Fraise : le Pestalotiopsis est dans le plant
Pestalotiopsis est un champignon menaçant la culture de la fraise en provoquant des dégâts importants, dans toutes les zones de production du sud de la France. Face à cette urgence sanitaire, la filière s’organise pour développer rapidement des solutions.
Pestalotiopsis est un champignon menaçant la culture de la fraise en provoquant des dégâts importants, dans toutes les zones de production du sud de la France. Face à cette urgence sanitaire, la filière s’organise pour développer rapidement des solutions.


Longtemps cantonné aux pays producteurs d’Amérique, d’Asie ou d’Europe de l’Est, le champignon Pestalotiopsis s’est invité en France il y a trois ans, via l’importation de plants. « La maladie est présente depuis longtemps dans d’autres bassins de production, mais nous étions pour l’instant épargnés en France », explique Claire Goillon, directrice de l’Aprel, station régionale d'expérimentation de la filière maraîchage en région Provence-Alpes-Côte-d’Azur.
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Indétectable au départ dans le plant, le pathogène se développe une fois les fraisiers en culture. Les premiers dégâts importants sont observés juste avant la récolte, une période critique pour la rentabilité des exploitations. « Jusqu’à 40 % des plants ont été touchés chez certains producteurs », rapporte Claire Goillon. Les symptômes, d’abord confondus avec ceux du Phytophthora, compliquent le diagnostic. « La présence de nécroses internes dans le végétal est un critère clé pour différencier Pestalotiopsis des autres maladies », précise-t-elle. Un temps d’analyse et d’identification a donc été nécessaire, en lien avec les chambres d’agriculture et les stations d’expérimentation.
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Des essais de protection contre Pestalotiopsis réalisés à l’Aprel
Si l’on manque encore de chiffres consolidés sur les pertes de rendement, l’inquiétude est palpable dans la filière. « On peut imaginer que l’impact sera important, d’autant plus que la saison n’est pas terminée et les plants touchés ne produisent plus », souligne la directrice de l’Aprel.
Si le Sud-Est, principal bassin de production, est particulièrement touché, Une synthèse chiffrée est attendue dans les prochaines semaines pour mieux mesurer l’ampleur du phénomène à l’échelle nationale (étude de l’AOPn en cours).
La maladie sévit aussi bien en sol qu’en hors-sol, même si l’impact semble plus important en pleine terre. « En hors-sol, le champignon est sans doute plus facilement circonscrit dans les sacs de culture, ce qui limite sa propagation, mais la vigilance reste de mise », ajoute Claire Goillon.
Face à la progression fulgurante du pathogène, la filière s’organise. Réunions d’urgence, suivi des cas, lancement d’essais, tous les leviers sont activés. Des premiers essais de phytoprotection sont menés sous l’autorité de la DGAL en collaboration avec l’Aprel, dans l’espoir de trouver une solution efficace et d’obtenir des dérogations pour la prochaine campagne.
« Les fongicides actuellement homologués sur fraise n’ont pas montré d’efficacité », regrette Claire Goillon. La question du substrat est également au cœur des préoccupations. Faut-il le changer, le désinfecter, le réutiliser ? « Le CTIFL va tester dans les prochaines semaines la replantation de plants sains dans des substrats contaminés pour évaluer le risque de recontamination », détaille la directrice.
Une nécessaire évolution de la filière plant
L’épisode Pestalotiopsis met en lumière la nécessité de renforcer la structuration et la traçabilité de la filière plant. « Il faut un minimum de garanties sur l’achat de plants sains pour préserver la confiance entre pépiniéristes et producteurs », insiste Claire Goillon. La filière plant, moins structurée que la filière semence, doit évoluer. « Les discussions sont en cours avec la DGAL, Semae et le SRAL pour améliorer les protocoles et la traçabilité ».
Autre enjeu, le partage du risque entre producteurs de fraises et producteurs de plants. « Il faut donner aux pépiniéristes les moyens de produire des plants sains, sinon on risque une pénurie de plants pour les prochaines saisons. C’est une opportunité de sécuriser et de moderniser cette filière essentielle », juge la directrice de l’Aprel. Les produits phytosanitaires seuls ne suffiront pas. « Il faut réfléchir à des mesures collectives et à de nouvelles bonnes pratiques », estime Claire Goillon.
