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Dossier Serre : solaire thermique, le chaud et le froid

Les technologies utilisant l’énergie solaire thermique commencent à se développer et intéressent les serristes. Le dimensionnement des installations s’avère toutefois complexe.

Le procédé Hélio Smart permet de chauffer la serre, de la déshumidifier et de la rafraîchir.
© Idhelio

« Les serristes ont aujourd’hui une bonne visibilité sur leurs coûts énergétiques grâce à la cogénération, constate Ariane Grisey, du Ctifl. Mais dès 2025-2026, les premiers contrats C13 arriveront à terme et aucun autre contrat de rachat de l’électricité n’est pour l’instant prévu pour les grosses installations. De plus, même si le prix du gaz est stable actuellement, les taxes ne cessent de croître, ce qui augmente le coût final du gaz naturel. Le prix de l’électricité utilisée pour déshumidifier et refroidir les serres augmente lui aussi. Enfin, les énergies renouvelables sont de plus en plus soutenues par les pouvoirs publics. » Dans ce contexte, les technologies de solaire thermique se développant, les serristes s’y intéressent de plus en plus. Dix ans après les premières études qui n’avaient pas permis de conclure à la rentabilité du solaire thermique, une étude, cofinancée par l’Ademe Occitanie, a donc été menée en 2017-2018 par le Ctifl et les sociétés Idhelio et Agrithermic. « En dix ans, les technologies ont évolué, le solaire thermique s’est développé dans d’autres secteurs et les coûts ont diminué, souligne Ariane Grisey. Il était donc important de faire un état des lieux des solutions existantes et d’étudier leur faisabilité technique et économique pour les serres. » L’étude, en phase de finalisation, sera présentée à la journée Ctifl « Innovations en serre » du 4 octobre au centre de Balandran.

Chauffer de l’eau ou de l’air

Le solaire thermique consiste à utiliser l’énergie thermique des rayons lumineux pour échauffer un fluide liquide ou gazeux. L’énergie est captée par des panneaux qui varient selon la plage de température recherchée. Pour des serres maraîchères, les solutions envisageables sont des capteurs plans, permettant d’atteindre 80°C, et des systèmes à concentration (réflecteur parabolique, miroirs de Fresnel…), adaptés pour des températures supérieures à 100°C. Le fluide échauffé réchauffe de l’eau via un échangeur thermique. Cette eau est stockée dans un ballon puis utilisée pour chauffer ou déshumidifier la serre. Quand la température dépasse un certain niveau, l’air chaud (par alimentation d’un cycle thermodynamique) peut aussi produire du froid. Actuellement, le solaire thermique est peu développé pour des serres maraîchères. On en trouve notamment au Danemark et au Kenya. Fin 2016, une serre de 20 ha fonctionnant à l’énergie solaire thermique a également été créée en Australie (Sundrop Farm). 23 000 miroirs concentrent les rayons du soleil vers le sommet d’une tour où de l’eau de mer est ainsi portée à 800°C, ce qui permet de dessaler l’eau et de produire de la vapeur d’eau. Celle-ci est utilisée pour chauffer ou refroidir la serre, irriguer les cultures de tomate et faire tourner une turbine électrique. En France, ce système est impossible à réaliser de manière compétitive, du fait d'un trop faible ensoleillement. Le Cirad a installé en 2015 des capteurs solaires permettant de chauffer 3 000 m² de serre d’expérimentation tropicale. Plusieurs sociétés spécialisées dans le solaire thermique, pour certaines déjà actives dans le bâtiment ou l’industrie, commencent toutefois à s’intéresser aux serres. « La compétitivité du solaire thermique dépend de l’ensoleillement, de la taille de l’installation et des températures requises, explique François-Xavier Sarda, de Newheat, une société spécialisée dans la production d'énergie solaire thermique à grande échelle. Plus l’installation est située dans une région ensoleillée, plus elle reçoit de rayonnement solaire, permettant une plus grande production d'énergie. Plus les besoins sont élevés, plus l'installation thermique est grande, ce qui entraîne des économies d'échelle. Enfin, plus les températures requises sont basses, plus les rendements des capteurs sont élevés. Cette énergie est donc très adaptée aux serres maraîchères, qui utilisent de l’eau à 50-70°C et ont des besoins importants : cela permet de produire une énergie compétitive dans toutes les régions françaises, même les moins ensoleillées. »

