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Poireau
Rouille du poireau : quels sont les leviers de lutte contre cette maladie ?

Le projet Agroupo montre l’importance de différents leviers de lutte contre la rouille du poireau, notamment le choix variétal. Leur mise en œuvre devrait limiter l’impact de la suppression possible du tébuconazole. [article rédigé par Emeline Patoor (Sileban) et Anaëlle Espinasse (PLRN)]

La rouille est une maladie très répandue sur poireaux dans le quart nord-ouest de la France, qui regroupe les principaux bassins de production. Les fongicides homologués contre cette maladie ont presque uniquement une action préventive. L’une des substances actives clé des programmes de lutte est le tébuconazole, dont le réexamen de l’approbation est prévu en août 2026, avec une interdiction probable. De plus, très peu de résultats sont disponibles sur l’utilisation de biocontrôle ou de produits alternatifs pour contrôler la rouille sur culture de poireau.

Aucun produit de biocontrôle n’est actuellement homologué pour cet usage. Pour anticiper cette disparition, le projet Agroupo a été mené entre 2021 et 2024 par deux stations d’expérimentation implantées dans deux bassins majeurs de production de poireaux : le Sileban (Normandie, porteur de projet) et le PLRN (Hauts-de-France). Celui-ci a eu pour objectif la construction de schémas décisionnels pour une gestion agroécologique de la rouille du poireau. Il a permis de caractériser au mieux différents leviers de gestion de la maladie (qualité sanitaire du plant, fertilisation, tolérance variétale, outil d’aide à la décision, produits de lutte alternative) et d’approfondir les plus prometteurs.

Certaines parcelles sont surfertilisées

Dans un premier temps, il a fallu vérifier que les jeunes plants de poireaux, issus de différentes pépinières en agriculture conventionnelle, étaient sains. Cela a permis de s’assurer que la rouille ne provenait pas de ces pépinières, et que la contamination avait lieu après repiquage au champ. Ensuite, différents programmes de fertilisation ont été testés pour s’assurer que la fertilisation préconisée sur poireau ne favorise pas le développement de la rouille. Alors que certaines parcelles de poireaux sont surfertilisées, les résultats d’Agroupo montrent que les résultats sont les mêmes en termes de rendements et d’infection en rouille, pour des modalités réduisant drastiquement les quantités d’azote et de phosphore apportées par rapport à la référence en production.

En revanche, l’absence totale de fertilisation en azote et en phosphore est à éviter. Les poireaux alors affaiblis présentent des dégâts de rouille plus importants. Dans le prolongement de l’évaluation des variétés de poireau et notamment leur tolérance à la rouille, réalisée par le PLRN depuis plus de vingt-cinq ans, trente-deux variétés ont été évaluées entre 2021 et 2023. D’après les essais variétaux menés au PLRN, une bonne tolérance a été attribuée à douze variétés, parmi lesquelles Belton, Biker, Darter, Kinstar, Laston, Nunton, Sureton et une tolérance moyenne à neuf autres dont Chiefton, Isadora, Oslo, Poulton.

Utiliser des plantes sentinelles

Les travaux d’Agroupo ont également eu pour objectif de déceler l’apparition de la maladie le plus tôt possible afin de gagner en efficacité. Ainsi, utiliser des plantes sentinelles et des modèles biologiques comme outils d’aide à la décision (OAD) semble pertinent. Les plantes sentinelles sont des plantes très sensibles à la rouille, qui, placées en bordure de champs, permettraient de déceler l’arrivée de la rouille avant que les premiers symptômes n’apparaissent sur la culture. Trois alliums connus pour être sensibles à la rouille ont été inoculés avec des souches de rouille prélevées sur différentes variétés dans divers bassins de production. Il s’est avéré que toutes les souches de rouille ne s’expriment pas de la même manière sur tous les poireaux. Toutefois, utiliser des plantes sentinelles, telles qu’Allium ampeloprasum L. ou Allium porrum L. “Harston”, pourrait permettre de déceler la présence d’une partie des souches de rouille à temps, mais pas de toutes.

En outre, deux modèles liés à des stations météo ont été évalués, mais à ce jour, aucun n’est utilisable comme OAD. Le dernier levier travaillé étudié par Agroupo concerne les produits de lutte alternative. D’une part, aucun des produits alternatifs testés, ni aucune matière fertilisante et support de culture (MFSC) n’a fait ses preuves en réduisant les dégâts liés à la rouille. D’autre part, la suppression du tébuconazole du programme de traitement n’a pas diminué le rendement. Une réduction de 30 % de la dose d’azoxystrobine, couramment utilisée, a également été étudiée sans impact sur le rendement. En termes d’efficacité, il semble que l’ajout d’un adjuvant à de l’azoxystrobine à 70 % de la dose homologuée permette de limiter l’infestation. Attention toutefois à alterner les substances actives afin d’éviter l’apparition de résistances.

Une réduction des doses est possible

Enfin, trois schémas décisionnels ont été construits à partir des premiers résultats d’essais en concertation avec la profession (Agrial, chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais, CTIFL, marché de Phalempin, Natur’Coop, Planète Légumes, PLRN et Sileban). Ces schémas avaient pour objectif de servir d’OAD pour aiguiller les décisions d’application des produits de protection. Ils ont été testés sur deux variétés aux sensibilités à la rouille différentes, dans trois bassins de production (dans le Val-de-Saire et sur la côte Ouest en Normandie, et dans le Pas-de-Calais) et ont fait l’objet d’une analyse technico-économique. Ainsi, tous les essais réalisés dans le cadre de Agroupo ont mis en évidence que le levier le plus efficace est le levier variétal : il est primordial de choisir au minimum une variété moyennement tolérante à la rouille.

Ensuite, il est nécessaire de réfléchir au moment opportun pour faire ses traitements en fonction des conditions météorologiques. Une réduction des doses à 70 % de la dose homologuée est possible à condition d’ajouter un adjuvant. En termes de fertilisation, il est nécessaire d’apporter du NPK, car en cas de carence, les poireaux sont affaiblis et sont davantage sujets à l’infection. Toutefois, les pratiques actuelles de fertilisation tendent à une surfertilisation de la culture, il est donc conseillé de réduire les quantités d’azote et de phosphore apportées. Une étude plus fine du levier de fertilisation permettrait d’affiner les recommandations en culture de poireau.

Récolte de fin d’automne-début d’hiver

En respectant ces indications, la suppression du tébuconazole ne devrait pas impacter négativement les rendements. Il faut toutefois préciser que tous les essais ont été menés avec une récolte de fin d’automne-début d’hiver mais pas pour des créneaux d’arrachage tardif de printemps. Des essais complémentaires pourraient être conduits dans de futurs travaux, afin d’approfondir, de vérifier et de valider les conclusions de ce projet financé par FranceAgriMer, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (Casdar), et le département de la Manche. Ces travaux pourraient conduire à un schéma décisionnel final.

Des conséquences économiques très importantes

Puccinia porri, principal responsable de la rouille avec Puccinia allii, affectionne particulièrement les climats doux et humides. Les pustules orange qui se développent sur les feuilles après de fortes attaques rendent le produit non commercialisable en circuit long entraînant des conséquences économiques très importantes. Ces affections obligent à éplucher davantage les poireaux, ce qui diminue le rendement et ralentit la cadence de la chaîne d’épluchage, et augmente donc les coûts de main-d’œuvre.

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