qui entraîne un investissement important à l’hectare. Et même si l’économie de main-d’œuvre compense un peu le surcoût de l’artichaut de semis, les producteurs en attendent aussi un gain de rendement. Enfin, un point de vigilance est la sensibilité aux maladies, notamment au mildiou. En effet, ces hybrides ont été sélectionnés dans le bassin méditerranéen, où le mildiou est très peu présent, alors que c’est une préoccupation majeure en Bretagne. Les essais en artichaut charnu n’ont pas permis d’identifier de variétés adaptées. « Il y a peu d’hybrides en artichaut charnu et ceux que nous avons testés sont très sensibles au mildiou. Ils ont du mal à passer les hivers humides et n’apportent pas de gain de productivité », rapporte Jean-Michel Collet.

Plantation début mai après élevage à chaud

Les essais en 2018, 2019 et 2020 ont par contre montré que la variété de petit violet Capriccio F1 (Nunhems) est une bonne alternative au violet de Provence en Bretagne. Beaucoup plus productive, elle est aussi plus sensible au mildiou, mais de façon gérable. Les essais montrent que la variété a des besoins en froid réduits et peut être plantée jusqu’à fin mai, avec une bonne assurance de donner une production à l’automne suivant. Les plantations de juillet et au-delà ne donnent pas l’année de la plantation et ne donnent pas pour autant un rendement important l’année suivante. Les meilleurs rendements cumulés, de l’ordre de 18 capitules par mètre carré pour 24 t/ha sur trois ans, ont été obtenus avec une plantation de début mai, après élevage à chaud des plants pour un semis mi-mars.

Capriccio ne produit que 4 à 5 pousses

« La germination des graines doit avoir lieu à des températures de 16 à 18 °C, précise Jean-Michel Collet. On peut poursuivre l’élevage du plant à ces températures pendant six semaines. Il est possible de faire passer les plants en conditions plus froides, à 10-12 °C, pendant les deux dernières semaines, avec comme conséquence un gain de précocité et une perte de productivité. » Les essais montrent aussi que Capriccio ne produit que 4-5 pousses et ne nécessite pas de dédrageonnage pour être productive, un point positif en termes de temps de travaux.

La variété étant très vigoureuse, ses besoins en eau sont par contre assez élevés et il peut y avoir un intérêt à irriguer dans les sols à faible réserve en eau. « Depuis 2020, quelques producteurs se sont lancés dans la production de Capriccio à partir de plants en mini-mottes, mais les surfaces sont encore très limitées, constate Jean-Michel Collet. Quelques points de l’itinéraire technique restent à préciser, comme l’intérêt d’un apport en potasse. Mais les résultats concordants du Caté et de Terre d’essais montrent pourtant que Capriccio peut être une alternative intéressante au violet de Provence, en bio comme en conventionnel. »

Un Camus plus dense et non épineux

« Une caractéristique du Camus est qu’il est doté d’épines qui peuvent rayer les feuilles, analyse Christian Bernard, président de la section artichaut Prince de Bretagne. Il est aussi un peu moins serré que par exemple les productions des Pyrénées-Orientales ou d’Espagne, qui précèdent l’artichaut breton sur le marché. Un objectif pour nous est donc de sélectionner des variétés d’artichaut globuleux vert sans épines et plus fermé, tout en gardant l’épaisseur de feuille du Camus. » Des travaux de sélection dans ce sens ont donc été menés à l’OBS (organisation bretonne de sélection). Une variété répondant aux critères recherchés a été identifiée et est en phase de multiplication. « Les tests de goût et de texture ont déjà été réalisés à Vegenov », précise Christian Bernard. Un autre axe pour l’OBS est la recherche de résistance au mildiou qui peut causer de gros dégâts en Bretagne. À partir d’un croisement avec le chardon, cousin de l’artichaut résistant au mildiou, deux numéros de Camus présentant une bonne résistance au mildiou ont été identifiés.

Intérêt d’engrais verts intercalaires en bio

En bio, les engrais de synthèse étant interdits, la fertilisation de l’artichaut est un sujet important. « L’année de plantation des drageons, il est possible d’apporter 30 mètres cubes par hectare de fumier de bovin ou de compost de déchets verts, explique Thibault Nordey, directeur de Terre d’essais. Mais les deux années suivantes, la culture étant en sol généralement durant trois ans, la fertilisation est plus complexe. » De nombreux essais ont été menés sur des engrais verts à implanter en interculture (pois, féverole…). « Un nouvel angle aujourd’hui est l’implantation d’engrais verts en association avec la culture, dans les interrangs, explique Thibault Nordey. L’idée est que l’engrais vert semé l’année précédente soit incorporé au printemps suivant et fertilise la culture l’année suivante. »

Les essais, lancés en 2022, comparent du trèfle blanc, du trèfle violet, du trèfle d’Alexandrie, de la vesce et du sarrasin, avec différentes dates de semis. Les suivis porteront sur la biomasse de couvert obtenue, les apports en carbone et azote du couvert, la disponibilité en azote dans les sols et le rendement de la culture. Dans un contexte de déficits hydriques de plus en plus récurrents, la compétition entre le couvert et l’artichaut pour la ressource en eau est également évaluée à l’aide de sondes tensiométriques. Et au-delà des effets sur la fertilité des sols, les impacts des différents engrais verts sur la gestion de l’enherbement entre les rangs et sur la diminution de la lixiviation de l’azote sont aussi étudiés.

 

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