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Hors-sol : des pistes contre Agrobacterium

Des pistes de lutte alternatives contre la bactérie Agrobacterium rhizogenes semblent possibles grâce aux travaux de recherche menés notamment en Bretagne et Pays de la Loire. Désormais très présente chez les serristes, elle peut induire des pertes de rendement.

La bactérie entraîne une prolifération racinaire importante.
© Vegenov

Agrobacterium rhizogenes est la bactérie responsable de la maladie du « chevelu racinaire » qui prend de plus en plus d’ampleur en tomate, concombre et aubergine. La bactérie, porteuse d’un fragment d’ADN circulaire vecteur de la maladie, peut transférer ce fragment aux cellules racinaires de la plante hôte qui l’intègre dans son génome, entraînant un dérèglement hormonal des racines. S’en suit une prolifération racinaire importante, les plants devenant plus végétatifs au détriment du développement des fruits. Peuvent s’y ajouter une pliure des bouquets et une baisse du calibre et de la qualité des fruits. La bactérie, qui peut vivre librement dans le milieu et se déplacer dès qu’il y a de l’eau, a par ailleurs la capacité à se fixer et s’agglomérer sur une surface, formant un biofilm très résistant dans les circuits d’irrigation et autour des racines des plants. Identifiée en Angleterre dès les années 70-80, A. rhizogenes s’est depuis répandue en Belgique et en France, et commence à émerger en Suisse. En Bretagne, 90 % des exploitations serait contaminé selon Céline Hamon, responsable du laboratoire de biologie moléculaire de Vegenov. En région nantaise, selon Glynis Bentoumi, conseillère tomate au CDDM, 70 % des serres de tomate serait touché. Dans le Sud, si A. rhizogenes n’est pas un problème majeur, quelques cas ont été signalés ces dernières années dans la région de Perpignan. L’impact sur la production est très variable. « Les plantes sont plus végétatives et le rendement est affecté mais l’effet est très hétérogène », souligne Hervé Floury, de Terre d’Essais.

Des bactéries antagonistes identifiées

Depuis dix ans, de nombreux travaux ont été menés sur A. rhizogenes. Ils ont montré que certaines pratiques culturales permettent de limiter le développement de la bactérie. « Mais à ce jour, du fait de sa capacité à former un biofilm ultra-résistant dans les réseaux d’irrigation, son élimination totale est quasi impossible », note Céline Hamon. Dans ce contexte, les producteurs de tomate de Bretagne et des Pays de la Loire se sont réunis autour de Vegenov et d’autres laboratoires pour travailler sur ce problème dans le cadre du projet collaboratif Agrofilm(1). Objectif : identifier des stratégies de lutte efficaces et durables contre le biofilm formé par A. rhizogenes en serres de tomates. Lancé en 2015 pour cinq ans, le projet est déjà bien avancé. Une piste a été de rechercher dans les serres et circuits d’irrigation des bactéries antagonistes d’A. rhizogenes. « En recherchant des antagonistes naturellement présents dans les serres et les réseaux d’irrigation, on s’assure qu’ils sont adaptés à ce milieu et pourront s’y installer et agir efficacement », précise Céline Hamon. 158 échantillons de racine, eau circulante et biofilm ont été prélevés dans cinq serres contaminées par A. rhizogenes et cinq serres non contaminées. « 1 600 bactéries ont été isolées, indique Céline Hamon. A ce jour, 11 présentent des propriétés antagonistes très intéressantes, certaines anti-biofilm et d’autres qui détruisent les molécules de communication produites par A. rhizogenes, qui permettent aux bactéries de communiquer entre elles ». Les essais vont se poursuivre pour identifier, d’ici fin 2019, les deux-trois antagonistes les plus efficaces qui pourraient devenir des produits de biocontrôle commerciaux contre A. rhizogenes.

Produits de désinfection alternatifs

Une autre piste étudiée est celle de produits de désinfection alternatifs. Onze principes actifs (peroxyde d’hydrogène, argile activée, composés aromatiques…) ont été testés en laboratoire en 2017 pour leur efficacité curative et préventive vis-à-vis d’A. rhizogenes. « Trois paraissent intéressants sur les deux aspects curatif et préventif », indique Céline Hamon. Ces produits vont être testés en 2018 dans un modèle de circuit d’irrigation (boucle pilote) puis en 2018-2019 au CATE et à Terre d’Essais. D’autres résultats devraient par ailleurs s’ajouter à ceux d’Agrofilm dans le cadre du projet européen C-RootControl porté par l’Université de Louvain et qui associe des laboratoires et stations belges et suisses, ainsi que Vegenov et le CATE. Le programme vise à évaluer la diversité des souches d’A. rhizogenes en Europe et à évaluer et valider des solutions de biocontrôle et de désinfection contre la bactérie. « D’autres produits de désinfection que ceux que nous avons étudiés sont en test, ainsi que des produits de biocontrôle », note Céline Hamon.

(1) Vegenov, Université de Bretagne Sud, Normandie Université (LMSM), Adria Développement, Université de Bretagne Occidentale, Sica de Saint-Pol de Léon, UCPT, Savéol, Solarenn, CDDM, stations CATE et Terre d’Essais. Le projet est soutenu par le pôle de compétitivité Valorial et financé par les Régions Bretagne et Pays de la Loire, les Conseils départementaux du Finistère et du Morbihan et Quimper Communauté.

Limiter le développement de la bactérie

Certaines pratiques culturales permettent de limiter le développement d’A. rhizogenes et sont de plus en plus utilisées en production. « La bactérie étant favorisée par l’humidité, tout ce qui permet d’assécher un peu le substrat limite les symptômes de la maladie, explique Alain Guillou, du CATE. Il faut adapter la conduite de l’irrigation au substrat utilisé. L’ouverture des sacs tôt en saison est également efficace ». Un essai du CATE avec des substrats en fibres de coco a ainsi montré que l’enlèvement de la partie supérieure du sac mi-janvier (plantation mi-décembre) retarde le développement des symptômes d’A. rhizogenes (17 % des substrats atteints en seconde partie de saison quand le plastique est enlevé contre 37 % pour la conduite témoin). Des essais ont montré aussi qu’une augmentation de la hauteur du pain (10 cm en laine de roche) limite l’expression des symptômes en favorisant un gradient d’humidité plus important sur la hauteur. Le choix du porte-greffe peut également être un levier. « Plus il est vigoureux, plus il est sensible à A. rhizogenes », explique Céline Hamon. Enfin, la bactérie entraînant un fort développement végétatif, les actions à visée générative permettent de rééquilibrer les plantes.

D’autres solutions envisageables

Si la chloration n’est désormais plus plébiscitée pour des raisons environnementales, d’autres solutions, non étudiées dans Agrofilm, seraient également envisageables pour réduire les biofilms. Le traitement UV, qui détruit les bactéries, ou le traitement électromagnétique de l’eau, qui réduit l’adhérence du biofilm, pourraient ainsi être des pistes. Une autre solution encore, étudiée dans le cadre du projet européen Riga, pourrait être celles d’additifs anti-microbiens et anti-racinaires à incorporer au plastique des réseaux d’irrigation.

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