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Egalim et restauration collective : comment favoriser l’approvisionnement en fruits et légumes de proximité ?

Interdit dans les marchés publics, le critère « local » n’est pas pris en compte par Egalim. De nombreuses initiatives sont toutefois mises en place pour répondre aux objectifs de la loi à partir des productions de proximité. 

Des rencontres sont organisées pour favoriser l’approvisionnement local, ici sur le MIN de Nantes.
© Véronique Bargain - FLD

Si les produits locaux ne sont pas comptabilisés dans Egalim et si le critère d’approvisionnement local est interdit par le code des marchés publics, un objectif des pouvoirs publics et des collectivités est de relocaliser l’alimentation, tant chez les particuliers qu’en restauration collective ou commerciale. « Egalim est parfois présenté comme un moyen de faire du local, analyse Olivier Ayçaguer, responsable service économie et compétitivité à Interfel. Mais le code de la commande publique interdit le critère local. Interfel porte depuis deux à trois ans auprès de l’Union Européenne le souhait de pouvoir déroger à l’interdiction du local dans les marchés des produits bruts pour un tiers des achats. Pour l’instant, cette demande n’a pas abouti. Certaines dispositions permettent de favoriser légalement l’approvisionnement de proximité, comme de garantir l’accessibilité des TPE/PME à la commande publique en recourant notamment au sourcing, de promouvoir la fraîcheur et la saisonnalité des produits ou encore d’adopter un allotissement fin permettant à l’acheteur de répondre plus précisément à son besoin. Les acheteurs doivent toutefois être très vigilants pour sécuriser leurs achats. »

Externalités environnementales

Une possibilité dans la loi Egalim pour favoriser les approvisionnements locaux porte sur les produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit, pouvant notamment inclure le coût des émissions de gaz à effet de serres et les émissions polluantes. « Mais pour l’instant, nous n’avons eu aucune explication ni méthodologie pour calculer ces coûts », indique Marie-Cécile Rollin, directrice de Restau’Co. « Le Silgom souhaiterait répondre aux objectifs d’Egalim et s’approvisionner en local, illustre Magali Bony, responsable achats marchés publics de l’établissement public Silgom. Nous sommes en phase de sourcing, mais nous attendons une méthode de calcul pour favoriser les approvisionnements de proximité. » La loi Climat et résilience a également ajouté dans les 50 % d’aliments durables et de qualité « les produits acquis principalement sur la base de leurs performances en matière environnementale et d’approvisionnements directs ». « Là encore, nous attendons des explications, insiste Marie-Cécile Rollin. L’approvisionnement sans intermédiaire de la restauration collective est très peu fréquent. »

De nombreuses initiatives

Malgré tout, des initiatives se mettent en place depuis deux ans pour favoriser les approvisionnements locaux de la restauration collective, à une échelle variant du très local au régional. Différents outils sont ainsi développés par l’État, comme la boîte à outils Localim et, depuis 2021, la plate-forme Ma cantine, qui permet notamment aux cantines de déclarer leurs données d’achats et ainsi de collecter les données sur les approvisionnements entrant dans les objectifs d’Egalim.

Autre initiative : la plate-forme web Agrilocal, créée en 2013 par les conseils départementaux, qui permet aux acheteurs de la restauration collective de passer des marchés publics auprès de producteurs locaux en respectant les règles de la commande publique.

Un peu partout, des projets alimentaires territoriaux (PAT) sont aussi mis en place par les collectivités au niveau des villes ou des agglomérations, pour sensibiliser les populations à une alimentation plus locale et valoriser et structurer l’offre locale de produits alimentaires. Des producteurs s’organisent pour assurer collectivement l’approvisionnement des cantines dans le cadre des PAT. Ceux-ci se traduisent ainsi par la mise en relation des acheteurs et des producteurs locaux, la formation des acheteurs, la création de plates-formes de centralisation de l’offre et des commandes, de plates-formes logistiques mutualisées, de légumeries…

 

 

