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Arboriculture : la lutte contre les chenilles foreuses des fruits s’organise

L’œuf, la larve, le cocon ou l’adulte… A tous les stades de développement, il est possible d’intervenir contre les chenilles foreuses des fruits pour protéger les vergers. Invenio expérimente diverses méthodes alternatives de protection, seules et en combinaison.

Carpocapse des pommes, carpocapse de la prune, carpocapse et tordeuse de la châtaigne, petite tordeuse des fruits… Les chenilles foreuses des fruits causent des dégâts sur de nombreuses espèces fruitières. La station expérimentale Invenio, en Nouvelle-Aquitaine, expérimente depuis longtemps des méthodes de lutte alternatives, seules et en combinaison, sur pomme, prune d’Ente et châtaigne. « Les différentes espèces de chenilles foreuses des fruits ont des cycles similaires, ce qui nécessite d’avoir un regard croisé sur les moyens de protection », relève Sébastien Cavaignac, responsable des pôles châtaigne et agriculture biologique à Invenio, lors de la journée « bilan et perspectives » de la station, en décembre 2019. Suivant les méthodes utilisées, la lutte contre les chenilles peut se faire contre la larve (soit dans l’œuf, soit contre la larve « libre », soit dans le cocon) ou contre le papillon adulte. Sur châtaigne, la nécessité d’avoir un regard croisé est d’autant plus importante que la pression des larves de tordeuse du châtaignier Pammene fasciana est en augmentation. « On observe aujourd’hui autant de larves de tordeuses que de larves de carpocapse à la récolte », indique l’ingénieur. Ce nouveau contexte pose la question d’adapter la confusion sexuelle, en tenant compte du cycle de la tordeuse pour la date de pose des diffuseurs, voire en faisant évoluer la confusion sexuelle vers des diffuseurs multi-espèces.

Des produits de biocontrôle en ingestion par la larve

Outre la lutte contre les papillons adultes, comme c’est le cas avec la confusion sexuelle, Invenio travaille sur les moyens de lutte au stade de l’œuf, avec les trichogrammes, sur châtaignier. Cette guêpe parasitoïde pond dans les œufs de lépidoptères. La larve se développe en mangeant le contenu de l’œuf, puis un adulte en émerge, qui pondra ensuite dans d’autres œufs. « Suivant les années, les niveaux d’efficacité ont été relativement intéressants, variant entre 20 et 35 % », présente Nathalie Pasquet, du pôle châtaigne. Toujours sur châtaigne, Invenio a évalué en 2019 l’action de produits de biocontrôle en ingestion par la jeune larve « baladeuse ». Deux produits à base de virus et deux à base de bactérie ont été testés, certains non homologués sur châtaignier. Après application tous les dix jours entre début juillet et mi-septembre, le pourcentage de fruits véreux a été évalué à la récolte. Les résultats n’ont pas été satisfaisants, la part de fruits véreux dans les modalités traitées avec les produits de biocontrôle n’étant pas différente de celle de la modalité non traitée. Une des limites de l’intervention sur larves « baladeuses » sur châtaignier est la difficulté d’atteindre la cible par pulvérisation foliaire, sur les arbres âgés d’au moins quinze ans.

La majorité du cycle des chenilles foreuses a lieu dans le sol

Pour lutter contre la larve dans le cocon, les utilisations de champignons et nématodes entomopathogènes constituent une piste prometteuse. « Les formes hivernantes sont un stade où il est intéressant d’agir, car 80 % du cycle des chenilles foreuses des fruits se fait dans le sol », indique Sébastien Cavaignac. Plusieurs approches sont étudiées par la station : l’impact des nématodes et des champignons sur les chenilles, en chambre climatique, en application au sol en verger, ainsi qu’en stratégie cumulée avec la confusion sexuelle, dans un contexte de production. En chambre climatique (22 °C + humidité), des cocons de carpocapse de la châtaigne ont été mis en contact avec des nématodes seuls (Steinernema feltiae), des champignons seuls (Beauveria bassiana) ainsi que les deux associés. La mortalité des larves a été observée après 14, 28 et 42 jours. Les résultats ont commencé à être intéressants à partir de 28 jours après le traitement : 60 % de mortalité avec les champignons, 91 % avec les nématodes et 78 % en association, contre 38 % pour le témoin non traité.

Combiner confusion sexuelle et biocontrôle

Les stratégies cumulées ont consisté à appliquer au sol des nématodes, des champignons, seuls et en association, dans un verger de production en confusion sexuelle (100 diffuseurs par hectare + renforcement des bordures). Les produits ont été épandus fin mai. Un système de tentes a été utilisé pour observer les émergences de carpocapses et de balanins. La part de fruits véreux pour chaque modalité a par la suite été comptabilisée pour chaque modalité. Ce pourcentage se situe entre 21 et 22 % pour les trois modalités « stratégies cumulées », contre 42,5 % pour le témoin non traité, soit une efficacité d’environ 50 %. « Il n’y a pas de possibilité de savoir quelle est la part de la confusion sexuelle et du biocontrôle dans les résultats, précise Sébastien Cavaignac. Mais c’est un travail très intéressant qu’il faudra continuer. » Le travail du sol est un autre moyen d’agir sur les cocons de chenilles foreuses des fruits. Depuis 2017, un dispositif d’évaluation de cette méthode en conditions réelles est mis en place chez un producteur de châtaignes, équipé d’une récolteuse mécanique. Les émergences des papillons en sol travaillé et non travaillé ont été comparées grâce à des comptages dans des tentes pièges. Sur les deux ans, entre trois et six fois moins de papillons ont été capturés dans les tentes pièges sur sol travaillé. Mais le pourcentage de fruits véreux reste élevé sur sol travaillé. Satisfait de la démarche, le castanéiculteur souhaite la poursuivre, avec comme perspective d’améliorer l’augmentation du travail du sol sur le rang afin de réduire les surfaces non travaillées.

