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Dossier Dephy arbo : Valider pas à pas les réductions de dose

Pruniculteur en Lorraine, Vincent Sesmat utilise de l’adjuvant pour réduire ses doses et son IFT. Il creuse les pistes pour le baisser encore davantage.

Vincent Sesmat et Yann Guépet. « Le premier mérite du réseau Dephy est de permettre aux producteurs de dialoguer sur les pistes qui peuvent permettre la réduction de leur IFT ».
© C. Reibel

A Dieulouard, entre Nancy et Metz, le Gaec Saint-Sébastien est un membre de la première heure du réseau Dephy prunes Lorraine lancé en 2011. « La mirabelle représente un faible volume dans la masse des fruits français. Je fais partie de la commission technique de l’AREFE (1). La filière a estimé qu’il était important que la mirabelle ait une référence propre qui ne soit pas calquée sur un type de prune comme la reine-claude qui est produite sous une climatologie différente », explique Vincent Sesmat, l’un des quatre associés de cette exploitation de 420 ha de céréales qui s’est diversifiée en 2001 en plantant 8 ha de mirabelliers. Leur récolte est écoulée comme fruits de bouche en AOP « mirabelle de Lorraine ».

 

 

Les arbres sont traités de huit à quinze fois selon l’année. « Je me base sur les grilles à risques tenues à jour par l’AREFE. Elles tolèrent des seuils d’insectes et des pressions maladies. Je lutte contre les pucerons verts, jusqu’à trois vols de carpocapse deux années sur cinq et l’hoplocampe car le verger est localisé près d’une zone boisée. En maladies, nous avons affaire à la moniliose ainsi qu’à la tavelure », énumère Vincent. Il lui arrive de faire l’impasse sur monilia fleurs par temps sec. Il intervient au moins une fois et jusqu’à trois fois sur monilia fruits. Il redouble d’attention pour la tavelure qui lui impose de sortir son pulvérisateur de 2 000 l à jet porté de quatre à huit reprises par saison. « L’expérience semble montrer qu’il vaut mieux couvrir correctement les premiers risques, jusqu’à mi-juin pour s’éviter de continuer après. C’est la piste creusée. Les producteurs du réseau aident à la valider sur toute la Lorraine ».

 

Les abeilles, garantes d’une production plus régulière ?

L’IFT de Vincent a été calculé alors que son verger qui n’était pas en pleine production lui permettait de travailler à dose réduite. Il s’élève à 11 en moyenne, à 10 en 2018. En pratique, il varie entre 8 et 17. « La tavelure est mon risque principal. C’est aussi là que réside ma principale réserve pour faire baisser mon IFT », commente Vincent. Il s’y attelle. Depuis quatre ans, il utilise un adjuvant (Heliosol) pour se limiter à 70 % de la dose. Il a commencé par tester cette option sur 50 ares. Il l’a appliquée sur 3,5 ha en 2018 et l’étendra à la totalité de la surface en 2019. « Je valide pas à pas mes choix de réduction de dose », confirme-t-il. « C’est possible parce que les outils d’analyse du risque sont de plus en plus précis. Et j’accumule de l’expérience ». En 2018, Vincent a réalisé un essai en plaçant des ruches d’abeilles sauvages en bordure de son verger. Des comptages ont été effectués à 25-50-100-150 et 200 m de distance. « Le mirabellier est sensible à l’alternance. En 2017, il y avait une bonne récolte. L’objectif de l’essai est de déterminer si les hyménoptères améliorent le retour à fleur qui favorise une régularité de production. C’est un élément qui peut inciter à économiser le régulateur de charge. L’assurance d’une meilleure récolte permet aussi d’accepter un niveau de risque ravageur ou maladies un peu supérieur », détaille le producteur. Il pourrait aussi évoluer vers le désherbage mécanique suite à l’interdiction du glyphosate. Ce qui se traduirait immédiatement par un gain d’un point supplémentaire d’IFT.

Ne pas se sentir seul

Vincent apprécie l’apport du groupe Dephy dont tous les membres n’ont pas les mêmes objectifs, ni la même problématique. « Je ne me sens pas seul. Je peux dialoguer avec mes collègues sur le désherbage mécanique, leurs choix de spécialités et leur mise en œuvre, les produits de biocontrôle ou les biostimulants, leur impact sur le comportement du verger. Une arboricultrice du groupe tente par exemple de réduire la pression carpocapse avec des nématodes injectés dans le sol ». Il constate aussi que la diminution de son IFT est obligatoire. « La société nous impose cette réflexion. Il ne sert à rien de se cacher. Je le vois bien quand je traite. Le verger étant situé le long d’un sentier très passant, je me fais régulièrement interpeller. J’arrête systématiquement mon pulvérisateur pour expliquer ce que je fais et pourquoi je le fais. En prenant mon temps, 90 % des gens me comprennent ».

Christophe Reibel

(1) AREFE : Station régionale d’expérimentation fruitière de l’Est

Cibler une réduction des fongicides

Le réseau Dephy prunes Lorraine accueillera son douzième producteur de mirabelles en 2019. Jusqu’à présent, il réunissait onze membres dont un certifié bio depuis l’an passé. Ces arboriculteurs exploitent entre 3 et 45 ha de mirabelles en Meurthe-et-Moselle, en Meuse et dans les Vosges. La stratégie de protection de leurs vergers varie selon leur débouché : fruits de bouche, destinés à l’industrie ou tout venant. En 2012, l’IFT moyen du groupe avait été calculé à 15,16. Cette valeur a baissé de 12 % en moyenne historique pour se stabiliser à 11. « La réduction des doses et la substitution des spécialités classiques par des produits de biocontrôle ont conduit à ce résultat », commente Yann Guépet, l’ingénieur régional de l’AREFE (1) animateur du réseau. L’IFT s’est établi à 14,5 en 2016, année de forte pression de la tavelure. Il est descendu à 10 en 2017, un millésime où le gel a rendu superflue une partie des traitements. Il a chuté à 8 en moyenne (1 herbicide, 2 insecticides, 5 fongicides) en 2018 où seul le risque tavelure était à suivre avec attention. En pratique, les producteurs du réseau ont traité de 7 à 12 fois en 2018. « Cela montre que nous ne sommes pas dans une usine, mais dans la variabilité liée aux années. L’objectif reste de réduire l’IFT moyen sans remettre en cause la pérennité économique des ateliers. Les fongicides sont les plus concernés par l’évolution souhaitée car ils sont les plus nombreux à être utilisés », indique Yann Guépet.

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