Bien dimensionner l’installation

L’étude Ctifl pointe toutefois certaines difficultés. La principale est liée au déphasage entre la production de chaleur, élevée surtout l’été, et les besoins des serres, importants surtout l’hiver. « Le dimensionnement des installations n’est pas simple, analyse Ariane Grisey. Les études montrent que la rentabilité est plus rapide dans les régions ayant des besoins en chaleur toute l’année pour chauffer la serre ou la déshumidifier. » Newheat, qui conçoit et finance des installations de solaire thermique avec contrat de vente de chaleur au serriste, estime que le solaire thermique à partir de capteurs plans est rentable pour des serres de plus de 2 ha et nécessite 1 à 2 ha de capteurs pour 5 ha de serre. « L’installation doit être dimensionnée selon l’ensoleillement de juillet-août, estime François-Xavier Sarda. L’été, l’installation couvre 100 % des besoins. L’hiver, le solaire vient en complément de la cogénération. » Une chaudière ou une cogénération, par ailleurs intéressantes pour récupérer le CO2, restent donc nécessaires. Un logiciel (Hortinergy, voir article p) a par ailleurs été mis au point par Agrithermic pour calculer les besoins en chauffage et refroidissement d’une serre sur l’année et faciliter le dimensionnement d’une installation de solaire thermique. La possibilité de produire du froid en été à partir du soleil est également intéressante. Idhelio, qui propose un dispositif réchauffant l’air à 250°C, y associe ainsi une machine à sorption permettant de produire du froid. Enfin, au-delà des aspects techniques et de dimensionnement, la rentabilité du solaire thermique dépend aussi des aides apportées à cette énergie. Les solutions proposées sont éligibles au Fonds Chaleur géré par l’Ademe. Une autre piste pourrait être celle des Certificats d’Economie d’Energie (lire page 65), qui n’intègrent actuellement pas le solaire thermique.

De l’air chauffé à 250°C et stocké sur lit de roche

Le procédé Helio Smart d’Idhelio permet de produire et stocker de l’énergie thermique jusqu’à 250°C à partir d’air chaud. Déjà mis en œuvre dans une entreprise de séchage de fruits, il est désormais proposé aux maraîchers. Un concentrateur constitué de miroirs de Fresnel qui suivent le soleil concentre les rayons lumineux vers un tube métallique où passe de l’air, qui est ainsi chauffé à 250°C. Cet air peut être utilisé directement pour chauffer la serre ou être pulsé à travers un lit de roche, la roche s’échauffant ainsi à 250°C et pouvant stocker la chaleur pendant quelques jours. La nuit, de l’air frais est pulsé à travers le lit de roche pour récupérer la chaleur et l’utiliser pour chauffer la serre. Un troisième élément est une machine à sorption, sorte de climatiseur basé sur un cycle thermodynamique, qui permet de rafraîchir la serre ou de la déshumidifier. « L’hiver, le dispositif permet de chauffer la serre en complément d’une cogénération ou d’une chaudière, précise Didier Martin, directeur général d’Idhelio. Et à mi-saison ou l’été, il permet de chauffer la serre, de la déshumidifier ou de la rafraîchir. Un autre avantage est qu’il se couple facilement aux systèmes existants, la machine à sorption acceptant aussi les gaz d’échappement de la cogénération. » Pour 10 000 m² de serre, Idhelio prévoit 2 000 à 3 000 m² de miroirs et 300 m³ de roche. La rentabilité d’une installation par rapport au gaz naturel est de 8 à 12 %, avec une durée de vie prévue de 20 ans.

Des solutions de solaire passif pour les tunnels et les multichapelles

Des solutions de solaire thermique existent aussi pour les tunnels et les multichapelles. En collaboration avec l’Astredhor, Agrithermic propose plusieurs dispositifs à installer dans un tunnel, qui captent la chaleur en journée et la restituent de façon passive la nuit. Un premier système repose sur un aérotherme solaire qui récupère le surplus de chaleur présent au faîtage et le stocke dans une cuve d’eau au sol. L’eau peut ainsi passer de 20°C à 30°C. La nuit, la chaleur emmagasinée par l’eau est restituée à l’air de la serre par l’aérotherme fonctionnant en mode inverse. Une autre solution, intéressante pour la production de plants, est de stocker l’eau dans un plancher chauffant installé dans le sol à 35 cm de profondeur. La nuit, la chaleur de l’eau est restituée de façon passive à la serre. Une installation pilote basée pour partie sur le stockage de l’eau en cuve et pour partie sur un plancher chauffant est actuellement à l’essai au Lycée de Fazanis (47). « Ces solutions, adaptées aux itinéraires basse température, peuvent permettre de garder les serres hors gel et de gagner 6 à 10° la nuit et six semaines de précocité, précise Vincent Stauffer, directeur d’Agrithermic. Elles sont intéressantes notamment pour la production de plants, de légumes feuilles et de tomates bio. » Une troisième solution est à l’étude pour la production de fraises sur gouttières à la station de l’Astredhor de Brindas (69).

 

 

Retrouvez tous les articles de notre dossier Serre :

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