Aller au contenu principal

Fruits d’été : l’aval de la filière adapte son approvisionnement

Le marché des premiers fruits à noyau, frappés par le gel d’avril, est approvisionné au prix d’une forte hausse de prix. Les stratégies d’approvisionnement se mettent au diapason de la situation.

La campagne Pêches et Abricots a été lancée à l'occasion des 15 ans de l'AOP, le 25 avril, lors d'une journée de visites et de débats au cours de laquelle les distributeurs se sont engagés en faveur de l'origine France. Photo d'archives FLD.
© Philippe Gautier-FLD

Les années se suivent et semblent se ressembler pour la filière fruits à noyau. Après une année 2020 très compliquée, elle a subi de plein fouet ce qu’il faut bien appeler les pires gelés depuis au moins trois décennies et cela a concerné l’ensemble des bassins de production, la Vallée du Rhône en tête, et l’ensemble des produits (cerise, abricot, pêche, nectarine).

Les campagnes débutent et finalement, le marché est approvisionné. Mais, le spectre d’un manque de disponibilité n’est pas totalement écarté, d’autant plus que les autres pays producteurs européens, Espagne et Italie, ont aussi connu de fortes gelées, entamant leur potentiel d’exportation.

Une moitié de récolte

À date du 1er juin, moins d’une demi-récolte est prévue pour l’abricot par rapport à la production moyenne 2016-2020. « À ce jour, Il s’agirait de la production la plus faible depuis au moins 46 ans et du rendement le plus faible depuis 46 ans », souligne Agreste dans note de conjoncture. Les gelées printanières historiques, notamment en Vallée du Rhône et en Provence, ont amputé le potentiel de production.

Lire aussi : une très faible production européenne d'abricot en 2021

Les chiffres ont été légèrement revus à la hausse pour la région Paca, les chutes de fruits ayant été moins importantes que prévu dans la Crau. Les zones de production proches de la Méditerranée ont été moins affectées, toute chose étant égale.

Le même constat est dressé par Agreste concernant les pêches et nectarines. La production annuelle de pêches, nectarines, brugnons et pavies, est estimée à 105 000 t. Elle reculerait par rapport à celle déjà faible de 2020. Là aussi, les tonnages seraient les plus faibles depuis 46 ans. Les nectarines seraient davantage touchées que les pêches. Néanmoins, les chutes de fruits ont été moins importantes que prévu dans les vergers du littoral méditerranéen ou du Sud-Ouest. « Le niveau de production pourrait être revu à la hausse lors des prochaines prévisions », précise Agreste.

Lire aussi : Pêche-nectarine : vers une campagne difficile à gérer commercialement

Saison plus courte pour l’Espagne ?

De plus, l’Espagne a aussi été touchée par la vague de gel, réduisant son potentiel sur ses marchés d’exportation en Europe. Agreste note d’ailleurs que les abricots de cette origine seraient en baisse comparée aux années précédentes.

L’entreprise allemande Kölla The Fruit Company, présente à Valencia, exporte 6 000 t de fruits à noyau espagnols par an sur la France. Stéphane Belley, responsable commercial et marketing de Kölla Roussillon, sa filiale en France, analyse la situation : « La première partie de campagne, avec les volumes en provenance du sud de l’Espagne, peu touchée par le gel, offre un approvisionnement normal, avec des prix stables ». En revanche, en seconde partie de saison, avec les productions du Nord, cela s’annonce plus compliqué : « Nous enregistrons une baisse de 30 % de nos disponibilités en pêches, et de 50 % en abricots. La saison risque d’autre part d’être raccourcie, pour finir vers la mi-septembre, au lieu de fin septembre » souligne Stéphane Belley.

Pour la région de Murcie, l’approvisionnement resterait bon entre mai et juillet. En revanche, sur les régions de Fraga et de Merida, actives en août, un risque de pénurie de produits pourrait se faire jour.

La distribution joue la solidarité

C’est dans ce contexte qu’Intermarché et Netto (groupement Les Mousquetaires) ont lancé leur opération « abricots solidaires » début juin. Il s’agit de commercialiser les produits épargnés par la vague de gel mais présentant quelques défauts. L’opération concerne 24 producteurs, principalement situés en région Rhône-Alpes, où les pertes en vergers ont avoisiné 80 % pour certains.

