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Pourquoi les fruits bio sont plus chers concrètement ?

Lors de la journée Fruits Bio de la région Auvergne-Rhône-Alpes du 30 décembre, Nicolas Drouzy, conseiller en arboriculture chez Chambre d'agriculture Savoie Mont-Blanc et référent technique régional, a expliqué concrètement pourquoi produire des fruits en bio est plus cher qu’en production fruitière intégrée.

La pomme représente 21 % des surfaces de fruits bio. Elle se place entre la noix (26 %) et la châtaigne (17 %).
Un verger de pommiers en bio.
© RFL

Alors que la journée Fruits Bio de la région Auvergne-Rhône-Alpes du 30 décembre au Cluster Bio Auvergne-Rhône-Alpes a été l’occasion de revenir sur un marché du bio chamboulé, les débats ont notamment évoqué la question du prix du bio. Le bio est en général vendu plus cher que le conventionnel -mais l’écart tend à se resserrer. Et cette année, inédite, on a pu voir des prix de détail en GMS du bio inférieur à ceux du conventionnel ! 

Lire aussi l’article : Marché du bio : « J’assume parfaitement d’avoir valorisé mes fruits bio sur le marché conventionnel »

Les fruits bio sont surtout plus chers à produire que les fruits conventionnels. Nicolas Drouzy, conseiller en arboriculture à la Chambre d'agriculture Savoie Mont-Blanc et référent technique régional, s’est attaché à le montrer concrètement. Il a détaillé son argumentaire selon les facteurs de performance économiques : les paramètres du coût de production (rendement par hectare, le temps de travail, le coût des intrants) ; le marché du bio (offre et demande, organisation des filières) et le prix de vente.

 

Le rendement par hectare

C’est un fait bien connu : passer en bio fait baisser les rendements par hectare dans la majorité des cas. Selon les données compilées par Nicolas Drouzy, les baisses de rendement sont de :

En fruits à pépins :

  • -55 % en pommes : 30 à 50 t/ha (voire 60-70 t/ha pour les vergers les plus performants) en PFI* contre 15 à 25 t/ha en bio.
  • -70 % en poire : 25 à 35 t/ha en PFI contre 5 à 15 t/ ha en bio.

En fruits à noyau :

  • -30 à -50 % en pêches précoces et de saison (25 à 35 t/ha en PFI).
  • pêches tardives : 50 t/ha en PFI ; impossible en bio.
  • -45 % en abricots : 15 à 20 t/ha en PFI contre 0 à 12 t/ha en bio.
  • -45 % en cerises : 7 à 10 t/ha (15 à 20 t/ha pour les plus performants) en PFI contre 4 à 7 t/ha en bio.

Fruits à coque :

  • -45 % en noix : 2.5 à 5 t/ha (15-20 t/ha pour les très performants) en PFI contre 1,5 à 2 t/ha en bio.
  • -45 % olives : 3 à 5 t/ha en PFI contre 2 à 4 t/ha en bio

*PFI : production fruitière intégrée

Nicolas Drouzy résume : « On n’arrive pas à faire de la poire bio aujourd’hui, avec une perte de 70 % de rendement au bout de la 3e année de conversion. La pêche tardive bio est impossible et en abricot c’est très aléatoire. Enfin, en cerise, on chute en rendement, surtout sur les cerises tardives qui est malheureusement le positionnement de Rhône-Alpes : à cause de Drosophila suzukii il est difficile de faire des volumes. Et les filets de protection contre la mouche ont un coût important. Enfin, en noix c’est la valorisation du produit qui a fortement baissé, et il faudrait donc plus de rendement pour compenser. »

Passer d’une production fruitière intégrée (PFI) a une production bio fait baisser les rendements, selon les données compilées par Nicolas Drouzy, conseiller en arboriculture chez Chambre d'agriculture Savoie Mont-Blanc et référent technique régional.© Nicolas Drouzy

 

La protection phytosanitaire

En arboriculture, on ne dispose pas du levier que sont les rotations des cultures. Nicolas Drouzy souligne en outre, pour bio, un manque de solutions biologiques et des usages orphelins.

« En poire, les solutions bio (cuivre, soufre et bicarbonate) créent de la phytotoxicité sur le feuillage et la nouaison du fruit sur l’arbre ne se fait pas. En pêcher, la cicadelle fait parler d’elle ces derniers temps, elle freine le développement des jeunes vergers. Les abricotiers souffrent de Monilia. »

Principales problématiques de protection phytosanitaires des principales cultures de fruits, résumées par Nicolas Drouzy, conseiller en arboriculture chez Chambre d'agriculture Savoie Mont-Blanc et référent technique régional. © Nicolas Drouzy

 

Opérations culturales supplémentaires chronophages

L’agriculture bio nécessite des opérations culturales supplémentaires qui sont donc très chronophages : le désherbage, la protection des cultures avec des filets, des passages prophylactiques (monilia sur fleurs, dégâts de mouches), l’éclaircissage manuel en pommier ; l’efficience de la récolte (nombre de fruits et calibre).

 

Hausse des couts des intrants

Le prix des intrants a subi sa plus forte hausse depuis 20 ans : + 25, 9 % depuis 2021 et + 38,6 % depuis 2020. « Les engrais minéraux azotés ont bondi de +92 % avec la guerre en Ukraine et les engrais organiques ont mécaniquement suivi, dans une moindre mesure, à +18,4 %, détaille Nicolas Drouzy. Les produits de protection des cultures (+4,4 %) ont suivi l’inflation, avec les cas particuliers du Neemazal (+60 %) et du Sucess 4 (+30 %) très utilisés en bio. Les produits d’amendement ont pris +11,3 %. »

 

Le marché du bio

La hausse des surfaces en bio créé un désordre structurel et une offre bien supérieure à la demande. « Un fait qui a sûrement été un peu masqué par le Covid et que l’on voit depuis 2021. Aujourd’hui on voit des producteurs qui revendent sur les marchés conventionnels mais aussi des cas de déconversions de vergers », conclut Nicolas Drouzy.

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