« Les formes hivernantes sont un stade où il est intéressant d’agir, car 80 % du cycle des chenilles foreuses des fruits se fait dans le sol » Sébastien Cavaignac, Invenio

Trois espèces de chenilles foreuses des fruits

 

 
La petite tordeuse des fruits Cydia lobarzewskii est observée depuis près de dix ans dans les vergers de pruniers d’Ente. Elle n’effectue qu’un seul cycle par an, qui s’intercale entre la première et la deuxième génération du carpocapse des prunes. Les vols et pontes s’étalent sur mai/juin. Une fois écloses, les larves, de couleur gris jaune à rose pâle, creusent des galeries dans la chair du fruit. Il est possible d’observer une ou des traces d’œufs à proximité de la perforation, qui présente une forme de spirale. La larve passe l’hiver dans le sol ou sous l’écorce.

 

 

 
Le carpocapse de la châtaigne Cydia splendana effectue un cycle par an. Les femelles pondent leurs œufs en août, sur la face supérieure ou inférieure des feuilles. Après 10 à 15 jours de développement, la larve éclose circule sur le feuillage et les rameaux puis pénètre dans les bogues au voisinage du point d’insertion. A la fin de son développement, la chenille abandonne le fruit en faisant un trou de 2 à 3 mm. Elle passe l’hiver dans le sol, dans un cocon blanc long de 8 à 10 mm, agglomérant de la terre et divers débris.

 

 

Le carpocapse des pommes et des poires, Cydia pomonella, s’attaque aussi aux noix. Plusieurs projets d’expérimentation contre ce ravageur sont d’ailleurs en partenariat avec la filière noix. Une troisième génération commence à être observée dans le Sud-ouest, comme dans la région méditerranéenne. Les premiers vols ont lieu en avril. Les œufs éclosent généralement à la fin du mois de mai et les larves pénètrent dans les fruits après un stade « baladeur » qui dure entre 2 et 5 jours. Le passage de l’hiver se fait au sol ou dans l’écorce.

 

 

 

L’influence de l’environnement des parcelles

Certaines pratiques agricoles et l’environnement des parcelles semblent avoir une influence sur l’importance des dégâts de chenilles foreuses en vergers de pruniers d’Ente. C’est ce qu’indiquent des travaux réalisés par Invenio sur une quarantaine de parcelles de producteurs conduites en AB. Pour la petite tordeuse, la taille des parcelles est importante : plus elles sont petites, plus les dégâts sont importants (cela est vraisemblablement lié à la confusion sexuelle, plus efficace sur des parcelles de plus de 2 ha). Une autre relation mise en évidence est la proximité de vignes : plus la surface de vignes en périphérie est importante, plus la pression de chenilles foreuses est forte. A l’inverse, plus la surface de vergers en périphérie est importante, moins il y a de dégâts. Le travail du sol semble également avoir une influence : l’entretien régulier du rang et de l’inter-rang est lié à une limitation des dégâts. Pour le moment, les facteurs à l’origine de ces corrélations ne sont pas connus et restent à déterminer.

 

 

L’insecte stérile testé pour la première fois en France

Invenio a testé en 2019 la faisabilité de la Technique de l’insecte stérile (TIS) vis-à-vis du carpocapse des pommes. Le CTIFL et la Senura réalisent en parallèle des essais pour la filière noix. Cette technique consiste en des lâchers inondatifs de populations d’insectes stériles, mâles et femelles, dans le but de stopper le cycle de développement du carpocapse (100 insectes stériles lâchés pour un insecte sauvage). « Le but est d’avoir un double effet : d’une part, diminuer les chances pour les mâles sauvages de trouver les femelles sauvages en relâchant des quantités supérieures de mâles stériles, et d’autre part, d’obtenir une descendance non viable en cas d’accouplement insecte sauvage/insecte stérile », explique Sébastien Cavaignac. Depuis les années 90, l’utilisation de la TIS dans une vallée au Canada contre le carpocapse des pommes a été un succès (dans un contexte de lutte collective obligatoire). En France, après l’autorisation d’introduction obtenue pour les carpocapses stériles en provenance du Canada (projet Carpotis*), les premiers essais sur pomme ont été effectués en 2019 à partir d’insectes reçus du Canada, avec tout d’abord des observations de ceux-ci : ratio mâle/femelle, capacité d’envol, longévité sans nourriture, dispersion sur le terrain… « On constate 50 % de mortalité au bout de cinq jours sans nourriture. C’est une observation intéressante, car les insectes importés sont susceptibles de rester plusieurs jours sans nourriture, pour un contrôle aux douanes par exemple… », poursuit l’ingénieur. Ces premiers tests ont permis de constater l’intérêt de la méthode.

* Partenaires : CTIFL, Senura, Invenio, AOP Dynamic Noix, AOP Pomme du Limousin, Comité interprofessionnel Noix de Grenoble

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