Manque de visibilité sur la commande

Les grossistes, fournisseurs traditionnels de la restauration collective, sont également très mobilisés. TerreAzur Bretagne Basse-Normandie propose ainsi un site sur lequel le client peut voir les producteurs de fruits et légumes travaillant avec TerreAzur situés dans un rayon de 50 kilomètres autour de chez lui. Des contrats tripartites sont également mis en place entre une collectivité, un grossiste et des producteurs locaux. « Pour des producteurs, fournir la restauration en direct n’est pas simple, assure Olivier Ayçaguer. Il y a un manque de visibilité sur les commandes. Il faut aussi qu’ils puissent assurer des volumes réguliers, calibrer, expédier… Ce sont d’autres métiers. Alors que les grossistes en fruits et légumes sont habitués et outillés pour faire coïncider l’offre et la demande et assurer la massification des produits et des livraisons régulières et organisées. »

Passer par les réseaux existants

Pour amener les PAT à intégrer la dimension interprofessionnelle, Interfel a créé depuis deux ans des comités régionaux dans cinq régions (Nouvelle-Aquitaine, Île-de-France, Hauts-de-France, Centre Val de Loire, Auvergne-Rhône-Alpes) et prévoit d’en créer d’autres dans les mois à venir. « Les PAT doivent intégrer les maillons de la filière déjà existants, les grossistes, les marchés de gros, les distributeurs… et les amener à aller chercher les produits locaux, sans créer de tensions sur le territoire », estime Olivier Ayçaguer. Les comités régionaux essayent ainsi de s’impliquer dans les PAT. « C’est toutefois assez compliqué, car il y en a beaucoup, admet Olivier Ayçaguer. En Nouvelle-Aquitaine, il y a plus de 100 PAT pour un seul délégué régional d’Interfel. »

La volonté des cantines est aussi en général que les approvisionnements de proximité passent par leurs fournisseurs habituels. « La restauration collective en France sert 10 millions de repas par jour et a besoin de tous les produits pour répondre à Egalim, du bio, de la HVE, du local, souligne Marie-Cécile Rollin. C’est aussi son rôle que d’accompagner la transition vers des produits bio et durables. Et la volonté des cantines est de tirer vers le haut la totalité de leurs achats et que les produits locaux passent par les circuits existants, notamment les grossistes, qui assurent 80 % des approvisionnements de la restauration collective, ou encore des réseaux historiques comme Manger bio ici et maintenant, qui a grandi en comprenant le fonctionnement de la restauration collective. Pour des raisons pratiques, économiques et environnementales, pour ne pas multiplier le nombre de camions sur les routes, les réseaux existants sont les mieux placés pour assurer l’approvisionnement de proximité des restaurants. Ceux-ci, par leur cahier des charges, peuvent être prescripteurs auprès de leurs fournisseurs habituels pour qu’ils aillent chercher des produits locaux. »

Une plate-forme nationale à l’initiative des Conseils départementaux

Plate-forme web nationale créée en 2013, Agrilocal permet aux acheteurs de passer des marchés publics auprès de producteurs locaux en respectant les règles de la commande publique. « Avec Agrilocal, chaque département adhérent développe son site pour faciliter les achats de proximité selon les spécificités de la production départementale, explique Nicolas Portas, directeur d’Agrilocal. Le but est que les producteurs aient accès aux marchés de la restauration collective de leur département et que des acheteurs publics puissent passer commande à des producteurs du département. » En pratique, le gestionnaire du restaurant engage une consultation en définissant ses critères d’achat. La plate-forme génère automatiquement cette information aux fournisseurs susceptibles de répondre à ses besoins, qui peuvent répondre instantanément par mail, SMS ou fax.

Une fois le délai de consultation achevé, le gestionnaire commande ses produits via la plate-forme directement aux producteurs, qui en assurent ensuite la livraison. « Agrilocal est la seule plate-forme internet au niveau national qui permet aux acheteurs de passer directement commande aux producteurs dans le respect des règles de la commande publique, assure Nicolas Portas. Selon la loi Climat et résilience, les produits commandés par Agrilocal entrent donc dans les objectifs de 50 % de produits durables et de qualité de la loi Egalim. Et 22 % des produits commandés sont des produits bio. »

L’association Agrilocal assure aussi une semaine d’animation par trimestre pour valoriser le travail fait au quotidien et sensibiliser les convives au manger local. 38 départements adhèrent actuellement à Agrilocal, avec 3 200 acheteurs publics en régie directe et 5 400 fournisseurs locaux. Quatre ou cinq autres sont en réflexion. Depuis le lancement de la plate-forme, 8 700 tonnes de produits ont été contractualisées, dont 1 500 tonnes de légumes et 1 000 tonnes de fruits.

 

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