« Ces « abricots solidaires » sont 100 % français et certifiés Vergers écoresponsables. Ils sont achetés à un prix supérieur aux campagnes passées à qualité comparable. L’abricot dit « normal » est lui aussi acheté plus cher compte tenu de la situation historique » a confirmé Intermarché à FLD. Cette démarche devrait être renouvelée dans les prochaines semaines sur d’autres fruits.

Face à la situation, Carrefour annonce avoir pris une série de mesures en soutien des quelques 4000 producteurs fournissant l’enseigne, que cela soit en FQC, Reflets de France ou Carrefour Bio : « Carrefour s’engage à maintenir tous ses engagements de collaboration pris sur 3 ans avec ses producteurs partenaires, afin de leur garantir un maximum de visibilité sur les saisons prochaines », explique le distributeur à FLD.

 Par ailleurs, Carrefour « s’engage à valoriser un maximum de leur production épargnée par le gel, même si elle est abîmée, en adaptant ses exigences, notamment celles concernant l’aspect des fruits et légumes ». Autre décision prise, la réduction des délais de paiement pour les producteurs les plus impactés.

L’enseigne entend aussi privilégier l’origine France : « Conformément à notre engagement de rendre accessible à tous des produits de qualité, nous ferons le maximum pour garantir des prix qui restent accessibles à chacun, tout en maintenant un prix satisfaisant au producteur lui permettant de vivre de son métier ».

Lire aussi : Gel : une aide pouvant aller jusqu’à 20 000 € pour les producteurs de fruits à noyau

Pas de télescopage d’origine

« Pour l’heure, nous n’enregistrons pas de manque aussi chez bien chez les grossistes sur carreau que chez les Gasc. Le marché est approvisionné en volume mais avec des prix en hausse pour les abricots et cerises. Ceci dit, la météo du mois de mai n’a pas été propice à la consommation des fruits à noyau et cela a impacté le début de saison », souligne Didier Marques, président de l’UNCGFL.

Mais, avec la réouverture des restaurants, les vacances estivales qui arrivent et si la météo se maintient au beau fixe, « il faudra rester vigilant, ajoute-t-il, la hausse attendue de la consommation risque de se confronter aux moindres volumes attendus par l’ensemble des pays producteurs du bassin méditerranéen », anticipe le président.

Accepter les fruits de calibre 1 avec des défauts

Selon lui, il est encore un peu tôt pour faire un vrai bilan. « Il faudra attendre encore un petit peu pour évaluer totalement les effets de ces vagues de gel. En tout cas, nous allons soutenir nos amis producteurs, par exemple en acceptant des fruits en calibre 1 même avec un petit défaut d’épiderme ».

En revanche, pour le président de l’UNCGFL, cette situation tout à fait particulière ne devrait pas amener le quasi traditionnel télescopage des origines – entre France et Espagne - qui perturbent régulièrement les marchés à cette époque de l’année.

Jongler entre les bassins de production

« Nous débutons traditionnellement avec le produit espagnol pour basculer ensuite sur le produit français, explique Éric Peloux, président du groupe A2Mains sur le marché de gros de Lyon-Corbas. Il y a eu un peu d’inquiétude sur les fruits précoces mais notre chance est d’avoir un partenariat de longue date avec un producteur des Pyrénées-Orientales qui n’a subi que 20 % de pertes. »

Le sud de la France ne fera pas l’ensemble de la campagne. Les pertes attendues dans d’autres zones de productions vont avoir un impact : « Nous donnons la priorité au produit français, c’est clair, précise Éric Peloux. S’il vient à manquer, nous nous tournons vers d’autres origines. Le rôle du grossiste, c’est aussi de savoir jongler sur plusieurs bassins d’approvisionnement ». Et ce toujours avec un souci de qualité environnementale : « Nous achetons directement aux producteurs et nous demandons des certifications équivalentes à la HVE en France. Pareillement, nous demandons à nos prestataires du transport d’être engagés dans les démarches environnementales ».