Un projet collaboratif sur trois ans, réunissant la recherche, l’expérimentation, le développement et la profession, est également en réflexion pour mutualiser les efforts et accélérer la recherche de solutions.
Trouver des solutions rapides et durables contre Pestalotiopsis
La gestion du substrat et de l’eau d’irrigation est un autre point clé. « La désinfection UV, déjà utilisée pour la tomate, pourrait être une piste pour la fraise, mais cela suppose un investissement supplémentaire pour les producteurs », indique Claire Goillon.
Des essais devront être mis en place pour déterminer combien de temps il faut attendre avant de replanter de la fraise sur une parcelle contaminée, et pour tester l’efficacité de la solarisation ou encore des couverts végétaux.
L’apparition de Pestalotiopsis en France agit comme un révélateur des fragilités de la filière fraise. Tous les acteurs sont mobilisés pour trouver des solutions rapides et durables, alors que la pression du calendrier et la demande des consommateurs pour une production précoce sont fortes.
« La difficulté, c’est de débloquer des fonds et du temps dans l’urgence, alors que les programmes d’expérimentation se prévoient normalement sur plusieurs années », conclut Claire Goillon. La saison n’est pas terminée et les chiffres d’impact restent provisoires. Mais l’alerte est donnée. La filière fraise doit accélérer sa mutation pour faire face à ce nouveau défi sanitaire et préserver sa compétitivité.
La prophylaxie en premier rempart
Face à la menace croissante que représente Pestalotiopsis en culture de fraises, la mise en place de mesures prophylactiques rigoureuses s’impose pour préserver la santé des plants et la qualité de la production. La première barrière reste l’hygiène de la parcelle. Il est essentiel d’éliminer régulièrement les feuilles âgées ou malades ainsi que les débris végétaux au sol, qui peuvent servir de réservoirs pour le pathogène. Le désherbage de la parcelle et de ses abords limite la présence d’adventices pouvant héberger le champignon. L’utilisation de contenants et substrats neufs ou soigneusement désinfectés lors du repiquage contribue probablement de la même manière à limiter son introduction.
De plus, la gestion du microclimat joue vraisemblablement un rôle. Une bonne aération des abris permet de réduire l’humidité ambiante, freinant ainsi la germination des spores. En sol, le paillage du sol limite les éclaboussures d’eau sur le feuillage, tandis qu’une irrigation maîtrisée évite les excès d’humidité, conditions idéales pour le développement du champignon. Il convient aussi de limiter les pratiques culturales traumatisantes pour les plants, telles que les tailles trop sévères ou les excès d’azote, qui fragilisent les tissus et favorisent l’infection.
Enfin, la surveillance régulière des cultures s’impose. Détecter précocement les premiers symptômes permet d’agir rapidement, en éliminant les plants atteints pour limiter la propagation du pathogène.
En complément, des solutions de biocontrôle peuvent être intégrées pour renforcer les défenses naturelles des fraisiers.
Pestalotiopsis : un pathogène encore méconnu
Le cycle de développement de Pestalotiopsis reste encore partiellement élucidé. La contamination primaire provient souvent de plants déjà porteurs du champignon, qui se développe ensuite de manière opportuniste sur des fraisiers affaiblis, notamment par des stress hydriques, des carences nutritionnelles ou des blessures mécaniques.
Les conditions favorables à son développement incluent une humidité élevée et des températures comprises entre 19 et 23 °C. Les symptômes varient selon les organes touchés.
Sur les feuilles et les pétioles, Pestalotiopsis longisetula provoque de petites taches nécrotiques qui évoluent en lésions foncées, souvent ponctuées de points noirs correspondant aux structures fongiques.
Sur les fruits, de fines ponctuations brunes (2 à 4 mm) apparaissent, menant à la pourriture et au dessèchement du fruit.
Au niveau du collet et des racines, Pestalotiopsis clavispora induit des nécroses brunes à violettes visibles à la coupe du pivot, associées à un ralentissement de la croissance, un affaiblissement du système racinaire et, à terme, un dépérissement du plant. Les symptômes foliaires précèdent généralement le flétrissement complet de la plante, qui survient à l’approche de la récolte.