Peu d’inquiétude chez les primeurs

Pour les primeurs, le manque de produits français va être un handicap. Cependant, l’heure n’est pas à la trop forte inquiétude : « Il est clair qu’avec un potentiel aussi bas, on risque de voir le prix des produits augmenter, explique David Dohin commençant sur trois marchés de plein vent à Bordeaux. D’ailleurs, les premiers abricots du Roussillon étaient de très bonne qualité mais avec un prix plutôt haut. Mais, mon rôle en tant que détaillant, c’est de savoir sélectionner le plus précisément possible un fruit d’origine espagnole et de le proposer à ma clientèle avec l’offre française. Et bien communiquer auprès du client. Il existe de bons producteurs en Espagne comme il en existe en France ».

Un sourcing encore plus délicat

Constat similaire pour Rémi Langlois (Natur’Halles Primeur à Cosnes-et-Romain en Meurthe-et-Moselle) qui reconnaît que la situation peut être compliquée : « La situation actuelle demande de sourcer encore plus finement le produit. Il faut comprendre que l’on ne peut pas choisir le produit français uniquement parce qu’il est juste français, la qualité doit aussi être là ».

Du coup, il s’approvisionne aussi un peu en produit espagnol : « Ce qui compte, c’est être transparent vis-à-vis du client, expliquer les origines et les différences, et aussi que tel ou tel produit peut ne pas être encore dans sa pleine saison ».

Disposer aussi de partenariats pérennes et stables avec les producteurs peut aussi être un avantage comme le précise Jean-Luc Botti, un des Meilleurs Ouvriers de France (MOF) Primeur qui tient avec son épouse Catherine, elle aussi MOF Primeur, un stand aux Halles de Chambéry : « On arrive à trouver de l’abricot ou de la cerise. Nous travaillons avec un producteur de la Drôme qui n’a pas été trop touché par le gel. Nous venons de recevoir les premières pêches blanches. Évidemment, le prix n’est pas le même. En revanche, j’ai plus d’inquiétudes pour la pomme ».

Très forte hausse des prix de la cerise

Dans sa dernière note de conjoncture (juin), Agreste indiquait que la production de cerises était estimée à 13 600 t, soit moins d’une demi-récolte prévue par rapport à une année standard. Le gel historique d’avril a touché tous les bassins de production, et plus durement la Vallée du Rhône. « Il s’agirait du rendement le plus faible, à l’exception de l’année 1977 pendant laquelle le rendement avait été similaire », note Agreste.
Du coup, en mai, les cours ont été nettement supérieurs à la moyenne 2016-2020 (+ 50 %) et à ceux de l’année passée (+ 34 %). De fait, un rapide relevé de prix, le 12 juin, dans le XIIIe arrondissement de Paris, montrait des prix du kilo de cerises origine France en vrac allant de 8,99 € (proxi et supermarché) à 9,99 € (détail traditionnel). En barquette, cela peut aller jusqu’au double.

 

Les plus lus

Salon de l’Agriculture : C'est Qui Le Patron ?! débarque sur les fruits et légumes

La démarche C’est Qui Le Patron ?! (CQLP) qui assure une juste rémunération pour le producteur et qui s’est fait connaître sur…

Face à la sécheresse, comment l'agriculture des Pyrénées-Orientales envisage sa gestion de l'eau ?

Face au manque d’eau, à l’amenuisement des réserves et à la sécheresse prolongée, les Pyrénées-Orientales se concertent pour…

Emballage plastique des fruits et légumes : le Conseil et le Parlement UE s’accordent sur une interdiction

Le Conseil et le Parlement sont parvenus lundi 4 mars à un accord provisoire sur le projet de règlement Emballages, texte issu…

Salon de l’Agriculture : la noisette française Koki a un message à faire passer au président Macron

La coopérative Unicoque et l’association de la noisette française ANPN ont écrit en semaine 8 un courrier au président de la…

Tavelure sur une feuille de pommier
Tavelure : quelle est cette piste de recherche innovante contre la maladie numéro 1 du pommier ?
Une piste de recherche actuellement à l’étude contre la tavelure, principale maladie du pommier, repose sur la combinaison d’une…
Remise de la Légion d'Honneur à Laurent Grandin par Marc Fesneau au salon de l'Agriculture 2024.
Plan de souveraineté fruits et légumes : 100 M€ supplémentaires en 2024

Au salon de l’Agriculture, Marc Fesneau a débuté la journée du 29 février sur le stand des fruits et légumes frais afin de…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 354€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site filière Fruits & Légumes
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière fruits & légumes
Consultez les revues Réussir Fruits & Légumes et FLD au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière fruits & légumes